Dans la maison
Un métrage, une image : Parasite (2019)
La représentation de la pauvreté peut
beaucoup rapporter – voici, en définitive, la moralité du métrage
mondialement acclamé, primé. Succès critique et public, Parasite s’avère vite
cependant bien moins amusant, émouvant, que les films précédents, c’est-à-dire Memories
of Murder (2003), The Host (2006), Mother
(2009) et Snowpiercer, le Transperceneige (2013). N’en déplaise aux
experts du commentaire, il ne s’agit jamais de la lutte des classes mise en
images, car le combat implique une conscience politique, non une simili sociologie. Pas même prolétaire,
le père méconnaît Marx, pratique un pragmatisme teinté de cynisme, délesté de
patriotisme, tuer quelqu’un ou trahir son pays, quelle importance, seule
importe la survivance, la crédulité en l’occurrence, surtout celle de la
maîtresse de maison young and simple,
riche et gentille, gentille puisque riche, persifle sa femme, qui s’imagine
déjà belle-mère de la lycéenne aussitôt éprise de son prof d’anglais à
domicile. Construit là encore en deux parties, mélodrame après comédie, Parasite
apprécie l’architecture domestique à dimension psychanalytique, transforme sa panic room à la Fincher & Foster (2002) en retour du refoulé très
bariolé, raccord d’écarlate couleur et de fantomatique fureur avec la fête
d’anniversaire in fine funéraire. Sa petite culotte de
copulation à la Crash (Cronenberg, 1996) en toc rappelle un peu l’omission de Pulsions
(De Palma, 1980), passons, sert à se défaire d’un chauffeur dragueur faux
coupable d’avoir franchi la ligne invisible, symbolique. Si ceci ne suffit, a priori
au fils porté sur la métaphore, de préférence en or, extasie-toi à côté de la
mamma devant le gribouillage du gosse à névrose adoubé en précoce Basquiat, un
déluge risque de submerger le subterfuge, les égouts dégorgent de partout, inondent tout, les toilettes débordent idem,
façon La Grande Bouffe (Ferreri, 1973), ouf. Barthes
le soulignait jadis au sujet de Sade, de sa nouvelle Sodome itou en autarcie,
hiérarchisée, massacrée, en sus numérotée, comptabilité sinistre en présage des
fameux six millions de Juifs : la merde écrite ne possède pas d’odeur.
L’affreux fumet de la paupérisation, fi de l’offerte désinfection, pourrait par
contre se filmer, se donner à sentir au figuré, disons par procuration, au
moyen des vêtements humés, des nez pincés ou bouchés, geste funeste de couteau illico. Ensuite, in extremis, du morse
s’invite, communication nocturne de survivants remplis de bons sentiments, sinon de
remords et de promesse. Hélas, à Séoul aussi, on ne prête qu’aux nantis, le
lieu du crime, mon cher, tu n’en deviendras pas propriétaire, l’escalier
dévalé, l’ascenseur de société dérangé, retour, bis, à la case départ, ô désespoir. Pierre, pêche, orage, outrages,
onanisme costumé, envahisseurs dissimulés, broche de barbecue, rire malvenu, sursis eh oui, habitants allemands, tout
ceci se suit certes sans ennui, sans être surpris, affolé a fortiori.
Bong se limite au drame drolatique, dirige des comédiens au carré, mis en
abyme, allez, déplace des Indiens arrivés à s’infiltrer à l’intérieur d’une
forteresse de richesse en écho à Fort Alamo, renvoie les adversaires dos à dos,
dénonce en sourdine l’absence de solidarité des déclassés. Au lieu du
divertissement transparent, peut-on privilégier de Pasolini la lucidité, plus
de contestation, juste de l’acculturation, ou les fables affables de Craven (Le
Sous-sol de la peur, 1991) & Chabrol (La Cérémonie, 1995) ?
Poser la question revient à y répondre, à se dissocier du consensus dédoublé, salauds de pauvres, salauds de riches, ne résider à Abbey…
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