Windfighters : Les Guerriers du ciel : The Patriot
La dialectique casse des briques, paraît-il – quid de l’ivresse des nuages, des sentiments, à l’ombre inquiète (et
inquiétante) d’adultes revanchards ? Fasten your seat belts, please et lisez la réponse ici…
Âgé de cinquante-quatre ans, Kim
Dong-won reste un grand enfant, voire un adolescent, et son film (sorti en
2012) le démontre assez aimablement.
Dissipons vite un malentendu
cinéphile : Windfighters : Les Guerriers du ciel s’inspire à l’origine
du mélodrame martial Red Scarf (1964), sis durant la
guerre civile (et, par extension, procuration, entre l’URSS et les USA),
laissant Top Gun, le dépliant publicitaire pour l’armée de l’air US naguère
commis par Tony Scott, s’écraser dans les abysses décérébrés des années 80 (pratiquant
à l’identique une collaboration intéressée avec les autorités locales, à savoir
la Force aérienne de la République de Corée, il n’en reprend, brièvement, que
l’homoérotisme implicite, durant une scène de vestiaire et de colère ruisselante
de sueur et de rancœur).
Six mois de tournage et dix de post-production pour ce divertissement
spectaculaire et conventionnel, drolatique et mélodramatique, confondant
héroïsme, patriotisme et nationalisme, s’interrogent et déplorent les mauvais
esprits rétifs à son délicieux sentimentalisme, à cette façon toute coréenne de
brasser les genres, les tons, les styles (ampleur du ciel et vide du hangar en
Scope, proximité des visages parfois en caméra portée), au charme juvénile de
ses actrices (comment résister au sourire de Shin Se-kyung, aux larmes de Lee
Ha-na, celle-ci en outre annexée en voix off
du making-of ?).
Nul ne contestera, pas même nous, admirateur
avoué de la cinématographie sud-coréenne, les défauts du film, surtout son absence
de vrai cinéaste derrière l’appareil de prise de vues, même s’il possède par bribes,
par-delà un professionnalisme énergique, cette grâce, cette élégance
caractéristiques du cinéma asiatique, jusque dans sa veine la plus populaire,
la moins soupçonnable d’auteurisme.
On pense principalement à la
silhouette massive et mortelle du MiG-29 reflétée superbement sur le verre d’un
immeuble durant le climax au ralenti
surréaliste de l’opus, l’attaque de
Séoul, capitale estivale, sudiste, oisive, affairée, par un sinistre aviateur
venu du Nord, une tête de mort arrogante présente sur sa carlingue.
Dans le même registre négatif, passif
pas si grave, notre réalisateur ferait presque passer John Milius (L’Aube
rouge), George Pan Cosmatos (Rambo II : La Mission) et Joseph
Zito (Portés disparus) pour des observateurs impartiaux et des
experts sans reproche de la géopolitique d’alors, tant son manichéisme à lui
donne dans la surenchère bondesque de BD simplificatrice (le général félon fait
un coup d’État, fume le cigare et fixe l’objectif, trois signes-attitudes qui
ne trompent pas la sagacité du public, occidental ou autre).
Faut-il vraiment prendre ce portrait
à charge au sérieux, au premier degré, pour « argent comptant » d’un
succès critique et commercial ?
Oui, sans doute, tant pis et tant
mieux, car l’intrigue ne se signale pas non plus par sa vertigineuse originalité,
récit traditionnel d’un « chien fou » gentiment rebelle (durant une
démonstration d’adresse officielle, il s’amuse au manche de son jet à raser la tribune des VRP,
accessoirement, à souffler les jupes volantes de jeunes filles en bordure du
fleuve Han), peu à peu converti à l’esprit d’équipe, à la camaraderie
sacrificielle, au sens du devoir et aux vertus immortelles du pays (volontariste
salut réglementaire avec un petit sourire malicieux, quand même).
Le sympathique Jung Ji-hoon endosse
la panoplie du pilote futur patriote (en bon orphelin, il caresse une
photographie encadrée de sa maman) et pousse plutôt bien la chansonnette pour
le générique de fin, retrouvant ses habits de chanteur et son avatar de Rain
(il tourna aussi pour les Wachowski, embarqué en voiture pour Speed
Racer).
Aventure et romance, testostérone et
fleur bleue, gros traits et calligraphie (sa chérie souffrant de surdité, par
ailleurs remarquable mécanicienne, se déplace en ULM et l’initie au maniement
de son aile à elle, avant leur atterrissage sur une plage déserte et glacée,
bout du monde pourtant à quelques kilomètres à peine de la civilisation, comme
nous le révèle un zoom arrière satellitaire), humour local (plus accessible
pour un européen que son homologue cantonais) et drame souterrain (le pilote
plus vieux et expérimenté ne guérit pas de la perte de son co-équipier, l’amie
de cœur et de vol deviendra une seconde mère pour l’enfant du héros tombé pour
la Corée (du Sud, of course), le « bleu »
s’avère également privé de parents : dans ce mélange instable s’opère le
plaisir éphémère et superficiel pris à un film humble et cocardier, naïf et
soigné, intergénérationnel et destiné à un marché de trentenaires (ou moins).
Tout finira bien dans cet exercice de
paranoïa appliquée, cette dystopie possible, voisine, dans le brasier atomique
d’une arme nucléaire détruite de justesse et sans l’accord de vilains Américains
forts en gueule (pléonasme).
Le protagoniste, sauvé des eaux, blessé
au bras, adoubé par tous, reviendra retrouver les siens, voler à trois (Jules
et Jim, flanqués de Jeanne, couraient ensemble sur un pont, après tout)
dans le ciel blanc, délivré de la menace du fraternel ennemi mais pas de
l’encombrante présence de son ami, père putatif, alors qu’il offre à sa
dulcinée un baptême de l’air en guise de lune de miel aérienne.
Les scènes de combat, une première
là-bas, ne participent guère du réalisme documentaire des Anges de l’enfer de Hughes
ni de la subjectivité inoffensive et immersive du jeu vidéo ; là encore,
nous préférons y voir une mise à jour des pleins et des déliés du pinceau sur
la toile d’Asie, une transposition des chorégraphies chevaleresques, amicales
(et plus, si affinités masculines), létales et musicales qui firent la renommée
d’un John Woo, son cinéma lui-même empreint d’une candeur et d’un fétichisme
(pistolets au lieu d’avions) certes mille fois supérieurs.
Visionné un samedi soir de football capitaliste, de bagarres
d’ivrognes, de « grogne sociale » et d’exégèse de l’univers de David
Cronenberg (réalisateur et romancier, on en reparlera sous peu), Windfighters :
Les Guerriers du ciel permit de prendre une certaine hauteur, de se détacher
(pour un temps, pour un temps seulement) de l’asphyxiante apesanteur alentour,
dans les consciences, les rues, les blogs
et les salles dites obscures – pas si mal, finalement, et sans atteindre le « septième
ciel » (de la cinéphilie), il détourna (partie remise) l’envie de se tirer
une balle dans la tête (façon Woo, why
not ?), en bon lecteur de Camus
et stoïcien provincial...
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