L’Homme qui rétrécit : Chérie, je me sens rajeunir
Tom & Jerry ? Le destin et l’esprit…
Au douloureux puis dangereux
domicile, voici un survival viril,
une véritable Aventure intérieure (Dante, 1987), in extremis
ouverte sur l’extérieur. Que l’on considère ou non sa consolation cosmique à la
con, The
Incredible Shrinking Man (Arnold, 1957) ne manque pas
d’âme, masculin mélodrame inversant à chaque instant les valeurs et les
échelles jamais à la truelle. En contact en vacances avec une brume maritime façon Fog (Carpenter, 1980) ou Stephen King, de plus perturbé par un pesticide, Scott
rapetisse, incarne en effet « à son corps défendant » les retombées
radioactives de la menace atomique, sinon le séisme féministe en avance des
seventies. Démuni du remède de la médecine, d’une sentimentalité elle-même
diminuée, puisque l’amitié d’une « personne de petite taille »
défaille, notre ant-héros se transforme fissa en Tom Pouce « tyrannique »,
malgré sa femme affolée, du commun engagement libérée, car
alliance (de souffrance) désormais trop grande. On conseille au fameux freak de se faire du fric, de rédiger
son récit, pardi. Sa Louise déguisée en Gulliver transgenre, le diariste se
lamente au milieu d’une maison de poupée, condition d’homme-objet, de geignard
et jaloux jouet, peu propice au priapisme, comme une leçon donnée à la « domination » du « premier
sexe » supposé par le très estimable
romancier Richard Matheson. Flanqué d’un frère guère fraternel, cru crevé, par le
matou relou avalé, Scott se carapate à la cave, collègue de Crusoé condamné à
encaisser le naufrage d’un gros chauffe-eau, à régner sur (et sous) une
araignée à la Tarantula ! (Arnold, 1958), oui-da. Le périple physique et
philosophique s’achève via la
possible traversée d’une grille et un travelling
arrière à la taille de l’univers, l’écrivain (et scénariste) en vomit, s’estima
trahi, tant mieux ou tant pis.
Conte de classe moyenne américaine
moyennement sereine, moralité de masculinité tourmentée, en sus expérience à
succès, L’Homme qui rétrécit cependant ne se soucie de sociologie, Dieu miséricordieux merci, demeure une démonstration souvent émouvante et stimulante des puissances
poétiques et politiques, existentielles et matérielles, immanentes et transcendantes,
du cinéma, en tout cas celui-là, tout sauf classé « de papa ». Si sa
filmographie reste à (re)découvrir, irréductible au chic diptyque Le
Météore de la nuit (1953) + L’Étrange Créature du lac noir (1954),
l’attaque du cat constitue un
incontournable, cristallisation des tensions, des intentions, modèle de mise en
espace(s), de superposition des surfaces, dont la monstration du monstrueux et
la dimension méta vers King Kong (Cooper & Schoedsack, 1933) évidemment
renvoient, transparences à distance, en correspondance. Dans l’affable fable
bestiale et sentimentale, la tête suspecte du singe géant occupait un surcadré
écran, une fenêtre d’appartement. Ici, le félin affamé fait irruption à deux
reprises derrière deux portes à ouvrir, à vite (re)fermer. Le cinéaste sait se
servir du son, du canon des talons, il associe des escaliers similaires et
singuliers, il cadre au cordeau une inventive perspective « composite », redéfinition de shakespearien balcon en tragi-comique, hargneuse et malheureuse
version. Bien accompagné par Grant Williams & Randy Stuart, couple en
déroute, qui tient toujours la route, il rend le vent évocateur, il valorise la
voix off, il s’avance vers un suicide
songé, congédié, un canapé miniaturisé, accessoire de sitcom US donc de produit TV casanier. Le moment s’apparente à un
mauvais rêve, il visualise l’envahissement de la normalité, même intolérable,
même étouffée, Scott encore (déjà) « confiné », par une terreur à la
fois familière et spectaculaire.
Le cinéma, on le sait, procède du dessillement, du mieux voir, du voir différemment, et L’Homme qui rétrécit, doté de sa magistrale modestie, se focalise sur ceci, épure qui carbure au regard renversé, réinventé, à l’instar d’une (sur)vivante et ductile identité in fine délestée de ses déterminismes sociaux et sexués. Afin de renaître, de disparaître, il faut se confronter aux monstres et merveilles du relooké réel, agrandi et rempli de malice à l’Alice de Lewis, autre aventurière à bestiaire, à taille(s) inconfortable(s), à symbolisme un brin freudien, pénétré trou de lapin versus percé ventre arachnéen. Afin de sauver sa peau du ludique et sadique bourreau, il faut s’en faire griffer, fuir en travelling de côté, se séparer du prédateur juxtaposé. Certes Arnold ne « pousse le vice » explicite à changer le chat en chatte, nonobstant la victime coursée de l’assaillant rugissant, fauve de salon aux sièges de saloon, finit par chuter parmi une caisse de tissus, tandis que l’épouse rentre au foyer secoué, au propre, au figuré, inconsciente de la chasse précédente, « souris » soucieuse amoureuse d’un mec métamorphosé en souris audacieuse. De manière à peine surprenante, l’opus rappelle le corpus du contemporain et critique Douglas Sirk. En couleurs éclatantes ou en noir et blanc élégant, il s’agit en résumé de démystifier des individus au carré, acteurs et spectateurs, de dépasser les apparences, leur arrogance, insuffisance, leur enfermement sans consentement, leur agonie jolie. Dans Tout ce que le ciel permet (Sirk, 1955), le fils infect d’une mère emmerdée lui offrait un téléviseur de malheur censé remplacer son romantisme inacceptable et inaccepté selon une insupportable société. Scott quant à lui contemple la nuit, ne s’absente du sens, Hercule minuscule, soulagé à la Sisyphe, plus croyant que Camus, déclaration de coda au sieur Arnold due. Sur le seuil de sa dissolution, la cartésienne conscience entre en résistance, en résonance, à l’unisson de la Création inaccessible au néant, clémence insaisissable de déréliction infinitésimale.
"Le cinéma, on le sait, procède du dessillement, du mieux voir, du voir différemment" ...https://www.parismatch.com/Actu/Insolite/Quand-TikTok-decouvre-un-rapport-secret-de-la-CIA-1725453
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Supprimer"Très jeune, je me suis dit que j’allais devenir écrivain et c’est le cinéma qui m’a kidnappé… je me suis retrouvé par accident à écrire des films, mais je n’ai jamais perdu cette envie d’écrire des livres” D.Cronenberg
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