Attrape-moi si tu peux
Un métrage, une image : Le Chacal (1997)
À la mémoire de Mylène
Demongeot
L’ultime film de Sidney Poitier ne
remake celui de Zinnemann (Chacal, 1973), ni ne réadapte le
titre de Forsyth, en conserve cependant quelques éléments, par exemple
identités démultipliées, fusil en kit,
bar gay, tombe atone. Échec critique,
succès public, donc économique, il déplut aux deux intéressés précités, au
compositeur Carter (Burwell), il semble aussi aux meilleurs ennemis Gere &
Willis, rôles nonobstant inversés selon leur souhait. Il s’agit en sus d’une
coproduction cosmopolite, pourvue d’un script
basique, chasse à l’homme, entre hommes, en somme, commis par Chuck Pfarrer, le
scénariste de Chasse à l’homme (Woo, 1993), justement, de Darkman
(Raimi, 1990) ou Barb Wire (Hogan, 1996), par ailleurs non
crédité collaborateur sur Sudden Impact (Eastwood, 1983)
et Arlington
Road (Pellington, 1999). Quant à Caton-Jones, ex-banquier écossais reconverti réalisateur hollywoodien, parce
qu’il le valait bien, il commit avant puis après les dispensables Scandal
(1989), Rob Roy (1995), Basic Instinct 2 (2006), Asher
(2018), ma chère. Mais ceci ne saurait résumer le métrage, ses discrets
avantages. Outre la surprise de (re)découvrir Bruce en talentueux
transformiste, revoilà la valeureuse Diane Venora, appréciée chez Wadleigh (Wolfen,
1981), Coppola (Cotton Club, 1984), Mandel (F/X,
effet de choc, 1986), McTiernan (Le 13e Guerrier, 1999) et bien sûr
Eastwood (Bird, 1988 + Jugé coupable, 1999). L’actrice fait
itou le lien avec Heat (Mann, 1995), que Le Chacal évoque parfois, ça va de
soi. Major du Nord à profil fragile,
fumeuse soupçonneuse du lexique d’Amérique (« Il y a un de ces peuples » lui
dit le solide et suave Richard, parlant de plaisanciers endimanchés, auquel
elle réplique d’un ironique « Vous appelez ça le peuple ? »),
victime d’un homicide, n’en déplaise aux adeptes du féminicide, sorte de nouvel
Hermès, à oraison de malédiction d’incapable et sexuée protection, elle possède
la clé du cœur du spectateur et celle d’un combat de mâles alpha carburant à la
culpabilité partagée, puisque le terroriste irlandais emprisonné, in fine émancipé, la police US magnanime
va se chercher un café, désormais opposé à l’exécuteur de malheur, un brin
avorteur, Mathilda May, séparatiste basque + épouse au foyer, à maternité, ne pardonnera, se vengera, dessoudeur professionnel plus implacable que
cruel. A contrario des Incorruptibles
(De Palma, 1987), meurtre amical, à table, en clin d’œil sans cercueil, Le
Chacal ne consomme uniquement de la testostérone, donne aux dames,
première ou dernière, d’aujourd’hui ou d’hier, le beau rôle, à la fois mères et
meurtrières, secourables et impitoyables. Entre idéalisme et cynisme,
internationalisme et symbolisme, l’affrontement des infidèles reflets, aux
ralentis d’épiphanies, comporte un caméo délectable de Jack Black, cible
mouvante amusante, et finit par y souffler une panique précise, pleine de sobre
maîtrise, à partir, nul hasard, de la tentative d’assassinat d’une First Lady en représentation lors de l’inauguration d’un bâtiment de
chimiothérapie, pardi. La traque tout sauf phallocrate se termine sous terre,
aux ferroviaires Enfers, avec une ado prise en otage, logique dommage, comme si
Eurydice & Orphée enfin flinguaient, fusionnés, leur Némésis à l’humaine
malice, leur Protée au capitalisme décomplexé, plus abstrait, autiste et
incarné, condamné, que le killer
solitaire, à rendre fou Woo (The Killer, 1989), du Samouraï
(Melville, 1967), autre item au métro
funèbre. Massive Attack en introduction et conclusion, l’histoire de la Russie
en archives et sa mafia en famille, une paire pas patibulaire de types
sympathiques, souriants, survivants, blessés, libérés : Le
Chacal, assez soigné, certes dépersonnalisé, substitue ainsi le
mythique et le mélancolique à l’héroïque et au sexiste, cf. les insultes
misogynes et genrées du caïd colérique, fissa trucidé via la volontaire Valentina. Morale de fable aimable – dorénavant,
il convient d’aller de l’avant, de ne plus croire à la connerie du chevalier
servant, de pratiquer une parité empreinte de tendresse et de respect, ni
chacal ni hyène, ni chien ni chienne, seulement espèce de/en danger, rédimée.
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