Blue Banisters : L.A. Woman
Lizzy & Stefani ? Femmes fréquentables, amicales et admirables…
L’automne vous assomme ? Le
monde vous incommode ? La vie vous ennuie ? Revoilà Lana, artiste
stakhanoviste, à disque délice, a fortiori autobiographique. J’annote, ad hoc,
de Lady Gaga la dernière galette, encore en tandem
avec Tony Bennett, autre chanteuse valeureuse, New-Yorkaise à l’aise, passée à
l’Ouest ; je désire écrire quelques lignes, à peine dissipée la chimique,
alchimique, fumée de Chemtrails over the Country Club,
édité au mois de mai. Infidèle à Antonoff, Mademoiselle Del Rey se remémore
Ennio Morricone, pas conne, plutôt en mode Leone (Le Bon, La Brute et le Truand,
1966). De face sur CD, flanquée de ses clebs Tex & Mex, merde au
politiquement correct de communauté, à ses représentants autoproclamés,
dégoûtés par la pochette suspecte, pas assez dotée de diversité, de l’opus précédent, tu m’en diras tant,
adossée à sa balustrade en bois bientôt bleue, green and grey, allez, tant pis pour le Paint
It Black patraque des Stones et des hommes, leur colère de tonnerre,
ou de profil en vinyle, sérénité bleutée, de sirène pensant, à pendant, Lana,
une nouvelle fois, se réveille, se révèle, poignante et espiègle. S’il revisite
Ultraviolence,
où ressuscitait déjà le Rota de Roméo et Juliette (Zeffirelli,
1968), puisqu’il inclut trois compostions de cette époque, co-signées de l’ancien
boyfriend Barrie-James O’Neill, If
You Lie Down with Me, remarquez du mot le sens dédoublé, mentir, s’allonger,
Nectar
of the Gods, Living Legend, Blue Banisters ne rassemble
ni ne ressemble à des fonds de tiroir, davantage s’apprécie ainsi et
s’apparente à un miroir, celui d’une certaine féminité, plus apaisée que
tourmentée, désormais soucieuse de descendance, munie de maternité, ah, la
Sierra Madre, écoutez Cherry Blossom et Sweet
Carolina, chanson d’amour familiale nommée d’après le prénom de sa sœur
Caroline, co-rédactrice, aperçue enceinte, à son côté, au creux du clip de BB,
sa seconde sister, Chuck/Charlie, a priori itou de la partie.
Inutile aujourd’hui de rappeler combien et
comment Del Rey Lana se déploie, opère, en experte parolière, en exquise et
précise interprète, je renvoie vite le lecteur, la lectrice, vers ses ciselés,
lucides, lyrics. Dans le sillage de
la voix de Lana, fleur suave et sauvage, la California d’America devient donc
une Arcadia
d’Americana, l’auditeur s’y bal(l)ade
entre « Black Lives Matter », Old Man River et Land Rover, se
retrouve à Brentwood, salue d’un sourire un John Deere, une pensée pour Une
histoire vraie (Lynch, 1999). Parmi la familière mythologie, trop belle, Rockwell, qu’elle
incarne et décale, qu’elle fuit, à laquelle elle s’identifie, Del Rey,
maladroite ou moisson, demande une danse d’embrasement, un miracle sentimental
et convivial, les haters, quelle
horreur, le corps comme carte, de l’intime territoire, en maillot noir, en père
repère. Lana va et ne va, cela me va, jamais ne se modifiera, sans doute se
bonifiera, mélancolie amusante, émouvante, en écho à Picasso, cœur troué,
douleur à laver. Les vessies, les lanternes, les roses, les violettes, l’avenue
à l’ombre hantée, au silence assourdissant, les filles d’été démasquées,
courant, elle les prend, elle les comprend. Au bout du fil de Françoise Hardy, little lamb lost in the woods de la
grande ville, à la Gershwin (Someone to Watch Over Me), Michel le
bon berger (Message personnel). Au bout du fil de Grant Lizzy, lost little girl de droguée Arcadie, héroïne
d’héroïne, déprime énergique de Lou Reed, aucun dealeur, docteur, papounet
d’abandonnée, ni psy parti. Au milieu du Ciel et de l’Enfer, que faire, sinon
se défaire, se refaire, par exemple au pied d’un platane, en train de pousser, de voir pousser, Angelina, tes peurs,
dis-les moi. Mommy ou Auntie, Lana nous quitte en beauté, en
coda, « Fuck you, Kevin », en effet, bye-bye au baby blues
maousse, ce morceau-là, à toi et à moi, à tous nous, il survivra. Le voyage
dure une heure, mon cœur, il comporte du piano, des cordes et des cornes,
instrument à vent, pas adultère d’hier.
Forte et fragile, fraternelle et fière, enchantée, désenchantée, observatrice et productrice, Lana Del Rey, bien entourée, délivre en résumé un huitième album à son image, à son ramage, contrasté, oui, en contradiction, non, capable de crier, de chuchoter, de dresser un doublé de majeurs moqueurs, de se mettre, au propre et au figuré, superbement à nu, démaquillage élu. Que longtemps son talent demeure, summer or winter, joie d’ici-bas.
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