Jennifer 8
Un métrage, une image : Hors d’atteinte (1998)
L’éclectique et anecdotique Steven
Soderbergh se refit ainsi une santé critique, grâce à ce sentimental polar
transposé d’Elmore Leonard. Disons-le d’emblée : son Miami entre amis à
lui lasse assez vite, ne possède pas une seule seconde la maestria d’opéra d’un
De Palma (Scarface, 1983). Quant à l’étreinte enneigée, alternée, amusée,
à Detroit délocalisée, de Sisco & Foley, singeant une scène célèbre du Ne
vous retournez pas (1973) de Nic Roeg, autre monteur promu réalisateur,
elle montre idem ses limites, a fortiori fantasmatiques. Comme le
ridicule ne tue pas, pas même au cinéma, notre palmé cannois ne renoncera à
remaker de manière médiocre un certain Tarkovski (Solaris, 2002), à
commettre l’interminable et pseudo-didactique Traffic (2000), à côtoyer,
via un risible Équilibre, l’envoûtement
manuel de Wong Kar-wai et l’ennui poli selon Antonioni (Eros, 2004). Si l’on
risque, qui sait, de visionner un jour ou en soirée le Girlfriend Experience
(2009) d’une Sasha Grey relookée, rhabillée, on se doit pour l’instant de
surtout saluer la présence discrètement excellente de Jennifer Lopez, aussi appréciée,
presque en simultané, chez Llosa (Anaconda, 1997), Singh (The
Cell,
2000) ou Chelsom (Shall We Dance?, 2004), ensuite, encore
en femme flic, à la TV (Shades of Blue). Flanqué de Scott
Frank, le scénariste du Petit Homme (Foster, 1991), de Minority
Report (Spielberg, 2002), de Balade entre les tombes (Frank,
2004), de la virtuose Anne V. Coates, l’assembleuse de Lawrence d’Arabie (Lean,
1962), La Grande Menace (Gold, 1978, qu’elle co-produisit), Elephan
Man
(Lynch, 1980), Dans la ligne de mire (Petersen, 1993) et Cinquante
Nuances de Grey (Taylor-Wood, 2015), le cinéaste livre une version
allégée du quasi réussi L’Anglais
(1999). En écho de duo, il secoue la chronologie, il s’appuie sur une
performance (chorale) impeccable, ici davantage en partage, pour l’endeuillé,
impérial, Terence Stamp, dommage, mentions spéciales aux caméos à gogo de Nancy
Allen & Catherine Keener, de Michael Keaton & Samuel L. Jackson. Ni
Sonnenfeld (Get Shorty, 1995), ni Tarantino (Jackie Brown,
1997), Soderbergh s’escrime à s’essayer au ciné syncopé, d’afféteries arty ponctué, mais le métrage anonyme et
pusillanime manque de rythme, de mérite, carbure à l’inconsistance au-delà de
la distance, confond festivité et superficialité. Telle a priori la trilogie des Ocean’s (2001, 2004, 2007), tout ceci, très riquiqui,
méga démuni, certes en sourdine (saoule) divertit, cependant aussitôt s’oublie,
chorégraphie trop jolie, colorée, pasteurisée, de silhouettes suspectes,
simplettes, toujours bidimensionnelles, jamais individuelles, car le désincarné
Clooney, parfois capable d’être convaincant, sinon désarmant, cf. En
pleine tempête (Petersen, 2000) ou The American (Corbijn, 2010), se
contente en l’occurrence de n’incarner que… Clooney, séducteur au carré.
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