House of Dreams + Desire : Esther
Homme-orchestre du X US, pour partition de saison…
D’une galeriste à la suivante, puisque
après Annie Girardot dans La Proie pour l’ombre (Astruc,
1961), voici Zara Whites dans Desire (Blake, 1991). Un an
auparavant, elle apparaissait au sein de House of Dreams (Blake, 1990), rêverie
domestique au titre explicite, programmatique. Il me semble inutile d’ici
revenir sur le style du cinéaste, sur son imagerie, son parcours, sa
personnalité, je renvoie vite le lecteur et la lectrice, que j’espère
complices, fi de puritanisme, vers ma prose enthousiasmée à propos de Obsessions
cachées (Blake, 1993). Je vais ainsi me limiter à en souligner disons deux
ou trois nouveautés, à l’occasion de ce diptyque dominical, point rectal,
délesté d’analité, doté d’idées, ça change, ça ne dérange. Comme Pialat, Blake
commença par la peinture, qu’il étudia, à laquelle il renonça. Cela se voit,
pendant la première séquence de House of Dreams, tournée en « lumière
noire » très colorée, remarquez la rouge intimité de la principale
intéressée, cela se vérifie via
l’ouverture de Desire, une pensée pour les suicidés Savannah & Jon Dough,
ensuite au cours d’un quatuor en or,
chez un peintre en train de pratiquer ses « anthropométries » à lui,
en piquante compagnie, empreintes en plusieurs teintes, empruntées « à
l’insu de son plein gré » au lointain Yves Klein. Allongée sur un luxueux
et spacieux canapé-lit immaculé, l’héroïne anonyme imite le modèle décapité
d’un fameux Courbet, L’Origine du monde, of course. Placé sous le signe d’une
symbolique humidité partagée, eau de mer guère amère, eau de piscine peu
passive, le tandem amène, musiqué par
le même Rock Hard, magnifie la juvénile et gracile Miss Whites, rêveuse bienheureuse bientôt revêtue de Rêves
de cuir (Leroi, 1992), afin de souffrir, de jouir, avant de se
reconvertir à la TV, cf. l’inoffensive série des Joy, avant de se recycler,
rhabillée, en écologiste parisienne, tendance végétarienne.
Dès l’incipit priapique, House of Dreams identifie onanisme
et narcissisme : Zara, very
active de ses doigts, sort de son propre corps, s’observe, s’adore. La
surimpression ne signifie division, davantage diversion, invitation, à explorer
une féminine sexualité démultipliée, manieuse d’objets, mention spéciale au
coquillage marin, mallarméen, utilisé in
situ, flux et reflux, outil utérin devant un duo lesbien, aux sirènes
délivrées d’un filet, en trio hétéro ensoleillé. L’acmé des accessoires ?
Un masque noir, prolongé par un impressionnant godemiché, pour accomplir entre
filles sylphides du SM d’esthète. Ou un néon, aussi dur qu’un long bâton, à
frotter contre sa toison, à foison, là encore support de saphisme et triolisme.
Chaque porte du conte destiné aux adultes consentants ouvre sur une saynète en
aucun cas suspecte, le mouvement des stores évacue la mort, petite ou grande.
On ressent bien que Blake carbure à autre chose qu’à la « coulure chaude
au creux des reins, du ventre et des seins », dixit la juste et jolie Jacqueline, tant pis pour le pénis prodigue
de Peter North, qu’il laisse à autrui, à tous ceux moins doués que lui, la stérile
gynécologie. Sur le miroir brisé des muses élancées, où contempler son reflet morcelé,
motif graphique, psychologique, repris par la mosaïque anatomique de Desire,
surgit soudain la dear Ashlyn Gere.
Au terme de la masturbation à domicile, esseulée, yeux fermés, de l’aimable
métrage, du mental voyage, le dédoublement vient illustrer drolatiquement le
célèbre « jamais si bien servi(e) que par soi-même », Zara, à nouveau
en stéréo, s’y donne en souriant, audacieuse, malicieuse, un auto-orgasme
d’anthologie. La coda sur le toit corrige le risque d’autarcie, annonce celle
de Obsessions
cachées, sortons du fantasme, à la rencontre de la réalité, met en
abyme la position du réalisateur, mateur pas amateur, franc-tireur pas
exploiteur.
La mutine mutique, actrice,
spectatrice, s’y étonne à peine de son rêve évocateur, dépourvu de sueur –
« What a dream! » – et filme une amie tactile, finit par lui confier
le caressant objectif, histoire non narrative, histoire de se toucher in fine, boucle bouclée de stimulant
solipsisme, puis d’écume métaphorique. On retrouve au générique de Desire
la fashion stylist de House of Dreams, Margaux Chateau, poste
attribué par la fiction à l’opulente et frisée Sandra Scream, responsable de Z
Designs, attirée par Ashley Lauren, grain de peau, grain d’image, horizontal
hommage, cependant le second opus,
lui-même débuté par de l’imagination en action, possède cette fois-ci des
patronymes, Zara Whites y incarne… Zara Whites, une esquisse de récit, de californienne
chronique autobiographique, artistique, lubrique. Comme Hitchcock, Blake
affectionne les freudiens et acrobatiques escaliers, y spatialise deux scènes
de spectacles au carré, se met en abyme, bis,
par l’entremise d’un photographe au plus près de l’épiderme de la sculpturale
Raquel Darrian, de son amant masqué, bis
aussi. Il s’achève à son tour démuni de mains masculines, alors que la voix off formule in extremis un hédoniste aphorisme :
« La vie, sans érotisme, serait un désert », on opine, on obtempère. En
résumé, (re)voilà du cinéma méta, des plumages presque sans ramages, assurément
sans outrages ni enfantillages. En ces temps assez désolants de « sans
contact » patraque, de dépression pandémique, de récession économique, de
terrorisme médiatique, d’impuissance démocratique, House of Dreams + Desire réchauffent
la rétine, n’incitent à la déprime, à la débandaison, à la démission. La beauté
des corps, des accords, des décors, y demeure à l’abri d’une demeure dénommée
ciné, à l’écart du vide des regards, de leur désespoir, de leur gêne anxiogène.
Doit-on en déduire que la
pornographie d’autrefois nous sauvera ? On n’ira pas jusque-là, on se
contentera de saluer avec sincérité un doublé d’ouvrages d’un autre âge, au
mépris de la nostalgie ou de la jalousie. D’une Esther à la suivante, puisque
après Esther Williams, ses ballets aquatiques, de sportive chorégraphique,
voici Esther Kooiman, aka Zara, sa
séduction naturelle, espiègle, de star
express, de performeuse éphémère, de naïade
à demi-néerlandaise, depuis longtemps maman, retirée des écrans. Femmes
fréquentables, faisons-en le pari, femmes d’hier et d’aujourd’hui, à la
Baudelaire, à la Botticelli, ondines amusantes, méritantes, limpides et
magnanimes, qui surent, à l’instar de leurs consœurs de corps et de cœur,
éclairer la nuit infinie d’une certaine cinéphilie, pas seulement masculine.
N’en déplaise à la décision gouvernementale de fermeture infernale des
indispensables salles, à l’extinction de pacification des parfois épuisantes
pulsions réclamée par l’austère Schopenhauer, le Désir ne cesse de ne pas nous
nuire, de nous divertir, de nous ramener à nous-mêmes, au(x) sens de
l’essentiel, tandis que la maison des songes, désormais délocalisée, n’accumule
les mensonges, soigne un instant tous les maux qui rongent, obligent à jeter
l’éponge. Vivo Zorro, défenseur des prolos ? Défenseuse de nos droits,
viva Zara !
A White Shade Of Pale NY Stories https://www.youtube.com/watch?v=Oy7rgo4OjIE
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=ojf2YEdf-YY
SupprimerAh, Rosanna, et sa cicatrice à la cuisse dans Crash, nouveau vagin via un volant violent...
Sur un autre artiste :
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2016/04/pollock-ivre-de-femmes-et-de-peinture.html
https://www.youtube.com/watch?v=9OQ45YJbeyk
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=8EdxM72EZ94
SupprimerLaissez passer les rêves (Clip officiel)
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=070w6mPhfzw
https://www.youtube.com/watch?v=XgAjPqOORt4
SupprimerRive Droite, Rive Gauche 1984, "(Michel Berger n'a laissé aucune partition, celle-ci est toujours restée introuvable en laissant aucun espoir de la retrouver un jour")
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=1ax2uXqSjXs
"Michel Bernholc est très présent auprès des artistes de la jeune chanson française pendant les années 1970 et 1980, eux-mêmes souvent auteurs ou compositeurs, ou de grands interprètes. Il écrit un grand nombre d'orchestrations et souvent des disques entiers avec notamment Michel Berger, Véronique Sanson, Françoise Hardy1, France Gall1, Michel Jonasz, Catherine Lara, Julien Clerc1, Jean-Jacques Goldman1, Alain Chamfort, Claude François, Michel Sardou, Gilbert Bécaud et Michel Delpech." https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Bernholc
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=lbluhzI3888
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=Y0lofNLiZZw