Enquête sur un monde solitaire : Les Galettes de Pont-Aven

 

Conrad & Cohen, Garbo & Bécaud ? Toi, moi, elle, île…

Bien trop long, plus de six heures, Seigneur, desservi par une illustration musicale très dispensable, ponctué de plans topographiques anecdotiques, assorti de stroboscopie assez hors sujet, à la Noé (Irréversible, 2002), encore en noir et blanc mais aussi en couleurs, haut les cœurs, ce montage de témoignages rend hommage au « tissu associatif » tendu contre le « naufrage » social, métaphore à bon port, car cadre(s) de Bretagne. Un mois avant l’effarement du (premier) confinement, lui-même modèle d’isolement dément et mondialisé, aux effets collatéraux que l’on connaît, notamment en matière de « violences conjugales », topic du titre, manifestant(e)s à Lorient et flics à trique, pendant une période d’environ deux ans, l’auteur local de L’eau douce qui coule dans mes veines (2013) filme de façon frontale, à la suite d’une citation explicite des increvables Misérables, les « aidants » et les souffrants. En surface, cette cartographie d’une partie du pays, a priori réputée pour son taux de suicide élevé, souligne un docte sociologue, semble explorer une zone (dé)limitée, banal enfer à ciel ouvert, compris entre Morbihan et Finistère, fin de terre, terminus des humaines misères. En profondeur et réalité, un carton d’introduction le précisait, tout ceci pourrait se dérouler, se déploie déjà, pourquoi pas, ailleurs, crève-cœur, « alcoolique » tradition ou non. Messieurs Macron & Mélenchon, meilleurs ennemis de dérisoire démocratie, ne visionneront jamais le flot figé d’actes de foi ou de récits d’autrefois, chaleureux ou affreux, ils se fichent des invisibles, les programmes étatiques anti-pauvreté ne prennent pas même la peine de les impliquer, s’énerve doucement, dès l’orée, l’un des intervenants. Kermagoret leur (re)donne une voix, sans visage parfois, ainsi Élodie, pas Chérie, en dépit d’un passage éclair, supposé salutaire, par la pornographie, oh oui, n’en déplaise à la sexologue balèze et guère morose, « modernité » donc à remodérer.

Si les membres des multiples associations savent énumérer avec une clarté impliquée leurs missions, bénévoles nécessaires because accroissement des nécessiteux, malgré la suppression gouvernementale des « contrats aidés », sinon celle des aides diverses, si le monologue costumé, des drapeaux hexago-euro-breto à proximité, bras croisés, un spécialiste du langage corporel apprécierait, du « directeur de (municipal) cabinet » constitue un concentré de langue de bois, il faudrait de surcroît aller voter pour pareille représentation, fada, l’essentiel se situe du côté des CV dévoilés, des instantanés de vies démolies à moitié, in extremis mieux aménagée ou « pour l’éternité » suicidée. Dédié à « l’amie » Marine(land), brestoise dépressive, abusée sexuellement à neuf ans, dépourvu de chapitrage, dommage, parcouru en fil rouge, plutôt blanc, par les réflexions à la con, mystique de l’écologique apocalyptique, d’une psy adepte de la médiation, « bonté de l’homme naturelle », tous ensemble et de manière individuelle, sauvons la « Terre (notre) Mère », amen, l’item documente un univers davantage solidaire que solitaire, au terme et au creux duquel l’île de Groix donne l’impression de rédemption et de conclusion d’un petit paradis un peu incestueux, pas irréprochable et pourtant charitable, traversé par la « bienveillance » de ses résidents, épris de séparation plus que de sécession. Comme contaminé par l’optimisme de l’ensoleillé site, calme et tranquille, le paraplégique Richard, qui n’y réside, file en fauteuil prendre l’air, fixer la mer, un instant cesser de s’en faire, de la prison du corps se défaire, fissa flanqué d’une compagne à handicap. Face au faisceau des solitudes fracassées, « fracturées », pas uniquement numériquement, affichant une suprême lucidité, écoutez ce que déclare Laure, dos tourné, au sujet des violences faites aux hommes par des femmes infréquentables, exposé à contre-courant, convaincant, au cynisme du capitalisme, à une précarité économique et psychologique exponentielle, structurelle, certains l’affirment systémique, le silence autorise, ô surprise, un échange, loin des « selles » à s’ôter d’une main gantée, vaselinée, séquence hygiénique style Haneke (Amour, 2012), des « addictions » variées, avariées, incapables de combler un « vide affectif abyssal », en effet, de répondre au médiocre état du monde, cependant pas le plus à plaindre ni en déglingue, le pire, il existe/persiste pire, que celui que décrit Enquête sur un monde solitaire  (2021).

Redondant et réconfortant, verbeux et valeureux, débarrassé jusqu’à l’os de l’obscène pathos, rétif au voyeurisme, point à la prêtrise, à la jeunesse du Mexique, le film de l’amical Maxime, qu’il me pardonne ma franchise critique, la publicité rédactionnelle ripolinée, je me permets de m’en passer, s’avère en définitive l’enregistrement de l’air du temps, de sa grisaille de funérailles, non l’acte de décès de la solidarité franco-française et toutefois tournée vers l’étranger, les « migrants » pas seulement aux six ports de Lorient salués.

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