Clair de femme : Schneider dead and alive
Muse soumise, victime ultime ? Actrice active, citoyenne lucide…
Mère célèbre, à sympathies nazies,
merci Sissi, trois, ça (lui) suffit, (dé)liaisons à répétition, Buchholz,
Evans, Ganz, Dutronc, Trintignant, dévotion + abandon = Delon, cassé contrat à
la Columbia, fiasco avec (l’infernal) Clouzot, dépression post-épuisement, l’important c’est d’aimer, l’important c’est de se
ménager, diverses addictions, avérées ou non, divorce amer, ancien mari
suicidaire, vraie fausse couche, césarienne maousse, puis Biasini, épousé,
séparé, néphrologie pas jolie, atroce accident de l’adoré adolescent, mort qui
interroge encore, sépulture (un peu) profanée, (insipide) biopic de 2018 (beaucoup) alcoolisé : le passage sur Terre de
Romy Schneider procède du mélodrame, propice au dolorisme, mais la femme
(parfois in)fréquentable, l’actrice Eurydice, pléonasme programme d’art
funéraire, il faut s’y faire, méritent mieux que les larmes commerciales de
biographies refroidies. Romy, réduction au prénom, diminutif affectueux,
familial, pas familier, en vérité vécut plusieurs vies, réelles, mises en
scène, en définitive traversa plusieurs pays, l’Autriche, l’Allemagne, la
France, l’Italie, les États-Unis, pas une seule seconde ne perdit de ses
quarante-trois années comptées. Elle déclarait, dit-on, être tout à l’écran,
rien à l’écart, sans un rôle à travailler respirer ne pas pouvoir, au sein d’une
missive à l’amie Simone Signoret, du ciné l’ensemble maîtriser, de l’existence
ne rien savoir, affirmation à la François Truffaut, cinéphilies en reflet,
différenciées. On pourrait certes regretter quelques occasions manquées, collaborations
recalées au côté de Franju, Fassbinder, Granier-Deferre, Lelouch, chiche ;
on pourrait, pourquoi pas, reprocher une poignée d’opus dispensables, censés dénoncer la « brutalité » du
passé, sa persistance in situ, au présent du (sien) temps,
accomplis pour « raisons professionnelles et personnelles »,
admettons, pardonnons, (dé)passons sur ce souci compréhensible et stérile,
puisque crime collectif, massacre mondial, responsabilité partagée, bonnes
intentions de mauvaises fictions.
La confidente confiante, causante,
cassante, au micro (de Jacques Chancel), la copine du « despote »
Luchino, de Coco (Chanel, pas Elmaleh), d’un Piccoli peu piccolo, Hélène,
Sarde, beau duo, d’un Montand molto coco, de Brandt (le chancelier, pas
l’électro-ménager), (Helmut, pas Michel) Berger, réflexif et définitif couple
crépusculaire, Böhm, lui-même idem encanaillé,
vitriolé, auprès de Michael Powell & Rainer Werner, Dietrich (Marlene, pas
Luc), que Żuławski ne qualifiait de cultivée, scolarité catho écourtée, conclue
en équivalent local de notre DNB, sut dès le début, majorité venue, s’affranchir
de fameux (mielleux) contes de fées, à Michael Haneke horrifier, oser, sur
scène, audacieuse comédienne, interpréter la putain de Ford, la mouette de
Tchékhov, Marceau s’y essaiera bientôt, amour braque et braqueur, plus idiot
que Huster, tu meurs. La petite (1, 62 mètre) Boche (vocable de 14-18, de
39-45), tout sauf moche, mit les ogres Preminger & Welles dans sa poche,
star cardinale, Européenne guère procédurière. Magnifiée par une caméra
énamourée, pas seulement celle de Sautet, la sensualité de sa maturité semble
divine, par exemple à proximité d’une piscine, à nouveau l’alliée d’Alain, il
le valait bien, saisie ensuite selon l’objectif complice, jamais salace,
« dégueulasse », à Rosemarie le mot, à Jean Seberg l’écho, d’Eva
Sereny, spécialiste surprise, en partie transalpine. On la surnommait « Puppele »,
pourtant il en fallut, du cran, de surcroît du talent, à la mignonne
« marionnette », afin de se transformer, « face à son destin »,
en effet, en maîtresse experte, de filmographie fournie, à défaut de CV secoué,
afin de poursuivre jusqu’à la fin, comme il faut, le tournage de l’éprouvante
passante, pas si insouciante, de Jacques Rouffio. Adulée par Almodóvar, le
zélateur Ozon, détentrice de Césars, dont une récompense posthume, honneur
suspect, d’abord accordé à la presque pareillement trépassée Pascale Ogier, Romy
dispose aujourd’hui, productrice nostalgie, d’un prix, « espoir » ou
au revoir, de rues, de roses à son nom, d’une étoile berlinoise, d’un timbre
trombine, publicités vintage en
prime, d’une statue, de cire, d’un statut, pas le pire, celui d’une icône,
sinon d’un symbole, métonymie instantanée d’un certain ciné, amante
franco-allemande doublée d’une mater dolorosa de média, personnalité
applaudie, pleurée, à la vie privée en public exp(l)osée, y compris via la photo de trop, camelote de
morgue, obscénité condamnée, condamnable, incomparable au métier mésestimé,
même par la principale intéressée, « je fais ça pour bouffer, vous savez »,
de Nadine Chevalier.
Au-delà de tout cela, du résumé supra, il demeure des films, des prismes,
à travers lesquels, caractérielle, cruelle, existentielle, essentielle, plurielle,
l’apercevoir, vouloir la voir, la revoir, douleur délicieuse au contact de
l’intacte aura, radieuse et
désastreuse. Je ne reviens ici vers Kitty, une sacrée conférence (Weidenmann,
1956), Jeunes Filles en uniforme (von Radványi,
1958), L’Enfer (Clouzot, 1964), La Voleuse (Chapot, 1966), Les
Choses de la vie (Sautet, 1970), Portrait de groupe avec dame
(Petrović, 1976), La Mort en direct (Tavernier, 1980), La
Passante du Sans-Souci (Rouffio, 1981), abordés ailleurs, ni sur ce que
j’écrivais au sujet d’AD, l’agité Andrzej ou le mesuré (Claude) Miller, à vous
de le retrouver. N’en déplaise à Poe, m’inspirent au miroir fantomatique les
femmes vivantes et mortes, peu (m’)importe, les visages paysages, la beauté
(dés)habillée, abîmée, l’intensité enregistrée, réactivée, réappréciée en replay, l’intelligence des sens
au-dessus de l’intelligence du sens, l’acuité des années à la place de la
morale du message. À la fois favorisée, fragilisée, forte, fière, douce, amère,
romantique, mode teutonique, c’est-à-dire mélancolique, sombre, assortie
d’ombres, décidée à détériorer une image mirage destinée aux enfants sages,
songes, mensonges, donc, écrit cru, au propre, au figuré, à baiser, à se faire
baiser, à blesser, à se blesser, indépendance payée de la chance, de la
souffrance, déterminée à de l’innommable, voire de l’infilmable, Lanzmann met
en garde, la merde remuer, quitte à indisposer ses compatriotes à l’amnésie en
toc, jadis déjà courroucés à cause de l’exil (pas que) sentimental assumé, accessoirement
à rendre déments les militants anti-avortement, à sa manière familière et
singulière, aventurière et populaire, la (très) chère Romy Schneider ne
m’indiffère, ne peut que me plaire, me porte, transporte, me perce, transperce.
N’en déplaise à Poe, bis, au Jimmy (Stewart) de Vertigo (Hitchcock, 1958), la nécrophilie, je m’en fiche, je cherche et célèbre la chair, la lumière, la chaleur, l’ardeur, de Romy Schneider, du vrai-faux alter ego appelé Annie Girardot, esquissée par qui vous devinez. Dans Garde à vue (Miller, 1981) sa Chantal sépulcrale chargeait/châtiait par la parole son notaire de mari pas drôle, peut-être pédophile, au bout du couloir, allez (sa)voir, se suicidait d’une balle en bagnole, Seberg, bis, laissant le policier Lino abasourdi, le spectateur aussi. Dans Le Vieux Fusil (Enrico, 1975), sa Clara se faisait violer (en POV) fissa, cramer recta, gamine comprise, ses cris assourdis, silencieux, affreux, ne ramollissaient la meute SS, pétrifiaient le plateau, toutefois, en coda, à vélo, protégée pour l’éternité par la mémoire de Philippe Noiret, médecin esseulé, justicier cinglé, Orphée effondré, accompagnée par le thème immortel de François de Roubaix, elle ressuscitait, souriait, séduisait, bouleversait. Au mois de mai, voici une quarantaine d’années, Schneider disparaissait, s’absentait, paraît-il en train de rédiger d’excuse un billet, ah, Sarah. En février, il convient de ne s’excuser d’écrire le texte que vous venez de lire, d’elle se souvenir, de longtemps (ou pas tant) la chérir, de se réchauffer au clair et obscur foyer d’une femme en forme de flamme, d’une femme de France, d’Allemagne, consacrée, consumée, énigme intime, irréductible, à ce que d’elle l’on sait, omet, relie (relit), oublie, unique, magique, ludique, tragique, inoubliable, indémodable, remarquée, remarquable Romy, oui.
Tellement lumineuse, émouvante, romantique, "l'éternelle magie actrice" de Romy qui traverse mystérieusement l'écran..
RépondreSupprimerUn amour de pluie, un film français de Jean-Claude Brialy réalisé en 1974.
https://www.dailymotion.com/video/xv0yp
https://www.dailymotion.com/video/xae58v
https://www.youtube.com/watch?v=LX6raxFWDqs
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=ijQiZOXCACY
"La Galerie de l’Instant puise dans sa superbe collection pour rendre hommage à l’une des plus grandes icônes du cinéma français disparue depuis 40 ans cette année. Romy Schneider, actrice allemande devenue archétype de la femme française, magnétise toujours autant par la dualité entre son charisme et son charme naturel, et les sentiments d’insécurité qu’elle pouvait ressentir. De somptueux clichés la dévoile entre la magnificence des plateaux de cinéma, et son intimité brute à l’aura tragique."
Quentin Didier
https://officiel-galeries-musees.fr/romy-schneider-en-photos-de-lintimite-au-grand-ecran/
https://www.decitre.fr/livres/romy-a-rome-9783888143878.html#resume
Supprimerhttps://merveilleuseromy.typepad.fr/inoubliableromy/2021/10/romy-schneider-par-eva-sereny-exposition.html