Le Ventre de l’architecte
Un métrage, une image : Liebestraum
(1991)
L’ultime film de Kim Novak la
portraiture en patiente très patraque, en gémissante génitrice, in fine
en flingueuse au passé, à l’agonie aujourd’hui, tandis qu’elle expire, une
jeune femme soupire, grande et petite morts encore mêlées, merci au montage
alterné. En dépit de la présence de Pamela Gidley (Twin Peaks: Fire Walk with Me,
1992) & Bill Pullman (Lost Highway, 1997), d’une ambiance
étrange, de mauvais rêves presque réels, voire l’inverse, d’une perversité
secrète et souterraine, on songe davantage à quelques compatriotes de l’aussi
scénariste et instrumentiste Figgis, aux claviers comme Badalamenti, eh oui,
qu’au spécialiste David Lynch, par exemple à Peter Greenaway (The
Belly of an Architect, 1997), Alan Parler (Angel Heart, 1987),
Nicolas Roeg (Bad Timing, 1980). Climatique ou léthargique, suivant l’adoptée
perspective, moins estimé, à succès, que Stormy Monday (1988), Internal
Affairs (1990), Leaving Las Vegas (1995), One
Night Stand (1997), Timecode (2000), ce titre placé sous
le signe de Liszt, qu’une juvénile et virtuose Alicia Witt (Dune,
1984 + Twin Peaks) interprète au générique, à
l’instar de l’esseulé, ressuscité, Leach de Phantom of the Paradise
(De Palma, 1974), carbure donc à la double adoption, à l’adultère dédoublé, à
l’immeuble à démolir, au pedigree à
déterrer. Le réalisateur mineur, itou compositeur, en écho à Carpenter, bénéficie
ici du beau boulot du dirlo photo Juan Ruiz Anchía (Maria’s Lovers, Kontchalovski,
1984,
At Close Range, Foley, 1986, House of Games, Mamet, 1987). Sa
curiosité colorée, drolatique et tragique, séduit en sourdine, mérite mes
dominicales lignes, malgré ses évidentes limites, pas seulement esthétiques.
Figgis esquive le mélodrame familial et maternel à la truelle, se focalise sur
des indices, des non-dits, un reflet de photographie de police, une systémique (a)symétrie
(on se souvient de la société pro domo du David précité, appelée
Asymmetrical Productions). Dans Liebestraum, n’en déplaise à Noé,
qui d’ailleurs proposa de Irréversible (2002) une version
remontée, ordonnée, commencée par le début, terminée par la fin, parce que le
calvaire de Monica, maman déjà, le valait bien, la réversibilité domine,
irrigue un vrai-faux film noir conclu en boucle bouclée de plaisir et de
désespoir. Voici le revenant Nick Kaminsky, prisonnier à l’insu de son plein gré
d’un temps vécu cyclique, en partie à cause de la quête généalogique, d’une
immédiate et maudite attraction impressionniste à la limite de l’onirique, au
terme de laquelle pratiquer un similaire impératif sentimental, dis-moi que tu
m’aimes, tandis que l’on baise en miroité tandem,
reproduire en replay le liminaire
traumatisme sexuel et mortel à main armée documenté, retour en arrière
doux-amer d’introduction remplie de soupçon, façon l’infidèle récit de Stage
Fright (Hitchcock, 1950), pardi. La recherche des origines se fiche en
définitive d’un shérif chauffard et alcoolique, à l’interminable urine, adepte
des demoiselles de bordel, qu’incarnent des dames idem déguisées en infirmières immaculées, à crucifix, soignantes et
prostituées ainsi inversées, assorties, se solde par la découverte d’une
parenté découverte au carré, mise à nu au propre et au figuré, par un inceste
funeste de gisants innocents, de demi-frère et demi-sœur enfin (r)éunis au sein
de la douceur du malheur. Le geste obscène, impardonnable, du personnage de
Yanne (Nous ne vieillirons pas ensemble, Pialat, 1972), commis sur
celui de la vénère Jobert, revient de loin, en effet, doigts (surtout)
masculins mouillés de féminine intimité, exploration excitante et preuve
accablante, point d’ancrage chronologique et anatomique d’un songe de mensonge,
d’une dérive identitaire identique et différente du violent vaudeville d’hier.
Remontant le courant d’antan, on perd ensemble le présent, l’esprit, la
vie.
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