In Tranzit : Drôle d’endroit pour une rencontre
Fleur et fumier, mourir d’aimer puis vivre sans amour et revisiter à nouveau la matrice meurtrière du cinéma dit moderne…
Au tovarich Gérard
Jamais assez on ne soulignera la
cinégénie de la neige et du froid. Tourné en Russie, In Tranzit séduit d’emblée
par cette éphémère virginité, ces haleines visualisées, ce poids du monde et du
réel qui fait en partie la beauté du cinématographe, grâce auquel on les
perçoit différemment, on les ressent de façon plus intense, médiatisés par un
regard particulier, collectif, telle une philosophie esthétique en mouvement
dans le temps. Documentariste (et co-scénariste), Tom Roberts raconte avec un
classicisme précis, attentif, à contre-courant, une (double) histoire (d’amour)
étonnamment émouvante, hautement improbable, véridiquement (?) avérée, la
réalité, comme on le sait, ne s’embarrassant guère des préventions de la
bienséance (cf. Portier de nuit). En 1946, des soldats allemands se retrouvent
dans un camp de passage (d’où le titre) russe dirigé par des femmes ? Que
les cinéphiles oublient aussitôt La Grande Évasion ou Ilsa,
la louve des SS, voire Stromboli : nul projet de fuite ni de sévices SM ici, encore moins du mysticisme sicilien, à
peine le dessein d’un supérieur (commandant dénommé Pavlov, à l’instar d’un célèbre
réflexe) de démasquer quelques tortionnaires du Reich supposé millénaire parmi
les survivants décimés (une partie creva de faim dans une mine). La trame
policière épouse l’intrigue sentimentale, une jeune cuisinière tombant
amoureuse, quasiment au premier regard, d’un détenu teuton, et réciproquement,
tandis que la doctoresse Natalia, flanquée d’un époux trépané commis à l’ouverture
de la barrière, en sursis d’un exil thérapeutique en Sibérie, s’éprend d’un bel
Allemand taciturne, un temps soupçonné des pires atrocités, jusqu’à coucher
avec l’ennemi, littéralement.
La fausse guerre des sexes, placée
sous le signe d’un apprivoisement mutuel, se jouera des hiérarchies, de
l’Histoire, des pouvoirs, culminera durant un bal organisé via le concours
d’un Juif (propriétaire d’un entrepôt ferroviaire avec main d’œuvre gratuite de
circonstance), suprême ironie musicale, les anciens combattants transformés sur-le-champ
en musiciens de thé dansant, avant que le dénouement ne vienne parapher la
culpabilité de l’ex-étudiant
(toujours se méfier des universitaires, à Prague ou à Leningrad) épris de
pureté aryenne, écrasé/suicidé, le bras droit dressé, à la Anna Karénine après
une ultime remarque, triviale et sublime, sur la fraîcheur de l’air du soir.
Que le lecteur ne se méprenne pas à ce résumé improvisé, qu’il ne confonde pas
notre ironie naturelle avec un mépris poli (ou amusé) : In
Tranzit, beau film anglo-russe inédit en salle alors que tant de
stupidités, de laideurs, de vilenies s’y déversent chaque mercredi, dans
l’indifférence ou l’assentiment généraux, mérite largement son visionnage, sa
redécouverte et son exhumation chaleureuse neuf ans après une présentation au
Marché du Film à Cannes, assortie d’une diffusion restreinte en DVD dans une
dizaine de pays. Au-delà d’inexactitudes de dates ou de costumes assez
bénignes, pain béni des critiques tatillons aussi prompts à souligner l’erreur
que des apprentis cinéastes à repérer un faux raccord (on plaint ces gens-là,
surtout après Godard), l’œuvre possède d’indubitables atouts, dont une
distribution à l’unisson et une partition évocatrice couronnée par un
délicat/discret love theme en forme de valse triste.
Accompagnés par les notes de Dan
Jones (il dirige itou l’orchestre), donc, un chœur d’acteurs donne corps à une romance
doucement poignante à combustion contenue. On se bornera à mentionner Vera
Farmiga, belle et talentueuse actrice au regard immense, aux origines
ukrainiennes, à l’accent russe plutôt convaincant (à ce petit jeu lexical, même
John Malkovich, vipérin, serein, s’en sort mieux que Vincent Cassel dans Les
Promesses de l’ombre), louée par nos soins à l’occasion de Bates
Motel,
Natalie Press, appréciée dans Red Road (à lire aussi) pour
les dames et l’intense Thomas Kretschmann (bourreau d’Asia Argento dans Le
Syndrome de Stendhal, ange gardien d’Adrien Brody dans Le
Pianiste) ou le sympathique Daniel Brühl (menteur protecteur de sa mère
selon Good Bye, Lenin!) pour les messieurs.
Avec sa kapo stalinienne tondue portant perruque, bientôt arrêtée comme « ennemie
du peuple » dérobant des provisions, avec son humiliation seins nus en
public et en hiver, avec ses pendaisons en place publique de la future Saint-Pétersbourg, ses morts
spéculaires des deux côtés de la frontière, ses croix plantées dans le sol
givré, avec une scène de (vraie) douche collective, non de gazage référentiel, chipée
à La
Liste de Schindler, avec ses images d’archives (Boutonnat et Tristana !),
son rythme volontairement lent et dense, ses ponctuations naturelles en haïkus
zen, sa rime sonore, poétique et sinistre, d’un sifflement de train à
l’ouverture et à la fermeture du métrage, In Tranzit ne démérite pas,
croyez-moi (spassiba).
La suprême élégance de ce mélodrame
en huis clos, entre mémoire vive, blessures à vif, sexualité désespérée,
adulte, interdite, innocente, sacrifiée, seconde chance impossible et retour
chez soi en coda crève-cœur ? S’achever sur une femme seule à sa fenêtre, boucle
bouclée avec le déplacement inaugural du personnage, Vera en avatar de Fanny
Ardant dans La Femme d’à côté, de Deborah Kerr dans Les Innocents, de
Micheline Presle dans L’Amour d’une femme, par exemple,
trois héroïnes sublimées par un regard d’homme (parfois amoureux, tel Truffaut)
mais également prisonnières derrière une vitre méta en miroir de l’écran de
cinéma, magnifiques et maladifs papillons de chair spectrale épinglés sous la
vitre d’une ode aux allures d’épitaphe. Il faut se méfier des parenthèses enchantées,
de la beauté, du bonheur, du désir, mais il convient également de se brûler à
leurs belles flammes impitoyables, de se dissoudre au sein de leurs illusions
passagères, éphémères, un peu mensongères (par omission davantage que par
manipulation), quitte à mourir à l’intérieur (dans son cœur) ou à l’extérieur
(pendue, enceinte, au bout d’une corde rageuse) d’avoir vécu des courtes nuits
à deux dans un lit en noyés d’un conflit inouï, césure absolue (relative
dans la gamme infinie des massacres fraternels) du vingtième siècle occidental
et (modérément) oriental. Ce que fait Natalia/Vera au cours du tout dernier
plan, le mot de son amant momentané, scandaleux, au creux d’une main, dans la
seconde, la fleur de papier colorée de son mari mouchard, expédié aux confins
d’une autre barbarie, son poignant cadeau d’adieu à lui, alors que l’ensemble
des images, hors un prologue de générique en noir et blanc, baigne dans la
photographie désaturée, maîtrisée, signée Sergei Astakhov.
Elle disparaît progressivement, dans
une posture à la Dumas, disons, gracieuse dame sans camélias aux larmes
retenues, les yeux fermés, emportée par un fondu au blanc qui la rend au
royaume des rêves éveillés, réalistes et documentaires (de leur fiction, à défaut
d’autre chose) du cinéma, lieu de transit de tous les fantômes, sur et face à
l’écran, espace immobile ouvert sur tous les possibles, abouché à l’horizon de
tous les événements (aux sens diégétique et physique du mot). Le
« septième art », souvent caricature surfaite de lui-même, respire et
transporte dans ces moments-là, voilà.
Bien résumé tu trouvera the crossing 1)PARTIE SUR STEAMINGCLIC SECTION CHINOISE et le deuxième sur papystreaming page 3 et je viens de voir qu'ils on sortie the from of macau avec CHOW YUN FAT TJRS PAPYSTREAMING
RépondreSupprimerMerci bien pour toutes ces indications pratiques ; j'irai bientôt voir cela, promis !...
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