Do outro lado do azul : Aquarela do Brasil
« Motus et bouche
cousue » ? Mots tissés pour Andrea Motis…
À Stéphane Barthélémy
À la mémoire de João
Gilberto
Ni Astrud Gilberto ni Norah Jones,
moins encore Billie Holiday, références fastidieuses, sinon hasardeuses, de
presse classée spécialisée, revoici Miss
Motis, jadis découverte par votre serviteur à l’occasion du sympathique mais
anecdotique single He’s Funny That Way (2016). La jeune trompettiste, parfois saxophoniste,
délivre ici un second CD à son image, à son ramage, à savoir droit et délicat.
« De l’autre côté du bleu », au-delà du blues, peut-être du ciel, de ses merveilles oziennes, derrière la
pluie de Dorothy, l’auditeur séduit déambule en compagnie d’une productrice
espagnole qui écrit, compose, arrange et chante, en majorité en portugais. Bien
entourée par une dizaine de musiciens masculins, dont l’incontournable Joan Chamorro, mentor et double bass, précisons la participation de sa
sœur Carla, guitariste/vocaliste sur un titre choral, l’aimable Andrea congédie
la nostalgie, on l’en remercie, jamais ne macère parmi la mélancolie, au
contraire convie la douce et lumineuse énergie de la bossa nova, qu’elle adopte
sans la moindre fausse note – de goût. Cet album
constamment plaisant, élégant, ne saurait s’écouter « autour de minuit »,
dommage pour Monk, il s’apprécie plutôt disons au bord de l’eau, en début de
soirée, lorsque le vacancier se remet un peu à respirer, à se désaltérer, à
proximité du crépuscule noctambule. Andrea Motis, il convient de le souligner,
sait chanter, jouer, écouter, dialoguer avec ses partenaires, créer une
atmosphère sincère, singulière, animée d’attention, de discrétion. L’ancienne
enfant-adolescente musicienne, adulte signataire chez Impulse! puis désormais
Verve, labels essentiels, mérite les
hommages médiatiques de Quincy Jones et même les miens davantage sereins, individuels,
purement mélomanes.
« That’s
my purpose in life, to feel and to move others with positive vibes » affirme
sur le livret la Barcelonaise à l’aise. Que penserait d’elle un certain Chet Baker, guère porté sur
la « positive attitude » chère, naguère, à Lorie aujourd’hui
Pester ? Ceci, à vrai dire, indiffère, puisque Mademoiselle Motis réussit
sa mission lusophone, sait enchanter en chanté, en chantant, en soufflant, en
s’amusant et en partageant. Son disque dynamique, bénéfique, évacue le
tragique, ne ressasse les classiques, que du reste elle maîtrise également,
célèbre en bis, à sa façon, en
chansons, les noces internationales du The Best of Two Worlds de Stan Getz
& João Gilberto (1976), alors flanqué de sa Miúcha, sister à présent décédée de Chico Buarque, mère de Bebel, pas le
nôtre, possible prédécesseuse d’Andrea. S’accomplit ainsi, entre l’Espagne et
le Brésil, une Emotional Dance (2017, intitulé du premier opus de l’intéressante intéressée)
caressante et stimulante, à explorer au présent, peuplée d’un précieux passé
ressuscité, ranimé, prolongé, presque congédié. Et ce Sud en stéréo de
s’élargir jusqu’au Portugal, car la « danse de solitude », morceau
numéro 8, possède un fond de fado… Une ultime surprise réside au sein de la
dernière piste : l’increvable et superbe samba d’Ary Barroso, à laquelle
cet article emprunte son sous-titre, refait fissa surface, salut tout sauf
convenu à une musique inestimable, une sensibilité camusienne, un pays ami, un
héritage hors d’âge. À sa mesure, délesté de sonores ratures, Do
outro lado do azul représente un exercice de transmission convaincant,
méritant, en même temps qu’il confirme Andrea Motis en muse point passive, en
actrice rafraîchie d’un renouveau transfrontière, pérenne ou éphémère, l’avenir
l’indiquera. En attendant, la voilà.
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