La Fille du train

 

Museler Millet ? Pas de cadeaux à Ernaux…

Sept ans de réflexion ? Sept ans d’observation. Annie aime peut-être les sucettes, à l’anis, au sperme, son odeur associée à celle de la javel, visite sur la stèle de Serge, mais elle médit en catimini de Monica Lewinsky, pro-life infréquentable. Ces « notations » de saison(s), d’occasion(s), commencent avec Germinal (Berri, 1993), film friqué à propos de pauvreté passée, s’achèvent sur une fresque hédoniste, datée des années soixante-dix, à l’invisible vagin comme éclaboussé de sang, Carrie l’immaculée, la maculée, n’en demandait pas tant. Entre-temps, (re)voici la « guerre des Balkans », vite suivie par le conflit en Tchétchénie, résumé d’actualité : « L’impunité de la Russie tient obscurément à son mythe de peuple aux confins de l’espace, de la raison, de l’humanité. » Ainsi placé sous le signe rouge dédoublé, La Vie extérieure se soucie de sociologie, renverse la perspective ironique, historique, neurasthénique, des narrateurs idem consommateurs, acteurs et scrutateurs, des bouquins de Houellebecq. Ernaux, dotée d’un pedigree prolo, défenseuse d’étrangers sans-papiers, (pas assez) généreuse envers les non domiciliés, esquisse de manière impressionniste une France en souffrance, accumule les malheureux, les miséreux, puisqu’à la voiture in fine retrouvée, elle préfère le trafic en RER, propice à stimuler un autorisé voyeurisme. Précise plutôt qu’intrépide, elle croque bien ses contemporains, anonymes ou notoires, « Blanc », « Beur » ou « Noir ». L’émouvant Mitterrand, sa romancière illégitime de « brillante et cultivée » fifille, le simulacre Chirac, le malsain Madelin, le surréaliste Eltsine, l’increvable Calment, Diana de l’Alma, « l’humaniste » Nasreen, la suicidée, sinon sanctifiée, Russier, Bachelet, ses Corons, le procès Papon, Ravel & Colette, bourges sortilèges pas si chouettes, côtoient donc des vendeurs à la criée, désespérés, de non-journaux spécialisés, une prof du Nord à la Mercedes obscène, des silhouettes pittoresques, peu suspectes, dessinées selon la délicate experte. À l’arrière-plan des innombrables gens, reflets de familiarité, les « jeunes de banlieue », guillemets courroucés, par la diariste dénoncés, fêtent de façon traditionnelle l’année débutée, via des bagnoles brûlées, « objet fétiche de la société », Barthes d’ac, sacrifié en démonstration de « sauvage liberté », les propriétaires très populaires, voire vénères, des véhicules cramés durent savourer. Ailleurs, Annie, lectrice du Monde et du Monde diplomatique, redoutable diptyque, a fortiori en pleine période de pseudo-pandémie, d’instaurée insanité, se désole aussi du racisme implicite des sondages droitistes, des quarante-cinq pour cent de Français souhaitant la présence du FN à l’Assemblée, manifeste itou contre la loi Debré d’immigré criminalisé. On peut présumer que les quatre-vingt-neuf sièges du Rassemblent national gagnés en avril dernier, à la surprise des premiers intéressés, surent la consterner. Cette bien-pensance sans nuances, mention spéciale au skinhead assassin, au journal intime jamais repentant, quasi éclairant, prétexte à s’interroger sur la moralité du texte, moralisme rassis déjà dégagé par Oscar Wilde pendant la préface du Portrait de Dorian Gray, ne saurait effacer l’affabilité d’aphorismes en série, au sujet de la télé-réalité, du terrorisme florentin ou souterrain, du temps, du chant, du supermarché, de la maternité, des lycéens en train de manifester, d’une éclipse imprévisible. « Happée par le monde », aspirée par la « honte », l’Annie de Cergy le bruit d’avion maudit…   

   

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