Le Nain Jaune : Le Bossu
Le père, le fils, l’esprit, le pays…
Pour mon père
Davantage dialoguiste, surtout
scénariste, citons ses collaborations, mot très connoté, texte en contexte,
avec Sautet, Clément, Bernard-Aubert, Borderie, Lautner, Granier-Deferre, Deray, Enrico (Borsalino) and Co. ou Zidi et compagnie, Jardin
signa aussi plusieurs autobiographies, dont celle-ci, primée par la française
Académie, fichtre, éditée deux ans seulement avant son subit décès. L’auteur
des scripts de Classe tous risques
(Sautet, 1960) depuis José Giovanni, du Train (Granier-Deferre, 1973) et du Vieux
Fusil (Enrico, 1975), se préoccupe ici de son papounet particulier,
occulte conseiller, au service de Laval et de ses amis en détresse, peste,
complexité d’époque, revient en arrière, à nouveau convie (à) la guerre,
survenue cinq ans après sa naissance, pas de chance. L’ami de Morand, Gabin,
Delon, dont il parle rempli de tact, d’émotion, en autodidacte, en compagnon,
délivre en définitive un ouvrage autant sympathique qu’anecdotique, peint un
(auto)portrait peu déplaisant et cependant assez inconsistant. Le rapide Pascal
mit sept mois à écrire cela ; on le lut en deux demi-soirées, allez. N’en
déplaise au défunt Jean d’Ormesson, qui s’extasie sur la quatrième de
couverture du bouquin relié, usagé, puisque opus
déposé, proposé, boîte-bibliothèque à surprendre ou à désoler, il ne saurait
s’agir jamais d’un « livre admirable », même « mélange de
tendresse et de drôlerie », oui. Durant l’émission de radio disponible
plus haut, on entend l’impressionniste historien allumer un briquet, ah, la
tabagie autorisée, permise, des seventies,
donc, par ricochet, des films de Sautet, pourtant sa prose classique, claire,
alerte, guère suspecte, manque de flamme, l’évocation d’obscurité, le passé (dé)recomposé,
ressuscité, de perspective, de polémique.
On peut comprendre (voire pardonner) la
réserve du fils presque hagiographique, on se doit (dommage) de déplorer l’absence d’audace du tracé, comme si
Jardin le sien se limitait à cultiver, comme s’il fallait, au fond, ne fâcher personne, honore tes morts, apprécie ton papa, souvent « sauteur »
puis patraque, opéré de la prostate. Certes, Jardin esquisse (le jardin) des
délices de femmes fréquentées, fréquentables, auxquelles devoir la vie ou un
divorce, des amants ou des enfants ; à l’évidence, l’ensemble divertit,
vite se lit, on y sourit, Hexagone ou Helvétie ; bien sûr, le ciné se
dessine quasiment hors-champ, à l’exception d’une rencontre de labeur laborieux,
notre stakhanoviste de jadis « interné » au côté d’un « petit
homme pathétique », un « malade authentiquement désespéré », clown à succès, au creux duquel reconnaître
aussi sec un certain Louis de Funès, croqué selon une cruelle et sensible
lucidité, tandem sans doute au
travail, vaille que vaille, suivant La Zizanie de Zidi (1978).
Néanmoins Le Nain Jaune demeure disons dans la norme, à l’inoffensif
pittoresque se cantonne, ses souvenirs évitent « le pire des pires ».
Sa meilleure part, assurément la plus grave, la plus impitoyable, réside ainsi
peut-être à proximité d’une « chapelle ardente » désespérante, à la
porte pourvue de poubelles, détail rédhibitoire invisible aux yeux humides des
visiteurs hétéroclites, cosmopolites, pas à ceux de l’observateur se
définissant justement en « spectateur » de son propre périple
tragi-comique, à l’instar de son géniteur haut en couleur. « On écrit
comme on peut », nul ne le démentira, en tout cas pas moi. Triste et
serein, Jardin écrit en impossible romantique, en idéaliste de dames mises sur
piédestal, à tromper à satiété, en être social conscient d’une solitude congénitale,
à la Conrad, il transmet au lecteur et à ses descendants une sorte de roman
familial mélancolique et jovial, nostalgique et sentimental.
Apprenant « à lire dans Balzac à
l’âge de onze ans », Jacqueline opine, il termine l’hommage au « conteur »
créateur et « destructeur », fabuleux affabulateur in fine insaisissable, généreux et
jaloux, sain (d’esprit) et fou, via
une vision paradisiaque, paternelle, à « parler », réunis lui et lui,
de leurs « femmes humaines », à « rêver » pour l’éternité
apaisée « Dieu comme si l’on y croyait », amen. Ni (« saint ») Pagnol ni Guitry, Pascal Jardin
immortalise Jean, retrace son destin, il le valait bien. Que penserait-il du
révisionniste codicille ensuite commis par sa dispensable progéniture,
c’est-à-dire Des gens très bien d’Alexandre Jardin ? Pas
grand-chose, je suppose. Seuls les proches vous font des reproches, vous
trahissent de leur sollicitude intestine, toutefois le Nain Jaune s’en fiche, dès
le début allongé, alité, désabusé, et au final increvable, infernal, « Guignol »
et « Roi Lear », « Cid de province » et « héros de
Giraudoux ». S’il pouvait aujourd’hui le feuilleter, gageons que ce fidèle
et infidèle reflet le rendrait à la fois hargneux et heureux…
Tout homme qui à quarante ans n'est pas misanthrope n'a jamais aimé les hommes.
RépondreSupprimerHonoré de Balzac
"Comment Mitterrand m'a menti sur Vichy (40 min)"
RépondreSupprimerhttps://akadem.org/magazine/magazine-culturel-2020-2021/avec-mitterrand-ca-ete-la-rupture-dans-le-silence/45559.php
https://www.youtube.com/watch?v=xgN2fiPuIDw
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