La Cité de la violence : The Shooter
Décontraction, observation, conclusion, détonation…
Charlie sourit plus ici que dans
l’ensemble de sa filmographie, mais une menace méta, une menace de cinéma,
envahit ses vacances avec Vanessa. Comme la victime, estivale aussi, du
début de L’Inspecteur Harry (Siegel, 1971), le Heston de Bronson,
prénommé Jeff, amitiés au Samouraï (1967) de Melville, idem tueur taciturne, flanqué d’une « femme
fatale », surtout pour lui, suicide compris, se donne à voir au
carré, à travers le viseur de celui désirant l’assassiner. Collaborateur
régulier de Leone et en sus, déjà, de Sollima (Le Dernier Face à face, 1967),
puis de Valerii & Scola (Mon nom est Personne, 1973 + Une
journée particulière, 1977), le title
designer Iginio Lardani suit le couple
sous peu en déroute, je t’aime, moi non plus, je t’aime, je te/me tue,
transforme le home en snuff movie, confère des couleurs
psychédéliques, so seventies, au petit exercice de tourisme
morbide, effectué du côté des Caraïbes. La musique métallique et percussive du
maestro Morricone décuple la donne, indique le fatidique. À la suite du
générique, on survole en hydravion les sombres « îles virginales »,
remarquez le faux raccord assumé, temps nuageux, temps ensoleillé. Beaucoup
plus tard, en coda de double désespoir, Heston/Bronson renverse les rôles,
retrouve sa routine, sa déprime, descend fissa sa Vanessa et son Steve d’avocat, revoici Umberto Orsini, en hauteur, presque en apesanteur, amants machiavéliques et maudits dans le
trépas surpris, réunis. Auparavant, il va se livrer au délice, plutôt au
supplice, de la vaine vengeance, voire du viol d’idole, aviser Savalas &
Constantin, parce qu’ils le valent bien, Charles véritable ami de Mimi.
L’anti-héros du scénario, co-écrit par
Sergio Sollima & Wertmüller Lina, se montre impitoyable malgré la supplique
de la salope angélique, prisonnière en l’air d’un cercueil de verre, veuve
noire de complot, de corbillard, épouse endeuillée à dessouder le cœur crevé, à
laquelle Jill Ireland prête ses traits altiers, sa douce sensualité, son charme
désarmant et son sous-estimé talent. Fauchée par la love letter du mari
miroité, Jill choit au ralenti, telle une fleur du mal, du mâle, illico coupée, cérémonie silencieuse à
la contre-plongée appliquée, chorégraphiée, à l’érotisme funèbre discret. Le
montage de Baragli, autre complice de Leone, de Pasolini, associe ainsi trois
espaces de tournage – La Nouvelle-Orléans, San Francisco, Cinecittà – en un
seul instant tétanisant, entre grâce et glas. Les deux extraits liminaire et
testamentaire de l’estimable La Cité de la violence (1970) dessinent
donc une sorte de résumé, de raccourci, de la réversibilité, de l’irréversible
de la vie, de sa magie, de sa mélancolie, où se télescopent, au creux du « Techniscope », la détente au « paradis » et la détente du fusil, le personnage et la
persona, le documentaire solaire et
la fiction funéraire. Alors que Bronson, acteur de valeur, mec en colère et star de plus en plus lassée, jouera au « justicier »
à succès, urbanisé, désabusé, selon Death Wish (Winner, 1974) et
compagnie, Jill combattra un cancer,
y succombera, « la vie imite l’art », oui-da. Cependant quelque chose
de l’époque, de leur union, de leur composition, survit et séduit. Sur le toit,
en plein désarroi, suivant sa (dernière) volonté, Jeff se fait flinguer par un flic fébrile et juvénile.
Peut-être, à l’ultime seconde, se
souvient-il du voyage évanoui, de son bonheur futile, fragile, enfui. Davantage
que de mettre en scène un sado-masochisme en mode Clint Eastwood & Sondra
Locke, Città violenta illustre et visualise une
fameuse maxime d’Oscar Wilde, fatum
démocratique de l’amour mortel, amen,
tandis que sa misogynie générique, superficielle, dissimule à peine une
masculinité très tourmentée, introduite au moyen d’une illusion de saison,
d’une introduction à mettre en relation avec celle de Un justicier dans la ville,
justement, parallèle d’éden hawaïen, prélude idyllique, un brin ironique, au mélodrame à
main armée, malsain.
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