Jamais plus jamais : Sexe, mensonges et vidéo
À Jean Dujardin ses incultes conneries ; à Sean Connery sa
méta mélancolie…
Bond succombe donc à une femme en
effet « fatale », en l’occurrence la cascadeuse Wendy Leech, pas si
sangsue, plutôt un peu dévêtue, attachée, alitée : il se fait planter, au
propre, pas au figuré, par celle qu’il devait délivrer, sauver, petit exercice
de relecture et d’imposture du motif obsolète de la « demoiselle en
détresse », Sardou l’assène, « femme des années quatre-vingt »,
quand tu nous (dé)tiens, pas seulement au bout de tes seins. Ceci ne lui
suffit, il doit ensuite se farcir un débriefing de son plantage, cette fois-ci
au propre et au figuré, allez, assorti d’une leçon de nutrition, d’une
vraie-fausse prochaine mission, curiste, j’insiste. Au supérieur inférieur,
l’agent amusant rétorque que sur le terrain, l’adrénaline prime, le jeu s’avère
vite dangereux, on y risque vraiment sa vie, prisonnière douce-amère en sus.
Pourtant la « preuve par l’image » du sportif et fichu naufrage le
contredit, le congédie, super-héros à recycler illico, malgré la mimi Domino de la chère Kim Basinger. Plus loin,
James joue à un jeu vidéo, affronte un alter
ego, Domination en guise de
ludique et explicite explication. En coda, il nous regardera, clin d’œil ou
clou de cercueil. En définitive, l’ouverture de Jamais plus jamais (1983)
accomplit ainsi davantage que de prendre ses distances avec une fameuse franchise, elle mise sur une mise en
scène au carré, une mise en abyme chienne et brechtienne, elle souligne qu’au
cours de la routine intrépide, une goutte de sueur paraphe la fragilité du professionnel
et par extension de toute l’espèce, moralité retenue par le De Palma suspendu
de Mission
impossible
(1996).
Auteur encore à tort sous-estimé, signataire
des estimables Les Yeux de Laura Mars (1978), L’Empire contre-attaque
(1980), RoboCop 2 (1990), Irvin Kershner ne se contente d’illustrer le scénario astucieux de Lorenzo Semple, Jr.
(À
cause d’un assassinat, Pakula, 1974 ou Les Trois Jours du Condor,
Pollack, 1975), il délivre une leçon d’introduction, de composition, de réalisation, un
prologue presque parodique, trop héroïque, au filigrane féministe (« James
Bond girls » à dégager) ou misogyne (des femelles se méfier), suivant la
perspective adoptée. Mieux, il documente en direct un moment de basculement,
comme le confrère et compatriote et contemporain Peckinpah, puisque Osterman
week-end (1983) autre conte d’agents, de dessillement, idem fable réflexive de défaite
et de fuite. Face aux affriolantes et affolantes « nouvelles images » de la décennie, celles du X à domicile,
domestiqué, celles du reaganisme assumé, bodybuildé, cf. Stallone et consorts,
le quinquagénaire écossais, (re)déguisé/doublé en espion anglais, semble indeed une antiquité, un « mythe »
à (se) taper, à retaper. La vieillesse des êtres, renommés ou anonymes,
démarque et démontre la décrépitude disons programmée des opus du ciné, à présent souvent « produits d’appel »
pour vente de pop-corn ou « productions secondaires » comparés au marché des séries, des téléfilms en ligne.
Davantage que l’âge, l’ennemi de Connery, mec aguerri, entiché de réalité, même au milieu d’une filmographie de toute façon fantaisiste, en partie dupliquée à partir du compatriote, bis, Hitchcock (La Mort aux trousses, 1959), s’appelle relecture du réel, confrontation aux fantasmes, par exemple de virile puissance, fusion et confusion des régimes, iconographiques ou diététiques, viralité de la vidéo, on renvoie évidemment vers Vidéodrome (Cronenberg, 1983). Secoué dès les années soixante, à l’époque de Dr No (Young, 1963), à cause de l’essor de la TV, spectaculaire, du péplum, en Scope, ou point, placé en provisoire panacée, le cinéma combat les médias, la camelote du magnétoscope, le temps déscellé, tant pis pour Tarkovski, du flux audiovisuel à la truelle, de la projection privée à volonté, à satiété. Malmené par des maîtres du temps de maintenant, du présent immanent, imminent, du passé recomposé, décomposé, VHS délavée à toute vitesse, maltraité par un document en noir et blanc, Bond décide au final d’en finir, de démissionner, de ne plus revenir, jamais plus jamais, parole tenue, vous ne m’y (re)prendrez plus. Délesté de Binder & Barry, le début de Never Say Never Again gagne à être mieux connu, reconnu, apprécié à sa juste mesure de réflexion(s) en action(s), au sujet d’un art miroir, des apparences et de la survivance, des formes et des fantômes, de la dérision et de la résurrection.
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