The Beast in the Cellar : 1917
Hostilités domestiquées ? Folie fraternelle…
James Kelly écrivit pour la TV,
dirigea deux titres au ciné, décéda dans sa quarante-septième année. Mal reçu à
sa sortie, par la Tigon produit, société classée spécialisée, des plus connues
Amicus & Hammer au côté, The Beast in the Cellar (1970) ne
manque de qualités, mérite quelques lignes. Disponible en ligne, visionné en VO
non sous-titrée, practise your English, please, ce mélodrame à deux dames, davantage
qu’à deux balles, constitue donc un huis clos, tout sauf falot, s’affirme en
fable assez affable, à propos de passé qui ne saurait passer, plutôt trépasser,
« poor thing », en effet. Tandis que des bidasses en série se font
fissa décimer, que la police enquête, un peu perplexe, au sujet d’un « human
animal or animal animal » s’interroge, dialogue guère morose, concentré
d’humour macabre anglais, déroulé au-dessus d’une dépouille dépiautée,
cependant invisible, puma ou léopard, à vous de voir, surtout au Lancashire,
deux sœurs, certes pas celles-là de Brian De Palma (Sisters, 1972), affichent
un fétichisme d’uniforme, en sus se soucient de céleri, dissimulent à dessein,
ou dénient, jadis enjolivent, un secret à domicile, yes indeed. Huit ans
après, voici par conséquent une resucée de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?
(1962), mémorable catfight de Joan
Crawford & Bette Davis, sous la houlette carnavalesque, volontiers
grotesque, du sarcastique Robert Aldrich ? Not at all, car ne caracole le crêpage de chignon à la maison,
auquel se substituent, maintenant et ici, durant du dernier tiers le révélateur
récit, une commune mélancolie, une guerre intestine, un conflit intime, en
réponse de réalité entravée, ensuite vite évadée, aux beaux exercices initiaux, à l’entraînement
en plein champ.
L’enfer, on le devine, se pave
d’intentions positives, et Joyce & Ellie agissent ainsi, depuis trente interminables
années, autant dire une éternité, pour le bien supposé de leur frère emprisonné,
presque à la Poe emmuré, puisque Steven seul au sous-sol, au rez-de-chaussée
résident encagées quelques bestioles, il ne devait au second front partir, le
triste sort du père, lui-même à jamais en mal transformé par la Grande Guerre,
reproduire, c’est-à-dire à elles et à lui en définitive nuire, my dear.
Cause involontaire du trépas consécutif, rapproché, de sa mère, maltraitée par
son papounet traumatisé, en France affolé, en Angleterre rentré, « la bête
de la cave », métaphore zoophile à la Buffon & Darwin, assortie d’une architecture
freudienne, of course, cristallise
une catastrophe contaminée, importée, incorporée, un « retour du refoulé »
sous la forme d’un corps quasi
méconnaissable, pathétique spécimen d’une monstruosité « humaine, trop
humaine ». A contrario du
contemporain L’Enfant sauvage (1970) de François Truffaut, autre item préoccupé d’éducation,
d’instruction, de socialisation, The Beast in the Cellar donne à voir
comment se cogite la sauvagerie, comment, au nom de l’amour familial, se saccage
une vie juvénile au final. À sa mesure mesurée, de masculinité très tourmentée,
sinon émasculée, tant pis pour le flirt
inoffensif de l’infirmière philosophe et du caporal amical, il anticipe Les
Proies (Don Siegel, 1971), où le sudiste Eastwood succombait, de
surcroît amputé, à un excitant puis excité gynécée. Bourreau et victime, le
fils indigne parvient à pénétrer parmi la chambre de sa sœurette alitée, paraît
vouloir avec elle ses comptes régler, pourtant n’aspire qu’à saisir un portrait
encadré, du paternel dément et adoré, qu’il déchire de ses sombres ongles en
griffes pendant son dernier soupir, en pietà de coda, précisant l’œdipienne
portée de l’opus.
D’abord drolatique et in extremis tragique, doté d’un aimable main title
mélodique, au lyrisme sexué sensé, assumé, composé par Tom Macaulay, le film à
limité budget contourné, cf. les
illustrations sépia, le son des combats, du méconnu James Kelly,
cinéaste-scénariste, bénéficie aussi d’une direction de la photographie soignée,
dédoublée, due au tandem de Desmond
Dickinson (Hamlet, Laurence Olivier, 1948 ou La Tour du diable, Jim
O’Connolly, 1972) & Harry Waxman (The Wicker Man, Robin Hardy, 1973 ou
Quand
la Panthère rose s’emmêle, Blake Edwards, 1976), appréciez au passage
la profondeur de champ des pièces principales en enfilade, de la direction
artistique discrète et chic de Roger King (Get Carter, Mike Hodges, 1971
ou Hardcore,
Paul Schrader, 1977), et bien sûr, last
but not least, de l’interprétation impeccable de Beryl Reid & Flora
Robson, « sweet old ladies » coupables et complices, que les actrices
de Star!
(Robert Wise, 1968) ou du Docteur et les Assassins (Freddie
Francis, 1985), du Narcisse noir (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1947)
ou du Choc des Titans (Desmond Davis, 1981), transcendent à l’aise, via un sens et une science de
l’éloquence et du silence, dignes d’estime, voire irrésistibles. Ni téléfilm
gérontophile, ni théâtre patraque, The Beast in the Cellar identifie un
réalisateur attentif, précis, impliqué, dont on sent à chaque instant, à chaque
plan, que l’intérêt, la sensibilité, se situent en direction de l’émotion plus
que de la sensation, qu’importent le gore
versé, la culotte ôtée, éléments mineurs d’un cahier des charges d’outrages
respecté, dépassé. Amusant, attristant, mobile, modeste, Le Monstre des oubliettes,
intitulé français mensonger, obsolète, s’apprécie, en résumé, comme conte de
culpabilité, impose le prix de l’impossible amnésie à payer, creuse (un tunnel
providentiel) une symbolique béance sous la britannique bienséance, pratique
itou, fi du fameux « thé ou café », l’eau lestée de cachets.
Si les massacres mondialisés
appartiennent à présent au passé, affadis en soft monographies, en légendes d’antan, bientôt dépourvues de témoins et de survivants totalement, le cinéma, pas seulement celui dit horrifique,
psychologique, en conserve la trace intacte, ses « effets spéciaux »
de maquillage en matérialisent les effets collatéraux de dommages. À chacun et
chacune son enfer de la guerre, maladie sévère, incapable de s’en défaire, The
Beast in the Cellar dès lors en discussion de déréliction avec Le
Mort-vivant (Dead of Night, Bob Clark, 1974),
consacré de son côté aux ravages du Vietnam, Mesdames.
“La victoire se définira davantage en termes de capture du terrain psycho-culturel plutôt que géographique.”
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https://iatranshumanisme.com/2021/10/17/guerre-cognitive-le-cerveau-sera-le-champ-de-bataille-du-21e-siecle/
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