Child’s Play + Brightburn : Les Aventures de Pinocchio + Ant-Man et la Guêpe


Domotique mimétique et ferme funèbre…


Correspondances opposées d’une « soirée horreur » estivale en salle provinciale : les deux mélodrames maternels s’achèvent via un mouvement inversé, à savoir une chute et une ascension. Dans Child’s Play (Klevberg, 2019), le fils sauve sa mère d’une pendaison d’occasion ; dans Brightburn (Yarovesky, 2019), il l’assassine en plein ciel. Les deux films impersonnels, dispensable résurrection de franchise ou prologue de super-héros facho, s’avèrent ainsi des récits d’éducation, d’adoption, par procuration, des opus pédagogiques au caractère conservateur – tout se déroule en famille, pour le meilleur et surtout le pire – doublé d’un moralisme assumé. Le pantin américain tripatouillé en mode marxiste par un esclave suicidaire vietnamien châtie l’infidélité masculine et le voyeurisme à domicile à la Sliver (Noyce, 1993). Plus humain que les silhouettes suspectes qui gravitent en satellites autour du soleil noir à index doré, salut Spielberg, doté du POV du RoboCop (Verhoeven, 1987), Buddi, fissa rebaptisé Chucky, remémore l’ordinateur chanteur et tueur de 2001, l’Odyssée de l’espace (Kubrick, 1968) et sa séquence de renaissance rappelle l’épiphanie de Frankenstein (Whale, 1931). Ce Ça insolite, drolatique et parfois pathétique, exécute, terme adéquat, les sombres desseins de son « best friend » à moitié orphelin, massacre au nom de son amitié, eh ouais. Au chaticide du dénommé Mickey Rooney (!), à la décapitation de l’imposteur, succèdent l’accident (gare aux dents) de l’oncle, le génocide (de basse-cour), l’infanticide (raté), le parricide, le matricide et le crash aérien commis par l’enfant des étoiles, E.T. en pleine puberté, entomologiste en herbe porté sur la prédation, spécialement celle de ses parents officiels, menteurs de bonheur dont la solution stellaire aux problèmes d’infertilité, de fécondité, devient vite une Malédiction (1976) à la Dick Donner, la pédophobie cette fois-ci délestée de satanisme transalpin.





Au croisement de l’Americana, de la SF, de l’horreur, les mésaventures du garnement désarmant et désarmé par son papounet, lui-même chasseur à la De Niro du Deer Hunter (Cimino, 1978), pervertissent les messies de Superman (Donner, bis, 1978) et Starman (Carpenter, 1984), rejouent en (très) mineur la monstruosité rurale, congénitale, du dépressif Xtro (1982, Bromley Davenport). Le tandem anonyme, presque interminable, pourrait s’interpréter en satire anticapitaliste, anticonsumériste, clin d’œil citationnel à Massacre à la tronçonneuse 2 (Hooper, 1986) inclus, en tract métaphorique pour la mouvance No Kid, mais les films superficiels restent paresseusement à la surface de leur noirceur, de leur rancœur. Il s’agit, dans le sillage over the top de Leatherface et sa family à la Charlie (Manson), de s’amuser avec la violence, donc de la rendre inoffensive, de donner à voir à un public adolescent, cible d’évidence, l’effroi et les puissances de l’enfance. Les teens français en train de concasser leur pop-corn, de consulter leurs cellulaires, tant pis pour l’avertissement sur écran liminaire, se distraient davantage que les deux ou trois adultes égarés à pareil spectacle démagogique, incapable de basculer vers le comique ou  le tragique. Geppetto peut aller faire dodo et Médée se rhabiller. Partis ou patauds, les pères transparents ne parviennent à rétablir l’ordre supposé patriarcal, et le fait que Mark Hamill, jadis héros œdipien chez Kershner (L’Empire contre-attaque, 1980) remplace « l’aliéné » Brad Dourif en voix off de « la poupée du mal », sous-titre basique, paraît par conséquent normal, symboliquement cohérent. Si le cinéphile âgé au-delà de la minorité cherche de quoi réellement l’interroger, le troubler, le divertir et le faire frémir, on lui conseillera par conséquent d’en rester/revenir sagement au supermarché eschato de Romero (Zombie, 1978) et au rejeton-démon de Shock (Bava, 1977), plutôt que de se farcir ces fadaises trop à l’aise, jamais balèzes, où s’aperçoivent à peine la mélancolie du costaud Brian Tyree Henry, le « lieutenant Mike » de Child’s Play, la maîtrise de l’aimable Elizabeth Banks, maman du moutard vicelard de Brightburn.


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