Jessica au commissariat
Exils # 83 (18/02/2025)
Secte + fliquette = œuvrette ? Un peu, pas que, car Jessica Sula incarne Jessica Holden, voire l’inverse. Il faut à nouveau signifier aux féministes que le cinéma classé horrifique, y compris le slasher, qui rend vénères d’américaines universitaires, ne se caractérise par sa misogynie, au contraire d’une multitude de titres mainstream, ne parlons pas de la presse dite féminine. Malum (DiBlasi, 2023) le démontre à sa modeste manière, dépeint en indépendant le portrait d’une policière à bout de nerfs, portée volontaire pour occuper la permanence en soirée d’un poste plus qu’à moitié désaffecté. Autrefois, voilà un an déjà, son papa y tira en pleine tête sur deux collègues au stand de tir, avant de faire fissa sauter la sienne, a priori sous emprise maléfique. Des images d’archives de médiocre qualité documentaient en effet un groupe d’entourloupe porté sur le sacrifice en forêt, pas que de poulet, à Stomy Bugsy mélenchonistes amitiés. Il ne suffit au flic d’article d’avoir sauvé trois rescapées, d’avoir survécu aux auditions sous tension filmées en vidéo et plongée du gourou relou, de ses adeptes suspectes, face auxquels Manson et ses monstresses paraissent presque des amateurs mineurs. Tandis que sur la ligne téléphonique se répandent les « pigs », insulte very seventies, un vrai cochon fait son apparition, peinturluré du pentacle aussi présent sur l’arrière de la stèle paternelle. Jessica doit en sus passer la serpillière à cause d’un anachorète en train de pisser sur la vitre et de rechercher sa propre fifille. Au-dehors, la ville anonyme et déjà morte perd le nord, mise à sac par des disciples enchaînés et déchaînés entrevus en travelling motorisé sur les marches du nouvel hôtel policier, vous suivez ? Mais la menace véritable vient d’ailleurs, provient de l’intérieur, cellule à la fermeture intempestive et surtout esprit juvénile à la dérive.
Ni la mise en garde du « connard » cassé dare-dare, plus âgé, désireux de n’être pas dérangé, ni le soutien d’un standardiste altruiste, calmez-vous, bouclez-vous, moins encore une mère alcoolique, en colère et sectaire, ne sauraient secourir l’anti-héroïne point portée sur la frime, lui épargner le pire, c’est-à-dire une douche écarlate à la Carrie au bal du diable (De Palma, 1976), conséquence salissante d’une pendaison/décapitation excessive et jouissive entre Lucio Fulci & Tex Avery, un matricide de dessillement, un suicide de boucle bouclée, tel père tel fille, en effet, in fine. Mais Malum ne se termine ici, le cadavre ressuscite in extremis, « reine » de la nuit et des damnés, salut à Anne Rice, en macabre majesté sur un trône de bricole au côté du leadeur dont la dentition fait peur. Film mouroir et film de couloirs, Malum regarde davantage vers Lost Highway (Lynch, 1997) que vers Assaut (Carpenter, 1976), en duplique une scène célèbre de dédoublement in situ et malvenu, enregistré, visionné. Pourtant pas de Mystery Man au programme, place à un aéropage bizarre et hilare, comme les profs et les camarades en POV de la maltraitée puis sans miséricorde Carrie White. Bientôt La Toya Jackson, Jessica au carré passe et trépasse donc par toutes les émotions, métisse jamais lisse, personnage assez riche pour généreuse actrice. Mademoiselle Sula se dépense et ne compte pas, sa prestation en uniforme et à fleur de peau rappelle celle certes plus consistante et plus impressionnante d’Isabelle Adjani chez Andrzej Żuławski (Possession, 1981). Ici, pas une once une seconde d’hystérie, seulement le (mélo)drame d’une aimable dame, prise au piège du passé incapable de (tré)passer, de ses pensées, de ses images mentales, de son solipsisme de psychodrame.
Le visage méconnaissable, la vraie-fausse fille du diable pointe sur sa tempe son arme et finit en terrestre enfer, sanglée sur un siège de souffrance infinie, éternelle et cruelle, mise en miroir de la position du spectateur. Adieu au body bag de cauchemar, au « troupeau » de dingos, auto-exterminé au même endroit, au mantra au nom de la loi répété pour s’apaiser. Lors d’une confrontation avec le démon, elle recevait sur ses traits une étoile de peau à la rendre marteau. Au plan suivant, plus rien n’en restait, sinon le dénouement précité, complexe d’Électre à main armée, affaire classée. Tout ceci bénéficie de l’atmosphère d’un ancien centre pénitentiaire, en rime au Prison (1987) de Harlin. Tout ceci DiBlasi le dédie « in loving memory » au co-scénariste et producteur Scott Poiley, preuve supplémentaire que les auteurs d’horreur(s) possèdent souvent un cœur, à l’opposé de la plupart des cinéastes supposés faire rire ou réfléchir, se soucier de sérieux sujets, de préférence financés par l’État français ou la TV privée. L’ex-collaborateur de Clive Barker, puisque producteur exécutif sur Midnight Meat Train (Kitamura, 2008) et Livre de sang (Harrison, 2009) s’auto-remake comme Hitchcock, c’est-à-dire s’inspire du similaire et toutefois différencié The Last Shift (2014), huis clos au synopsis plus réaliste et ironique. Le réalisateur et monteur s’expliqua de cela auprès de Variety, avança des raisons de proposition et de projection, d’argentée amélioration, admettons. Quant à la prostituée soignée, par son épouse interprétée, de quoi susciter des interprétations psys hors-sujet, elle fait le lien entre le tandem d’items, voit avant Jessica l’invisible entité ensuite dissimulée dans le dos du cinglé, petit exercice de lecture d’image numérisée arrêtée, petit et sage usage de l’effet reflet, des atrocités du hors-champ décelables sur le visage sidéré, sidérant, d’un enfant (Requiem pour un massacre, Klimov, 1985).
Malgré ses limites, de durée, de script, de style, Malum parvient en définitive à identifier la terreur tel un héritage, la reprise d’un outrage, une malédiction de contamination, où les fameux « monstres » du « sommeil de la raison », souviens-toi de Goya, s’allient à ceux d’une culpabilité cachée, partagée, afin de donner naissance, au terme de l’immobile errance, à un sabbat de déprime et un désastre intime.
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