Ne vous retournez pas : Un mois de cinéma

 

Des films, des films, des films… Frime futile ? Exil utile !

  • Avec la peau des autres (Jacques Deray, 1966)

Dirigé par le solide Deray, voilà le valeureux Ventura à Vienne, selon cette version sérieuse des Barbouzes écrite par Giovanni, bis, à partir de Perrault cependant dépourvu de pull-over (rouge). Si les belles Ellen Bahl & Marilù Tolo ne font que de la figuration, les premiers nous le regrettons, Bouise, suicidé via une vitre, sauve la mise du métrage d’un autre âge, idem musiqué par Michel Magne, en composant un espion à soupçon(s), un père d’adoption, sur le départ, hélas bien trop tard.

  • La Balance (Bob Swaim, 1982)

Avant d’être le braqueur masqué de L’Amour braque, Karyo fracasse et met Pagny au tapis, descend un second flic, se fait dessouder en souriant ; son supérieur de malheur, élégant Ronet en caïd cuistot, traqué, exécuté, d’une bastos dans la bouche, sème ainsi sa némésis nommée Berry ; la force de Baye, la fragilité de Léotard confèrent au policier surfait, fissa dépassé, à l’américaine, du sieur Swaim, sa dimension sentimentale, fatale, quasi à la Carné.   

  • Bataille au-delà des étoiles (Kinji Fukasaku, 1968)

Au creux de la co-production américano-japonaise assez désargentée, des maquettes obsolètes, du jargon abscons, un survival convenu ; mais encore une culpabilité décuplée, un conflit de commandants, un convoi de créatures électriques, une quarantaine guère sereine, en sus du suspense sentimental ; Fukusaku dynamise sa battle royale spatiale, magnifie Luciana Paluzzi, immortalise un tandem mortuaire de meilleurs ennemis stellaires.

  • Le Boucanier des îles (Domenico Paolella, 1963)

Les pirates de Paolella valent davantage que ceux de Polanski, en dépit d’une coda œcuménique, voire conservatrice ; bronzée un brin, « outrage » d’un autre âge, Marisa Belli séduit ; sinon, ce mélodrame familial, « interracial », doucement SM, dont la séquence des plantes carnivores, risible, sublime, mérite à elle seule l’exhumation de saison, constitue un clair diptyque avec le contemporain, sympathique, de pareille équipe, L’Île des filles perdues.

  • Les Caïds (Robert Enrico, 1972)

Ratage d’Enrico où Reggiani se déguise en Cruchot, où Constantin & Bouise succombent dans une banque cambriolée, où Berto & Bouchitey jouent les desperados post-Mai 68 ; Herrmann, impitoyable, disait à propos du Jardin du diable que sa musique ne pouvait ranimer un cadavre : CQFD avec les thèmes du très regretté François de Roubaix ; cavale vraiment contemporaine de Guet-apens + fusillade finale of course piquée à Bonnie et Clyde.

  • La Chamade (Alain Cavalier, 1968)

Vain vaudeville à vouvoiement selon la sociologue Sagan, sauvé par le talent de Deneuve, l’élégance de Cavalier, la valeur d’un compositeur nommé Maurice Le Roux ; davantage passive, dépressive, qu’Alexandre le Bienheureux, glandeur malicieux, contemporain plus serein, l’héroïne juvénile, oisive, travaille, avorte, s’en va, revient ; une vraie-fausse satire sortie après les événements du printemps 68, où Piccoli à nouveau séduit, sinon bouleverse.

  • Les Chemins de Katmandou (André Cayatte, 1968)

Spécialiste du sociociné, Cayatte conclut comme le Schroeder du simultané More : à la désillusion idéologique de Mai 68 succède l’asservissement de la came ; bientôt fable de Barjavel, ce mélodrame sentimental, où Serge traficote en mode Malraux, drogue/viole Jane qui se défenestre, fichtre, par ailleurs opus œdipien, oppose aux maux du monde l’amour médical et l’humanitarisme messianique, amen ; saluons Mesdames Audret, Dahl, Martinelli.

  • Chino (John Sturges, 1973)

Produit par Dino De Laurentiis, ce film méconnu attribué au solide Sturges offre à Bronson un rôle de père par procuration, à Bozzuffi celui d’un propriétaire par circonscription ; au menu, anticapitalisme, antiracisme, féminisme, « révisionnisme », christianisme et donc une dose de dolorisme, mince ; rien de renversant ni de déplaisant, pas même le vrai-faux viol mimétique de la regrettée Jill Ireland ; en coda demeure l’indépendance amère, si solitaire…

  • La Dernière Caravane (Delmer Daves, 1956)

Western antiraciste s’autorisant cependant à suggérer un massacre indien de chrétiens ; inspiré par le paysage spectaculaire, Daves rivalise presque avec Mann en matière de sens de l’espace ; Widmark à nouveau se remarque en veuf vénère, quasi christique, en conducteur de convoi unioniste, bien escorté par un casting choral ; le procès en épilogue s’apparente à une leçon de justice sereine, à l’américaine, formulation du trauma surmonté.

  • Des frissons partout (Raoul André, 1964)

La bagarre aux bains ne saurait certes faire de l’ombre à celle des Promesses de l’ombre, ni le rafistoleur de face affoler celui de Franju, pourtant ce petit polar rigolard se laisse voir/découvrir avec plaisir, car Constantine séduit et divertit, avant d’être réinventé par Alphaville ou von Trier ; bien dialogué, bien éclairé, le métrage d’un autre âge ne s’avère jamais naufrage ; leçon de déclinaison du même thème musical par l’aimable Michel Magne.

  • Deux bonnes pâtes (Sergio Citti, 1979)

Film infime néanmoins pétri d’une tendresse transalpine, c’est-à-dire ludique et triste ; l’item méconnu s’accorde à notre modernité, peut s’apprécier en parabole d’homoparentalité ; sinon, il s’agit d’une fable/farce philosophique, à la moralité/manière douce-amère ; à travers les décennies, le partenaire de Pasolini cartographie une Italie triviale, infernale, comique, mélancolique, aux nuits de giallo éclairées par Ruzzolini en maestro ; l’anniversaire du presque centenaire, le suicide en duo, cristallisent les contrastes ; Gassman & Noiret, tandem jamais cabotin, anciens orphelins en effet bons comme le pain…

  • Le Far West (Jacques Brel, 1973)

Opus utopique, drolatique, mélancolique, où Brel, comme bientôt Eastwood avec Bronco Billy, conduit/construit une communauté tourmentée ; le vrai-faux western rempli de tendresse, de détresse, assume sa sentimentalité, s’autorise à la satire, contre le cynisme des seventies ; libre, précis, superficiel, anémié, ce second essai, après le tout aussi dépressif Franz, consigne un échec davantage qu’il en constitue un ; et chanson-titre programmatique.

  • La Fille des Tartares (Remigio Del Grosso, 1961)

Après un prologue pacifique en forêt familiale, ce plan superbe, un brin fordien, parmi le vrai-faux western pas si manichéen, malgré son prosélytisme chrétien : surcadrée par une porte, la horde mongole à canasson à l’horizon ; scénariste fidèle de Ferroni, Del Grosso signe son seul film de vrai cinéaste polissant chacun de ses plans, divertissement italo-français plaisant et soigné, qui retransforme Ursus en Polonais, qui anoblit la belle Yoko Tani.

  • Le Fils de Kong (Ernest B. Schoedsack, 1933)

Suite insolite ? Déclinaison d’occasion ? Dommage, davantage. Car ce Kong-ci, pas si con, plutôt conte de maternité/paternité par procuration, toujours méta, même sans caméra, encore mâtiné de féminisme soft, merci à la scénariste, désormais d’humour doté, carbure maintenant au communisme, à la culpabilité, à la complicité ; la scène des singes savants déplaira à la SPA, pourtant elle rend presque ce divertissement bouleversant, très troublant.

  • Les Hommes (Daniel Vigne, 1972)

Le cinéphile corse et marseillais sourit souvent à ce Borsalino bis, à cette sorte de Clan des Ajacciens. Mais le tandem Constantin & Bozzuffi séduit, comme la voix de Ncoletta, tandis que la beauté de Nicole Calfan, son talent, irradient chaque plan. Deux bonnes idées de ciné : les clopes de caveau, l’assassinat d’artifice. Fi de « fatalité », de massacre masculin : l’exécuteur tourmenté, manipulé, embrasse l’ami mort, défaille face au fratricide fraternel.

  • Le Juge Fayard dit « Le Sheriff » (Yves Boisset, 1977)

Dommage pour Dewaere, tant pis pour Bozzuffi, trop tard pour Léotard : si Sarde assure, Boisset bousille son portrait, bidouille un thriller interminable, aux allures de téléfilm cacochyme ; incapable de faire du cinéma politiquement, il fait donc du ciné supposé engagé, pseudo-politique, à fissa transformer Costa-Gavras en styliste lucide ;  coda concon…

  • Lepke le caïd (Menahem Golan, 1975)

Appliqué biopic consacré à un caïd sémite, in extremis exécuté sur la chaise électrique ; ni Rosi (Lucky Luciano), ni Leone (Il était une fois en Amérique), Menahem Golan arrive à humaniser « un consortium » de gangsters juifs et italiens, caricature cohérente, condamnée, du capitalisme US doté d’une justice assassine ; encore remarquable, Curtis presque égale ses performances mémorables, dramatiques, chez Fleischer & Mackendrick…

  • Liés par le sang (Terence Young, 1979)

La dear Audrey retrouve le mésestimé Terence selon un whodunit économique, cosmopolite, en surface pharmaceutique, un peu soporifique, au casting très hétéroclite ; seule dans la nuit désormais sarde et mâtinée de snuff movie, elle démasque James Mason en émule de Mark Lewis, en obsédé de L’important c’est d’aimer, tandis que l’intitulé anglais désigne la lignée, le lacet ; générique esthétique, macabre féminin magnifié par Morricone...

  • Monte Walsh (William A. Fraker, 1970)

Une évocation very seventies, donc drolatique et mélancolique, de l’Ouest finissant, quadrillé au propre, au figuré, par le « capital » des « comptables », ms en scène par les bonimenteurs ; chez Peckinpah, on se massacre avec maestria, ici, on se suicide, licencie, abat ses amis ; DP doué, Fraker dirige de façon solide un beau duo ; Moreau & Marvin émeuvent et Barry signe une chanson-titre chaleureuse, ironique, magnifiée par Mama Cass. 

  • Les Petits Matins (Jacqueline Audry, 1962)

Le road movie drolatique de Madame Audry tourne vite à vide et en rond, dommage pour l’abattage d’Agathe Aems le conduisant au figuré, presque au propre ; défilé d’acteurs connus flanqué de féminisme soft, documentaire collatéral sur une certaine France du début des années 60 introduit par une chanson à chichis d’Aznavour & Garvarentz, voici donc une série suspecte de saynètes simplettes, obsolètes ; sorry pour Arletty, préférons Le Fanfaron.

  • Les Repaires de la jungle noire (Luigi Capuano, 1964)

Puisque Spielberg rien n’inventa avec son Indiana, voici un autre temple maudit venu d’Italie. Cinq années après Les Étrangleurs de Bombay du sieur Fisher, le prolifique Luigi Capuano retaquine les Thugs, Kali et compagnie. L’élue qui (se) désespère, enlevée à son père, ressemble un peu à La Prisonnière du désert, toutefois le tigre domestique s’anime moins que celui de Lang au Bengale. En résumé, du ciné BD assez soigné, inspiré par Salgari, en partie teuton, d’où la schöne I. Schöner.

  • Le sable était rouge (Cornel Wilde, 1967)

Avant Spielberg et son soldat à sauver, avant Eastwood et ses épistoliers japonais, Cornel débarque sur du sable ensanglanté, portraiture la peur, humanise l’ennemi ; s’il possède pertinence et puissance, l’opus oublié, sorti en plein ravage vietnamien, plaidoyer pacifiste d’un (avocat) acteur producteur réalisateur, s’avère plombé via des voix off invasives, des retours en arrière ridicules, des (arrêts sur) images (mentales) d’un autre âge, ah dommage… 

  • La Scoumoune (José Giovanni, 1972)

Giovanni double Becker, s’essaie à la fresque criminelle, sur deux décennies. Face à un Belmondo en mode automate, Constantin s’avère assez excellent, en accusé innocent, en amputé désespéré. Entre ce duo sans trémolos, de tueurs, de démineurs, d’amis maudits, l’impeccable Claudia Cardinale porte une perruque rousse, des bas noirs, sourit à son premier cheveu blanc, console Andréa Ferréol, déguste avec Depardieu. De Roubaix magnifie la tragi-comédie un brin désincarnée.

  • La Seconde vérité (Christian-Jaque, 1966)

Produit par Agnès Delahaye (Gervaise ou Pickpocket), ce titre d’un amateur de tulipe (à Fanfan pour Philipe, noire selon Delon) nous ramène au tandem par Borderie adoubé (Angélique, Marquise des anges), se caractérise par une accumulation de plans débullés ; Michèle Mercier se déguise en Jean Seberg, Robert Hossein enquête sur lui-même ; à Dijon, dépression à l’unisson, un mélodrame d’amnésie assez sympa, avec coda à la Anna Karenina.

  • Un nommé La Rocca (Jean Becker, 1961)

Giovanni by Becker, dont le béhaviorisme un brin bressonien, presque paternel, déplut tant au romancier/dialoguiste qu’il décida de s’auto-adapter une dizaine d’années après, avec le médiocre La Scoumoune ; film de faits, de méfaits, de femmes sacrifiées, de mecs malhonnêtes, celui-ci en sourdine et davantage séduit, documente le délitement d’une amitié indeed minée ; adoubons le beau boulot du dirlo photo Cloquet, du cadreur Lhomme.

  • La Vendetta (Jean Chérasse 1962)

Encore des cagoulés, pas ceux du FLNC, ni ceux de « l’enchaîné », juste une procession d’introduction. Tourné cette fois-ci in situ, contrairement aux Hommes, gangsters ricains en commun point, ce divertissement d’antan cite Mérimée, évacue les ravages de la vengeance, adoube de Funès en « bandit d’honneur », quel honneur. Le cinéaste dédie l’opus oublié, co-produit par la rivale Italie, à son épouse insulaire, souhaite le statu quo, aère aussi le studio.

  • Le Voyou (Claude Lelouch, 1970)

Lelouch débute à la Demy, inverse la chronologie, comme pour masquer via le renversement de temporalité la stupidité de son exsangue histoire digne d’un roman de gare (Montparnasse) ; cet opus de couples, avérés ou de ciné, possède pourtant de ses multiples interprètes le charme sinon le talent, l’allant ; bonne BO de Lai, n’en déplaise au Distel live

Commentaires

  1. Merci pour ce bel hommage au cinéma de jadis plus ou moins grave et pas si futile que ça...Certains films qu'on dit "ratés", infimes,
    ne manquent pas de panache, Far West, Deux bonnes pâtes,
    la musique de Michel Magne et de Roubaix a magnifié nombre de films,
    "le tandem Constantin & Bozzuffi séduit", oh que oui !

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    1. Merci à vous, pour tous vos passages pertinents, précis, d'hier, d'aujourd'hui...
      Au cinéma, le temps n'existe pas, il ne cesse de ressusciter, présent (et présence) du passé...
      Magne mit un terme définitif à sa musique, à sa vie, explicite paraphe de fraternelle mélancolie :
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2014/08/le-feu-follet-les-musiques-de-michel.html

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  2. A voir ou revoir pour la beauté de l'ile.... Pierre Granier-Deferre, Le Fils (1973) Yves Montant, Lea Massari, Marcel Bozzuffi https://www.youtube.com/watch?v=bfUAKAFm0Uk&list=LL&index=1

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    1. http://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2021/12/les-freres-corses.html

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