La Femme-objet : Le Jouet

 

R2-D2 rend heureux ? Bien mieux à deux…

Romancier de SF, obsédé par le sexe, Nicolas n’en finit pas, de taper à la machine son passé de machine(s), confession off, autobiographique, alcoolique, tabagique. On trouvait auparavant, dans Le Sexe qui parle (Frédéric Lansac, 1975), le pantin transalpin : revoici Pinocchio, cette fois-ci en filigrane du scénario, flanqué de Frankenstein, sa créature, accompagné de Pygmalion & Galatée. Galactique, la robotique Kim, ainsi prénommée en souvenir de ciné, amitiés à Mademoiselle Novak ? Plutôt mutique, « charmante mais pas causante », comme le remarque la maîtresse exaspérée, je ramasse mes affaires, je m’en vais. « Mieux qu’une poupée gonflable », en effet, la partenaire trop parfaite, a priori idéale, en réalité fatale, sa bouche rouge utilise à d’autres tâches, de sa langue nettoie la tache, de sperme, déposée sur la peau, d’ébène. Car le Nico, marri de sa surprenante autonomie, lui substitue, aussitôt, une consœur selon son cœur, fantasme enfin réalisé, « rassurant », de noire en sous-vêtements blancs, démonstration de silence, d’obéissance, mâtinée de racisme, de colonialisme. La situation s’avère vite réversible, le triolisme muselle le machisme, l’inventeur, cependant, se réinvente en perdant, à son tour, sans amour, fissa transformé en jouet sexuel, in extremis, fini office, renvoyé vers les coulisses, la solitude, le sommeil, peut-être éternel. La télécommande, en écho à celle du Déclic (Jean-Louis Richard, 1985), change de main, au lieu de faire obéir, procure du plaisir, par masturbation ou pénétration. Le fameux, et polémique, Être une femme de Michel Sardou sortira l’an prochain, néanmoins, La Femme-objet (Lansac, 1980) prend acte, déjà, de la modification des mœurs, du féminisme vainqueur, vade retro, vaisselle suspecte, en levrette, postérieur à proximité, en permanence proposé, en japonais peignoir, en bas noirs.

Tel son prédécesseur précité, il s’agit, aussi, d’un film méta, où le cinéaste estimable, mis en abyme, « Byron » concon, s’interroge in situ, sur le set, au sujet de son métier, transpose la position du spectateur des opus supposés en chaleur, encore sur grand écran, plus pour longtemps, le X se consommant, dorénavant, à domicile, en VHS, baise à l’aise. Drolatique et mélancolique, l’item modeste séduit en sourdine, fable affable sur le désir insatiable, l’épuisante, épuisée, disponibilité, l’aliénation à l’unisson, l’incommunicabilité d’êtres toujours en train de copuler, jamais de se rencontrer, la séquence d’introduction, mot molto connoté, étreinte esthétique, presque pudique, déroulée sous des draps de soie, adressant, par avance, un salut, point salace, à Identification d’une femme (Michelangelo Antonioni, 1982). Au sein de son appartement parisien, sis au sommet de l’oisiveté, par Sabine abandonné, jadis joueuse de tennis compréhensive, fellatrice complice pour barman voyeuriste, par Lucille, secrétaire intérimaire, endormie croupe à l’air, en l’air, par Olga, collaboratrice à accent, puis à dossiers maquettés, expédiés par courrier, Nic succombe à Kim, créateur recadré, hardeur dépassé. Escorté par une équipe technique solide, un casting impeccable, sinon amical, Lansac, en sus de magnifier, immortaliser, en courtoise contre-plongée, en cuissardes sombres, écarlates, l’aimable Marilyn Jess, renversée, renversante, pseudo-Norvégienne, taciturne, éloquente, sorte de modèle bressonien un brin lesbien, signe donc une dystopie domestique, intime, masculine. La scène la moins onaniste, la plus triste, la plus explicite, la plus symbolique, de La Femme-objet, ose une relecture de Courbet (L’Origine du monde), présage la glace de Paris, Texas (Wim Wenders, 1984).

Séparée d’elle par une transparente paroi en verre, le souriant, désolant, esseulé, Richard Allan décharge devant l’image politique, poétique, prosaïque, d’une Nicole Segaud inaccessible, assoupie, aristocratique. Sans doute fallait-il s’appeler Frédéric Lansac, ou Claude Mulot, son alter ego, c’est-à-dire posséder pareille intelligence lucide, réflexive, afin de parvenir à cristalliser, en quelques minutes adultes, remplies d’un discret tumulte, le cœur d’un courant, par nature ni médiocre, ni misogyne, l’enjeu d’un jeu sérieux, d’une gymnastique ludique, tragique, constamment humaine, rarement malsaine. N’en déplaise à ses détracteurs, à ses détractrices, d’hier, d’aujourd’hui, « l’injuste grandeur », relisez le cher Luc Dietrich, de la pornographie se localise ici, pas que sous la ceinture, davantage via une aventure, au sens sexuel, existentiel du terme, il caro Antonioni ne me contredit.         

Commentaires

  1. Prendre un peu de recul avec Les Bijoux indiscrets ? :
    "Cette allégorie, qui est la première œuvre romanesque de Diderot, dépeint Louis XV sous les traits du sultan Mangogul du Congo qui reçoit du génie Cucufa un anneau magique qui possède le pouvoir de faire parler les parties génitales (« bijoux ») des femmes.
    On trouve un trope comparable, que Diderot doit avoir connu, dans le fabliau égrillard Le Chevalier qui fist parler les cons. L’idée même de faire parler l’appareil génital féminin, grâce à une intervention magique, se retrouve dans une histoire de Caylus datant de 1747."
    https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Bijoux_indiscrets/Texte_entier

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    1. Je vous renvoie vers ceci, voui :
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2020/08/le-sexe-qui-parle-lamour-est-une-fete.html

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