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Au nom du Pierre

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  Exils # 117 (11/07/2025) Haceldama ou le Prix du sang (1919) s’ouvre sur une citation explicative, topographique et laconique, de l’ É vangile selon Jean , cela ne surprend de la part du réalisateur de Golgotha (1935), où Judas se resuicidera. Le tout premier plan du tout premier film de Duvivier, auteur disons supérieur, puisqu’il s’occupe de tout, du scénario, de la caméra, du montage, du labo à Bordeaux, de la production avec sa société Burdigala Films, in extremis signe même l’ item , jolie calligraphie, possède donc une pendaison d’introduction, de religion, suivie illico d’un sanglant couteau, tandis que ce métrage sans dommages carbure à la culpabilité, fonctionne au secret de famille enterré, au propre et au figuré, du côté de la Corrèze, planque balèze, au creux de laquelle concocter un vrai-faux western , mode d’époque, Gaumont ne dit non, une « grande scène dramatique en quatre parties », voire évangiles, témoignage sans outrage d’une « époque hé...

Une inconnue et Delluc

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  Exils # 116 (08/07/2025) Le « cinéaste » cinéphile filme donc (fissa) les « fantômes de l’écran », le « pèlerinage » d’une « épave », à défaut de la Duse souffrante, revoici Ève Francis, muse complice et de Marcel L’Herbier aussi la collaboratrice ( El Dorado , 1921). Ils s’aimaient ces deux-là, cela se sent et se voit, même si leur divorce point précoce survient ensuite, a contrario de la coda conservatrice. Dans Eyes Wide Shut (Kubrick, 1999), un autre couple en crise se retrouve et se regarde in extremis , en tout cas devant la caméra, puisque Cruise & Kidman se dirent « adieu » loin de nos yeux. Ici, Roger Karl ( L’Homme du large , L’Herbier, 1920), lequel ressemble un brin à Michael Lonsdale, se casse à Gênes, empli de gêne, file y faire affaire, intermède documentaire, ne succombe à la tentation à la con d’une danseuse, d’une entraîneuse, de confetti riquiqui. Le scénariste réalisateur débuta au théâtre et l’histoir...

Zone d’intérêts

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  Exils # 115 (02/07/2025) Jeux interdits (Clément, 1952) en Slovénie ? L’aimable mélodrame martial possède son propre charme et l’on songe davantage à une seconde vallée, celle de James Clavell. Dans La Vallée perdue ( The Last Valley , 1971), flanqués de Florinda Bolkan, Michael Caine & Omar Sharif partageaient un répit relatif, parmi un précédent conflit ; dans La Vallée de la paix (Štiglic, 1956), un duo de gosses s’enfuit vers un improbable paradis, petite vadrouille où ça dérouille, avec un aviateur américain, protecteur et proie, pour « partisans » et pour soldats. L’ opus picaresque et modeste va vite, le voyage aux paysages en diagonale un brin Bergman pratique les bien nommés travellings . Linéaire plus qu’austère, les yeux mouillés mais jamais niais, le métrage d’un autre âge mérite quelques lignes d’hommage, ne fait perdre son temps au spectateur, ne fait de chantage à son cœur. Le prologue urbain, aux bombardements alliés destructeurs ...

Veni vidi Fidji

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  Exils # 114 (26/06/2025) Adaptation de Dick ? Mélodrame drolatique, où un « adulescent » découvre soudain que depuis sa naissance tout le monde de son petit monde lui ment. Il suffit d’une interférence à la radio d’auto, de la résurrection rapido du pseudo papounet trépassé en bateau, traumatisme et culpabilité de minot à trafiquée météo, pour que le simulacre se détraque, que la « star » décide de passer derrière le miroir (salut Alice), de monter l’escalier (type Magritte), de sortir du studio, réplique et révérence respectueusement insolentes en prime ( time ). L’agent d’assurance accomplit ainsi une seconde (re)naissance, quitte la matrice (sur)protectrice et « manipulatrice », petit paradis WASP pastel et pasteurisé, à rendre caduc celui du miston Burton ( Edward aux mains d’argent , 1990). Point de pilule, de complot, de Neo ( Matrix , les Wachowski, 1999), plutôt la révolte non violente (couteau écarté illico ) et individuelle du héros...

Poussière d’étoile

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  Exils # 113 (18/06/2025) Dans ses Souvenirs et Réflexions , l’estimable musicienne Mel Bonis affirme : « L’artiste n’est pas un moraliste, mais il se doit d’être une personne morale. » On ne saurait douter de l’éthique d’Anthony Mann, néanmoins cette « étoile d’étain » d’intitulé original mérite son titre. Western modeste, mineur et méconnu, cela explique en partie ceci, Du sang dans le désert (1957) ne réussit jamais à s’élever au-dessus du statut de bel exercice de style desservi par un script simpliste, signé du complice de Ford Dudley Nichols ( La Chevauchée fantastique , 1939), « d’après une histoire » de scénaristes de TV, handicapé par un casting anecdotique, surtout du côté des dames, aux rôles en toc, doté d’un didactisme rédhibitoire rempli d’espoir, ce succédané stérile et laïc de l’espérance, précise le credo catho de la précitée compositrice. Un chasseur de primes en transit, pragmatique et presque cynique, transmet sa prati...

La Vue et Louise

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  Exils # 112 (12/06/2025) Plus de petit ami, charme de Hicham et trahison d’omission, CDD terminé, merde aux indemnités, mais l’héroïne ne déprime, les événements ne lui en laissent le temps. Tout autour d’elle se détraque le réel, les choses et les êtres se comportent de manière suspecte : le distributeur de café, à la voix veloutée, féminine et métallique, dysfonctionne façon Le Démon dans l’île (Leroi, 1983), les employés et les passants se voient soumis à d’invisibles assaillants. Tandis que des ouvriers travaillent, que le reflet d’une autre tour et d’un autre chantier sur une fenêtre apparaissent en reflet, le visage de la jeune femme en fragile filigrane, prend place et possession de l’efficace fiction une apocalypse de poche, il y a quelque chose qui approche , résume la chômeuse anxieuse à son ex en train de déménager, sur le point de succomber. La nuit venue, la fin du monde semble advenue, des sirènes retentissent, des types prennent la fuite. Le lendemain, ...

La Quête corse

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  Exils # 111 (03/06/2025) « Aucun sanglier n’a été blessé durant le tournage » : à notre connaissance, la mention ne figure ni au final générique ni sur IMDb sous la rubrique crazy credits . Après le prélude programmatique, crescendo sonore de cigales infernales tu(é)es net, la première séquence associe Dardenne et dépeçage, puisque l’héroïne, de dos filmée, sa chevelure dévoilée, s’attaque à un cadavre illico , reçoit sur le visage quelques gouttes de sang et l’accolade baptismale d’un parent. Elle annonce aussi et ainsi la conclusion d’exécution, avec perruque et teinture, eau minérale locale et mansuétude létale. Déjà séparée à l’insu de son plein gré du petit ami, Lesia, pas Rosetta, une pensée pour Émilie partie, demi-orpheline docile, perd donc en plus le papa, qui mit une vingtaine d’années à venger le trépas tout sauf naturel de son propre paternel, tandis que l’un des tueurs à moto apprécie sa paternité presto, avant de se faire dessouder, peluche premi...