Satan, mon amour : Le Diable par la queue
Satan l’habite en musique…
Elle ne porte rien
D’autre qu’un peu
D’essence de Guerlain
Dans les cheveux
Serge Gainsbourg
« Dieu n’est plus à la
mode » explique Paula, donc Hollywood produit d’innombrables diableries,
dont Rosemary’s
Baby (Polanski, 1968), L’Exorciste (Friedkin, 1973), La
Malédiction
(Donner, 1976), sacro-sainte trinité à succès mérité, ou ce méconnu, presque
confidentiel, Satan, mon amour
(Wendkos, 1971). Géniteur des Envahisseurs, Quinn Martin s’y
colle, troque la possession contre une invasion. S’il conserve la gloire noire
du pacte faustien signé par Cassavetes en débutant comédien, son héroïne
anonyme, malmenée, lucide, prise pour une cinglée, le métrage d’un autre âge ne
reprend la pédophobie en métaphore de conflit générationnel, se déleste de la
dimension politique au profit du romantique. Une « histoire de
fesses » à Los Angeles, comme le résume de manière pragmatique, triviale,
l’amie de l’épouse trompée, de la mère endeuillée, de la suicidée en mode
Marat ? Oui et non, car La
Valse de Méphisto, titre en VO, salut à Liszt, s’avère avant tout un
sommet mineur de romantisme, davantage qu’un petit précis de satanisme, tombé
dans l’oubli de l’amnésie cinéphile. Myles & Paula, Duncan & Roxanne :
les deux couples différents, ressemblants, se reflètent et s’affolent au cours
de leur course folle vers l’unité, l’éternité. Ici, l’infanticide obéit à un
principe impitoyable – la passion ne se préoccupe pas de procréation. Du
vaudeville à la démonologie, il suffit d’une paire de mains remarquées,
remarquables, illico au piano, d’un
indécent baiser incestueux donné en public lubrique, parmi une party au bord de l’orgie, où fêter la
nouvelle année masqué en animal, comme jadis selon Judex (Franju, 1963). Du
masque surréaliste au masque mortuaire, il suffit (de respirer par une paille)
de s’y faire, de laisser faire Lucifer, ou sa servante excitante.
Le chien malin, du Malin, de Faust,
Méphistophélès sans laisse, assiste aux débats, non aux ébats, des chattes en tandem se disputant le même maître, le
même corps de l’intervieweur, colonisé par l’esprit de l’interviewé. Vendre son
âme, Madame, vaut quelques avantages, par exemple manoir avec domestique et
Rolls Royce au phare brisé par tactique. Myles étudia la musique à Julliard, se
recycla fissa en journaliste spécialisé, en écrivain vite raté. Le changement
de situation, de caractérisation, le rend diablement attirant, autant que
dangereux, mon Dieu. Pour le retrouver, le regagner, Paula ira jusqu’à invoquer
l’Adversaire, éloquent instant d’invisibilité sonore, l’ombre du prince enténébré
recouvrant le visage éclairé, effrayé, transfiguré, de Mademoiselle Bisset,
jusqu’à se sacrifier, investir, victorieuse, malicieuse, l’enveloppe de la
rivale vaincue. Satan, mon amour s’achève sur les amoureux monstrueux,
merveilleusement enlacés, cernés par le cercle infernal d’un travelling circulaire. Nous voilà donc,
à nouveau, dans Vertigo (Hitchcock, 1958), point commun de San Francisco,
escale de tournée, autre relecture mélomane et « maléfique », je
renvoie vers l’analyse religieuse de Jean Douchet, des noces d’Éros &
Thanatos, Bernard Herrmann aux faux airs de Wagner. Venu de puis retourné à la
TV, Wendkos, point rosse, guère virtuose, conjure le téléfilm de luxe, écrit
par le blacklisté Ben Maddow (Quand la ville dort, L’Équipée
sauvage ou Johnny Guitare), scoré par Jerry Goldsmith en émule de
Stravinski, sur lequel Myles écrit, à coup de fisheye, de gélatine sur l’objectif, de zooms avant, de ralenti joli, de plans dits débullés, de montage
parfois syncopé.
On s’ennuie certes un peu, cependant la
chère Jacqueline, parfumée au Shalimar, piégée en plein cauchemar, fait de son
mieux, séduit notre cerveau, notre cœur et nos yeux, face à la pertinente Barbara
Parkins (La Vallée des poupées), au solide Alan Alda, à Curd Jürgens en convaincant
body snatcher non-fumeur,
accessoirement leucémique. La marque bleue rend malade, malheureux, le musico
reste dans la peau, l’existence dépasse les apparences, en joue, à vous rendre
jaloux, moralité mélancolique et ironique d’un film assez sympathique, parsemé de
miroirs, débuté au creux de l’un d’eux, surcadrant un homme et une femme au
lit, à moitié endormis, sur le point de traverser la glace, sa perfection
fragile, voire illusoire, histoire de sonder le désespoir et, in extremis, une forme d’extase lyrique,
orgasmique, ne me délivre surtout pas du Mal mais rejoins-moi, serre-moi dans
tes bras, étrangère familière, schizophrène amène, femme en flammes et Eurydice
ressuscitée par artifice, celui de Sa Majesté mouchée, amourachée, du laïc,
mécanique et magique ciné.
Musique dans la peau, ballade de forçat, Michel Colombier qui orchestrait et composait pour Gainsbourg, la chanson du forçat
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=_wwXQe9vugI
ma mère qui connaissait bien à l'époque les parents de Michel Colombier et sa compagne de l'époque dont elle était l'amie, m'a rapporté que tous disaient de Michel Colombier qu'il faisait tout le job à ce moment-là pour pas mal de compositeurs qui ne lui rendaient pas hommage, il en a un jour eu marre et s'est expatrié aux Usa...
Le travail de Jean-Claude Vannier demeure encore à réévaluer, même si un spécialiste de la "musique de film" sur disque, nommé Stéphane Lerouge, le premier le reconnaît, le formalise.
SupprimerMerci, à nouveau, pour vos souvenirs (de VIP), mélomane Jacqueline !
Comme Delerue après lui, eh oui...