Child’s Play : Boys Don’t Cry
Des notes qui dénotent ? Une parabole qui affole…
Économique et critique insuccès,
adapté d’une pièce acclamée de Broadway, affublé d’un intitulé français
racoleur, ridicule, éloquent, Les Yeux de Satan, en partie
déprécié par le principal intéressé, Child’s Play (Lumet, 1972)
s’apprécie en récit d’éducation à la con, de masculinité très tourmentée, aussi
et surtout en leçon de réalisation, davantage que de morale. Il s’agit ainsi
d’un jeu (d’enfant-s) dangereux (« You only lose once » affirme
l’affiche), facile et funeste, avec le feu, plus celui, refroidi, de l’Enfer de
naguère, a fortiori de la confiance,
maxime latine explicite, réversible, dorénavant substituée à la foi, cinéphile
croyant, tu peux filer fissa. Le métrage méconnu, tendu, d’antan, de son temps,
partage, pardi, le paranoïaque, ou pas tant, complotisme sectaire, encore en
huis clos mortifère, de Rosemary’s Baby (Polanski, 1968),
présage la possession, par procuration, des esprits pervertis, le trépas
maternel et la culpabilité résiduelle, le suicide d’abîme, délivrance de toutes
les souffrances, de L’Exorciste (Friedkin, 1973), toutefois, fi de fantastique
satanique là-bas, au creux d’une école catho, catholique pas trop, peuplée de
professeurs de malheur, le premier, surmené, surnommé le Fouet, fatigué,
harcelé, à prendre sa retraite poussé, le deuxième, doté de tactilité,
démagogique et machiavélique, le troisième, ancien et médiocre élève, revenu
pour rien, à titre de candide témoin, du dysfonctionnement local, au
sado-masochisme infernal, de guère angéliques petits mâles, ensemble (in)soumis
de garçons presque « perdus », apparemment sans parents, à la Peter
Pan, (mal) dirigé selon un clergé alcoolisé, aveuglé, en douce désabusé,
désenchanté, vœux prononcés, il convient de rester.
L’argument dramaturgique, un brin
autobiographique, de Robert Marasco, itou à l’origine de Burnt Offerings
(Curtis, 1976), documente, en sourdine, un moment déterminant de la disons politique
psychique des États-Unis, en réalité déjà désunis, entrés dans une « ère
du soupçon » moins romanesque et littéraire, pas moins amère, que celle,
célèbre, de Nathalie Sarraute, dont le « scandale du Watergate » synchrone,
constitue, en quelque sorte, l’acmé médiatique, précédé par le drame, diffusé à
domicile, propice à diviser, du viandage au Vietnam, par une contestation donc
d’occasion, de saison, un conflit de générations, came ou non, capable de
produire au ciné la pédophobie des items
précités, auxquels évidemment adjoindre l’Antéchrist adoptif, rajeuni, natif
d’Italie, de La Malédiction (Donner, 1976). En sus placés sous le soleil
raciste et homicide d’un (in)certain (« Grand ») Satan (ire d’Iran),
les USA, religiosité ou pas, durent se sentir la proie de l’Adversaire vénère. Child’s
Play s’occupe ou répercute tout ceci et Lumet, expert en la matière, en
direct, sa filmographie seventies parle
pour lui, cf. illico le double duo de Pacino and Co. (Serpico, 1973 + Un après-midi de chien, 1975), devient
l’observateur (d’enseignement) privé de peur, rempli d’empathie, d’un duel et
d’un dilemme délocalisés entre les murs tendres et durs, dressés de droiture et
d’imposture, d’une institution en sursis, asphyxiante autarcie, de l’intérieur
pourrie, à peine contredite l’instant d’une scène d’enterrement tragi-comique,
esseulé, glacé, gerbe gerbée, écueil de cercueil, crève-cœur à la Laura Palmer
(Twin
Peaks).
Me voici séduit, pas seulement par le
remarquablement maîtrisé climat d’insanité généralisée, de rivalité larvée,
révélée, par les cadres au cordeau, la composition de chaque plan,
l’utilisation de la profondeur de champ, demi-bonnette peu obsolète, par la
direction de la photo, dès le début profondo rosso, de Gerald Hirschfeld (Frankenstein
Junior,
Brooks, 1974), les décors évocateurs de Philip Rosenberg (La Sentinelle des maudits,
Winner, 1977), le score ponctuel,
choral, de Michael Small, par les performances impeccables du casting homonyme, collectif flanqué du vétéran/débutant
Beau Bridges (Norma Rae, Ritt, 1979 ou Susie
et les Baker Boys, Kloves, 1989), de l’impressionnant Robert Preston (Victor
Victoria,
Edwards, 1982), de l’émouvant James Mason, ensuite vampirisé, télévisé, chez
Hooper & King (Salem’s Lot, 1979). Cinéaste matérialiste, Lumet ne se soucie
de transcendance, de mysticisme, de démonologie, il signe toutefois un atmosphérique
film d’effroi, une fable affable, à base de fanatisme et de fascisme en
filigrane, au sujet des causes, des conséquences, du conformisme, une mise en
scène miroitée d’un messianisme hypocrite et méphitique, CQFD. Le Diable peut
aller au diable, puisque l’on perçoit ici l’écho assourdi du Maître
des illusions de la discrète Donna Tartt, de If…. (Anderson, 1968), de
Scum
(Clark, 1979) et du Cercle des poètes disparus (Weir, 1989), voire du Village
des damnés (Rilla, 1960). Enseigner, on le suppose ou on le sait,
signifie transmettre des savoirs et des valeurs, une idée estimable et
discutable de la citoyenneté, une pratique de l’esprit critique, entreprise
désormais compliquée, en (dé)raison du consumérisme capitaliste, du terrorisme
classé islamiste, du psychodrame pandémique et des réseaux pseudo-sociaux à
gogo(s).
Marasco & Lumet démontrent a contrario qu’une telle
contre-éducation ne procure que l’autodestruction : le malmené Jerome
Malley (se) termine comme Damien Karras, sacrifice définitif afin d’édifier une
poignée de lycéens point sereins ; le sportif Paul Reis disparaît, au
propre et au figuré, anéanti par la meute obscurcie, on va te dégoûter de nous
dessiller ; l’adorable et détestable Dobbs, sur le point de corrompre
d’autres innocents coupables, délectables, infinité de fils friqués, affectueux
et affreux, finit puni, chapelle cruelle, par où il p(r)échait, nouvelle
victime, éclairée en clair-obscur, de la foule maboule, des boucs émissaires
d’hier, des anonymes tout sauf magnanimes, châtiment in extremis, invisible,
en suspens, suivi du silence de l’ultime image, boucle bouclée de bougie
rougie, de présence divine symbolisée, soufflée, dissipée à l’instar d’un filet
de fumée. Opus œdipien, l’increvable « prince
du Danemark » inclus, bienvenu, de « Gorge profonde »,
l’anatomie de Damiano (1972) et l’informateur de Bernstein & Woodward,
contemporain, notez le motif diégétique d’un magazine pornographique, Child’s
Play topographie avec précision, suggestion, un précis de déréliction,
délaisse le problème des abus sexuels, rapport récent, actualité actée, ne
répond à la question en question d’une pédérastie pas si jolie, appliquée cette
fois-ci à Saint-Charlie, au profit d’un portrait de groupe en déroute, d’une
crise complice, d’une cérémonie secrète, suspecte, de virilité violente et
clivante, nœud et nid de vipères promis à la guerre, reflet relooké, ouaté, des
violeurs et des meurtriers en uniformes, menacés, déboussolés, sadiques et
pathétiques, de l’éprouvant Outrages (De Palma, 1989), à nouveau
vrai-faux film horrifique, au pedigree
de fait divers idem.
Quant aux amateurs d’auteurisme, a priori déconcertés via une œuvre décentrée, concertée,
concentrée, on se permettra de leur rappeler que tout cela rappelle Douze
Hommes en colère (1957), La Colline des hommes perdus (1965),
Network
(1976), Equus (1977) ou L’Avocat du diable (1993). Laïcisé,
Lucifer ? En effet, il faut s’y faire.
Le cadre des paraphrénies comme archétype
RépondreSupprimerde la folie ordinaire https://bdr.parisnanterre.fr/theses/internet/2015PA100138/2015PA100138_diff.pdf