Tant qu’il y aura des hommes

 

Inertie ou énergie, jadis ou aujourd’hui, un et un ou cinq contre un… 

Souviens-toi : dans Victor Victoria (Edwards, 1982), Garner, lui-même vrai-faux gangster, réaffirmait sa masculinité (peu) menacée, parmi le « gay Paris », ses travestis, grâce à une grande bagarre. Dans Nobody (2021) et Invincible (2015), la virilité se donne à voir, pareillement, différemment. Le Zampano de Federico s’effondrait in fine (La strada, 1954) ; le Louis Zamperini d’Angelina Jolie résiste, la lourde poutre hisse, crie de rage, dévisage l’adversaire, ne se laisse faire, même à terre, gagne le duel inégalitaire, son calvaire vite devenu spectaculaire, populaire, en plein air. Une trentaine d’années après Furyo (Ōshima, 1983), revoilà un combat, encore entre un Anglais, un Japonais, Miyavi autant musico que Sakamoto, à l’homoérotisme modéré, non plus improbable et impossible baiser pédé, mais onirisme de souvenir ensoleillé, paradis perdu du prisonnier battu, pas abattu. L’actrice chouineuse de L’Échange (Eastwood, 2008), idem dérivé d’un fait divers, d’un fait d’hier, dirige avec doigté le dégraissé, sculpté, Jack O’Connell (Eden Lake, Watkins, 2008 ou Harry Brown, Barber, 2009), la meute des mecs, christ laïc de public mutique. Sa réalisation précise, impressionniste, semble suivre le classicisme de Clint, bénéficie d’un script coécrit à quatre scénaristes, pas les plus amateuristes, puisque opus de Richard LaGravenese (Sur la route de Madison, Eastwood, 1995) & William Nicholson (Gladiator, Ridley Scott, 2000), supervisé ou retravaillé par le couple Coen, tandem d’Ethan & Joel. Le DP Deakins éclaira un paquet de leurs films et un second biopic, davantage bouddhique, à savoir le Kundun (1998) de Scorsese. Quand à Desplat, sa musique souligne en sourdine l’héroïsme de cette histoire de regard(s) et d’« incassable » coureur doté d’un courageux cœur. Six ans à la suite du dispensable exercice de style Hardcore Henry (2015), grosso modo, jeu vidéo, POV à satiété, testostérone qui dégomme, cyborg à la gomme, le sieur Ilia Naïchouller, par ailleurs chanteur et clipeur du côté de Noé, cf. l’assez drôle Control, revient via un « moins-que-rien », comme le renommèrent nos québécois cousins. Cogitée, chorégraphiée, découpée, interprétée, de manière remarquable et remarquée, non démunie de réalisme ni d’ironie, sa baston en bus aussitôt séduit. Dialoguant à distance avec A History of Violence (Cronenberg, 2005), le portrait d’un époux et d’un père a priori insipide, piégé par la routine, en réalité révélé ancien assassin, de stress post-traumatique atteint, à la solde d’agences d’influence, désormais désireux d’exercer son savoir-faire, sinon son « addiction », comporte d’autres affrontements à main armée, molto musicaux, over the top, point camelote, cependant la séquence en question les surpasse, because sens de l’espace, du détail final, trachéotomie au couteau et à la paille, il fallait y penser, « du désordre désolé ». Deux femmes en reflet assistent donc, sidérées, à une castagne magistrale, espérée, prière intériorisée. Portée par un Bob Odenkirk impliqué, entraîné, au sourire aussi explicite que les lyrics, escorté du spécialiste suisse Daniel Bernhardt, il se casse une dent à l’écran, du chef opérateur Pawel Pogorzelski (Hérédité, 2018, Midsommar, 2019, doublé d’Aster), la dérouillée carbure à la catharsis, à la revanche de la vieillesse, à l’humour de l’« arrêt demandé ». Hutch traverse la vitre, se relève, (les) achève, se sert du sac de la passagère, évite le revolver et s’en va, ça va.


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