The Sea Mousse : Tous les matins du monde
De l’art, du cochon et des questions : let’s meet MetArt.
Sur la plage abandonnées
En bordure de mer solaire, rime
involontaire à la coda équestre (nul vortex
à la Peter Strickland) du presque parfait Perfect de Michael Ninn, deux jeunes
femmes s’ébattent au ralenti. Sourires semblant sincères, chevelures (crinières
complémentaires) à la Debussy (miroiter Mélisande loin du pont capillaire d’Octobre),
robes légères, verte et bleue, d’éternel été (Camus mis à nu). Cela sent le
film de vacances, la virée entre copines, les embruns ensemble en solo loin des
épuisantes épées de chair masculines, parfois molles, d’ailleurs (borne blanche
à l’inscription DP, malicieux reliquat érigé de virilité). Sur la dentelle
cruelle de rochers obscurs, massifs, éventrant le ressac avec panache, gerbes
folles (telles les vierges) d’eau laiteuse, d’écume de cristal et de sel irisé,
naturelle et amusante substitution à l’éjaculation, sa métaphore rythmée par le
mouvement incessant de la planète liquide amnésique (qui dit Solaris ?),
le couple se tient sur une grande serviette pourpre matelassée aux motifs
jaunes, autel a priori confortable dressé en vitesse et simplicité pour leur profane
rituel charnel. La blonde se tient de trois quarts, son flanc tourné vers
l’autre belle, brune positionnée idem,
en avatars incarnés de la musicienne au premier plan du Bain turc d’Ingres. La
baignade délaissée, délivrées de l’intérieur étouffant du harem, les sylphides
aux allures de nymphes vont s’adonner dans la (brève) durée à leurs étreintes
de damnées, dirait Baudelaire, accompagnées dans leur danse sans serpent, sinon
elles-mêmes, couleuvres à l’œuvre, par le crépuscule rougissant (de les voir si
bien s’aimer au bout du monde). Quelque chose du sentiment-sensation
« océanique » (ta mère aussi) éprouvé par Catherine Millet dans ses
partouzes mondaines (« Puis-je m’introduire dans vos trois intimités, s’il
vous plaît ? – Je vous en prie, faites donc, mon bel étalon
masqué ! ») surgit ici, doublement, idéalement.
Le temps passe vite même (ou surtout)
enlacées, il faut effectuer le cérémonial sans faille ni états d’âme, dans une
complicité assurée, avérée, de professionnelles (pas putains, plutôt
performeuses) explicites. Les gestes gracieux, les silences de tension, les
halètements vibrants et les petits cris risibles, précieux, s’enchaînent
suivant le déterminisme du « genre » (pornographie adressée, parité
oblige, aux hommes autant qu’aux femmes, rien, désolé, ravi, de l’attirail
supposé ludique pour adultes, des figures imposées du rapport protégé, ou pas,
entre gymnastes-automates). La douceur marine, uniquement féminine, du segment,
joliment intitulé The Sea Mousse (double sens de la délicieuse assonance),
possède sa propre ivresse, à des années-lumière du stakhanovisme perforateur du
désolant tout-venant. Cela déplaira à certains, en ennuiera beaucoup, mais le
court métrage, dans son Scope surprenant, dans ses fondus fondants, dans ses
contre-jours un peu arty (pas
auteuristes), silhouettes sombres à la Bond selon Binder, ses jeux de cheveux soyeux
chipés à l’iconographie des cosmétiques (parce que vous le valez bien et elles également),
dans sa bande-son onctueuse (prédominance du piano) cédant la place aux soupirs
de plaisir, au va-et-vient des vagues infatigables, mérite notre attention (et
la vôtre, pourquoi pas). L’orgasme humain, réel ou feint, semble s’unir à
l’extase aquatique, la nudité des peaux, glabre ou ornée, surprise, de
pilosité, paraît dupliquer celle du paysage sauvage et paradisiaque dans sa
tendre dureté. Tout invite, durant ce temps suspendu (à leurs lèvres) de
dix-sept minutes, à la découverte du faux reflet, à la présence au monde
davantage qu’au spectacle rémunéré, à une amitié de climax à contempler, apaisé, mains sagement croisées à portée du
clavier (ou plus si affinités érectiles).
Œil rouge et billets verts
Les petits gars de Santa Monica
(honni soit qui pense à niquer la sainte, pas celle de Clinton, non),
California (fornicatrice), shootent en HD avec la Red (comme le Verhoeven de Elle,
film félicité sur le site du fabricant), d’où ces images très léchées (partout,
mon chou), en effet. Andrej Lupin (ce pseudonyme russophile me turlupine, entre
la référence au classe cambrioleur de Leroux et l’absence d’une seule voyelle à
la Perec, qu’il suffirait de rajouter pour dénommer le clair objet du désir
hétéro manquant de la saynète) dirige et Ariel Piper Fawn (prénom à la Disney
relisant Andersen + patronyme dédoublé sous influence des Grimm ou de Bambi ?),
une dame (rousse, Tchèque, hardeuse discrète) donc, produit ceci (une pensée
pour Jane Hamilton, pionnière lucide et audacieuse à l’époque de Sex,
toujours pour Ninn). Lorena B (classée exclusive
model de la société en ligne,
accessoirement l’un des plus irrésistibles sourires du X contemporain avec
celui de Dani Daniels) & Whitney Conroy (svelte Fée Clochette aux faux airs
de Poppy Montgomery blondie dans feue FBI : Portés disparus) jouent
gentiment les naufragées tout sauf désespérées, cadrées principalement en plan
d’ensemble ou en plan rapproché à quarante-cinq degrés, disons (notez des gros
plans guère insistants, une éphémère et spectaculaire contre-plongée). Le film
date de 2013 mais il pourrait se situer, par son abstraction eschatologique, cosmique
(ou comique, sinon soporifique, persiflent les mauvaises langues plus à l’aise
avec le hardcore qui tache, de
préférence les visages du soi-disant deuxième sexe), à n’importe quels place et
moment d’une imaginaire frise chronologique (le cinéma, y compris celui-là,
déploie son propre espace-temps, s’inscrit dans un passé réactivé, s’égare dans
une sorte d’interzone littéralement projetée, abouchée à la courbe meurtrière
du futur).
Si SexArt, l’un des fleurons de la
firme-réseau MetArt Network, déclinaison infidèle de la première plate-forme créée
en 1998 (MET pour Most Erotic Teens, maladroit acronyme d’origine, à faire
ressusciter dans sa tombe de suicidé David Hamilton, même si ces jeunes filles
en fleurs-ci ne se drapent point de flou, tant mieux pour vous), affiche
fièrement des histoires, des dialogues (en espagnol !), des développements
narratifs (The Writer, aventures de romancière à l’ère numérique), il nous semble que ce
type de parenthèses enchanteresses (bon courage ou endurance pour explorer
l’intégralité de leur vaste catalogue), hors du temps, débarrassées du moindre
argument, représente la meilleure part du corpus.
La réalisation, la direction de la photographie et le montage, pensés, soignés,
enfin financés, s’affirment farouchement (afin de sublimer des
« modèles » peu farouches) ; les production
values des lieux de tournage,
échantillons d’un tourisme de luxe heureusement rétif à l’étalage ostentatoire
(l’écrin caressant de l’environnement visuel, architecture ou nature, procède
évidemment de la sensualité revendiquée, une étude sur la philosophie de
l’ameublement – pauvre Poe épris de sa virginale et juvénile cousine maladive –
dans le blue movie restant assurément à mener), délocalisent le désir dans un
univers (de conte de fées ignorant les enfants) de calme suprême, de volupté
veloutée, à l’abri de la maladie, de la solitude (ou joyeusement onaniste), du
déclin (certain), de l’exploitation et, le plus important, du mépris
(généralisé, réciproque, des deux côtés de l’écran). Voici bel et bien un
exemple assez exemplaire d’erotic cinema for discerning adults, accroche honnête du site, et l’item ci-dessous (ou dessus, choisis),
issu de la « philosophie » de MetArt, précise, avec une pointe de
pardonnable présomption, l’enjeu et l’ambition de l’imagerie élaborée.
La voie étroite ou royale de l’altérité
« The
“Art” in MetArt stands for something. It is not “branding hype” of an overused
term, or a marketing technique masking something we’re not. It is a guiding
philosophy and plays a role in everything we do. Every site in the MetArt
Network is presented beautifully and built upon the highest quality, most
artistic content available. Our hundreds of photographers excel in both adult
and mainstream entertainment, garnering worldwide recognition and countless
awards. It is this philosophical commitment to art, quality and beauty that
sets us apart in an overcrowded sea of erotic mediocrity. » Very clear, isn’t it? Ajoutons que le network
donne dans le caritatif option féministe et qu’il encourage à soutenir la Free
Speech Coalition, association professionnelle (équivalent, jusqu’à un certain
point, de la MPAA du cinéma mainstream)
de protection, de promotion (voire de régulation) et de défense (juridique) de « l’industrie
adulte », en butte à la censure étasunienne et arc-boutée sur le
sacro-saint Premier Amendement constitutionnel. Les pornographes, n’en déplaise
à leurs détracteurs, disposent par conséquent d’un cerveau et une poignée,
croyez-le ou non, allez voir ou pas, ne manque pas de cœur, convainc par son labeur,
alors créditons-les d’une originalité rassurante, d’une intégrité impossible à
confondre avec la morale de mercenaires du peuple d’épiciers polluant un secteur
proportionnellement plébiscité et déprécié. Récompensé (docte anecdote) aux
XBIZ Awards en janvier 2017 dans la catégorie Adult Site of the Year –
Photography (juste justice), MetArt propose, mine de rien, le rien placé aux
creux des reins, un autre chemin aux amateurs (ou observateurs dépourvus
d’hypocrisie salace, de puritanisme priapique) de sexe filmé.
Les vignettes coquettes de la
« maison-mère », malgré leur poli (de galet, à l’occasion), ne
prolongent pas vraiment la lignée du « porno chic » (Andrew Blake au
pays de Donald Trump énormément, Kendo avant le Brexit) et moins encore le
bourgeois bourgeon hexagonal (Marc Dorcel, ma vieille) poussé dans les ruines
nostalgiques d’un illusoire « âge d’or » fixé au début de la décennie
70. Tandis que des scènes (à trois) entrevues laissent supputer que même le
sperme apparaît pasteurisé, virtuellement déposé en offrande documentaire (oui,
je jouis, chérie, et toi, vous, aussi) sur les fesses impeccables (raccord maquillage,
please) de la cordiale partenaire, The
Sea Mousse se caractérise par une authenticité, une simplicité, une
modestie tressées à l’artificialité de la situation et de la position (du
spectateur-mateur). Comment et pourquoi filmer la sexualité ? Comment
introduire (avec doigté) l’amour dans le commerce, la connivence au sein de la
jouissance ? Comment contrer l’infinie tristesse de cet empire, esquissée
naguère par votre serviteur, l’enlacer, à défaut de la liesse, à une forme de
joie, d’accomplissement, de béatitude (privée de transcendance, mais
l’immanence des amants, des instants, recèle mystère, puissance et
spiritualité, par-delà et via le
grotesque touchant des accouplements, des corps si fragiles, jusqu’au cœur des
actes jugés les plus vils) ? Comment s’accorder sexuellement,
sentimentalement, avec l’océan, épouser cette force vertigineuse, implacable,
inquiétante dans sa sérénité séculaire ? Comment guérir la blessure,
suturer la césure d’un visage et d’un vagin, exposer l’intériorité en passant
par la corporalité, la peau en panoplie impénétrable, en armure de nudité qu’il
conviendrait de défaire, d’abandonner comme on s’abandonne (peu et mal) entre
des bras aimés (pour de mauvaises raisons, par amour de l’amour, d’un mythe
culturel à réinventer) ?
Grandes questions auxquelles ce petit
film répond à sa façon, avec sa réussite et ses limites. En vérité (je vous le
redis), il ne sert strictement (interdit aux mineurs) à rien de conspuer,
canoniser (incendier ou justifier) un courant congénital du « cinématographe »
(dans la bouche des frères Lumière et non de Bresson). La pornographie audiovisuelle
(la « littéraire » demeure minoritaire) existe, continuera longtemps à
exister : regardons-la bien en face, droit dans les yeux et vers d’autres
zones (érogènes) de nos anatomies au miroir mélancolique, fantomatique,
gynécologique, esthétique. Lui offrir une publicité gratuite ?
Certainement pas, aucun besoin (ni envie) de cela – cependant persister (signer,
saigner), tout au long d’un court article, à célébrer la beauté, a fortiori,
oui, à l’endroit où l’on n’envisage pas de l’atte(i)ndre, de la trouver.
Retrouvée, l’éternité rimbaldienne à la Godard ? Pas jusque-là et pourtant
une brise (des bises entre filles) maritime en (r)appel (inégale possibilité plurielle
du plaisir féminin), en regard vers l’horizon, en élan vers un rivage
réconcilié, adulte, confiant, passionné et passionnant.
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