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Affichage des articles du mai, 2016

Moderato cantabile : Illusions perdues

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Godard n’en ratait pas une et lui fit un clin d’œil en chair et en os dans Une femme est une femme (loué sur ce blog ) : chantons donc, immodérément, les louanges d’un météore d’amour à mort…  Hasard du présentoir, deux euros et deux heureux (votre serviteur-marcheur, le bouquiniste-photographe) ; sur la couverture, Jeanne Moreau et Belmondo dans l’adaptation – pas vue, pas vraiment pressé de la voir, au vu d’un extrait en ligne – par Peter Brook ; avant de partir, une petite conversation sur l’auteur, sa fameuse face à lunettes sur une revue défunte, la rareté, pour ne pas dire l’absence totale, de ses films en DVD. Signe(s) des temps, chantait feu Rogers Nelson, temps des signes du roman d’alors, étiqueté nouveau, pas même moderne, comme si la nouveauté vouait à l’autodafé ce qui se faisait jusqu’à elle (l’omniscience, la conscience, l’histoire, l’évasion, la séduction, pour aller très vite). Marguerite Duras et sa réputation « duraille », les moqueries de Desproge

Amour : Gerontophilia

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Suite à son visionnage sur le service Pluzz de France Télévisions, retour sur le titre de Michael Haneke. Assez chambré par nos soins pour sa finesse éléphantesque (sauvagerie scolaire et quasi complaisante de l’espèce humaine), sa propension à donner des leçons (spécialement sur la violence au cinéma), sa posture puritaine d’auteur démonstratif (mettre le spectateur à distance de ses vils plaisirs scopiques, le malmener en faisant des manières maniéristes), Haneke se refait une santé en compagnie contradictoire de la maladie. Le possible masochisme à s’infliger une large part ( Benny's Video , Code inconnu , La Pianiste , Caché , Le Ruban blanc ) de la filmographie de ce cinéaste prisé par William Friedkin – que nous aimons entièrement, lui, en semblable et mémorable explorateur des nuits de l’âme – paierait donc in fine  ? Oui et non, seulement en partie, tant le naturel, conceptuel et visuel, finit toujours par revenir (au galop lent de Trintignant), y compris

Les Évangiles écarlates : Les Élixirs du Diable

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Un cube énigmatique, une fissure dans le mur, une odyssée dantesque, une espérance commune et un talentueux artiste polymorphe, à nouveau éloquent… Qu’attendaient donc les lecteurs (critiques et fans anglophones) du dernier Clive Barker, pour le recevoir ainsi, avec une apparente tiédeur ? Un choc des titans, trente ans après, un affrontement ultime entre D’Amour et Pinhead, un feu d’artifice gore et SM ? Une relecture réellement infernale de Dante, Bosch (le peintre, pas l’inspecteur de Michael Connelly) ou Milton ? La résurrection, faustienne et littéraire, de leur propre jeunesse, quand ils découvrirent les prémices d’un univers à part, suscitant l’admiration royale et (un peu vite) prophétique de Stephen King ? Plutôt que de s’interroger sur ces possibles attentes et cette probable déception, écrivons sur le livre définitif (entendre, largement dégraissé de ses 2 000 pages originales, réduit à 353 en traduction française), sur l’ opus « tel quel » (dirait Nietzsche

Soumission : Guignol’s Band

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Inch’Allah  ou Mektoub ? Michel ou Manuel ? Se soumettre ou se démettre (dirait Turenne) ? On se détend et on boit frais, au joli mois de mai agité…  Rions un peu, tant qu’on le peut, à l’abri des balles et des drames médiatisés, au côté de François (son prénom, en ancien français, indique sa nationalité), universitaire atrabilaire, avatar thésard du héros houellebecquesque, spécialiste reconnu de Huysmans et auditeur connaisseur de Nick Drake. Sis dans la France de 2022, ce court roman vite lu (vite écrit ?) nous narre avec un brio rigolard (et alerte) ses mésaventures sexuelles et professionnelles, sentimentales et existentielles. Autour de lui, à Paris, le monde change, le temps d’une élection présidentielle remportée par Mohammed Ben Abbes, leader forcément charismatique et coranique de la Fraternité musulmane, flanqué de… François Bayrou en Premier ministre. Domicilié à « Chinatown », le protagoniste décide, au vu des événements inquiétants (tensions commun

Feeling the Graze : Évocation d’une possession

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Some outlaws lived by the side of the lake The minister's daughter's in love with the snake Who lives in a well by the side of the road Wake up, girl ! We're almost home Jim Morrison, Celebration of the Lizard Kafka décrivit un combat ; voici un ressenti – ceci et rien de plus. Une femme blanche, oh, sa peau si blanche (d’albâtre, diraient les littéraires de naguère), à la tête renversée, nous offre sa gorge (physiologie et euphémisme du dix-huitième siècle désignant la poitrine féminine) comme un long cou de cygne, surmonté de l’anguleux visage à la forme de marteau (les lèvres sensuelles révèlent Isabelle), certes pas celui de la philosophie appelée de ses vœux impies par Nietzsche. Une ombre violette nimbe les mâchoires, collier estompé dessinant la base de la face, son sommet surmonté par des narines fines. Sa chevelure bruisse d’un entrelac racinien de serpents bruns, répugnant et séduisant amas de courbes en mouvement, partouze élégante

La Colline des hommes perdus : In Memoriam of Debra Hill

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Détruire, dit-elle , affirmait Marguerite Duras ; produire, plutôt, si l’on en croit le riche parcours de la regrettée Debra Hill… Que reste-t-il d’une carrière de productrice ? Quels souvenirs de vous demeurent après votre disparition définitive, le corps ravagé par un ennemi interne ? Quelles traces ne s’effacent dans la mémoire et le cœur de cinéphiles sentimentaux, pas uniquement hexagonaux, qui firent pour partie leur éducation (flaubertienne ou autre) au cinéma dit d’horreur ? Debra Hill, on le sait, produisit La Nuit des masques (sa naissance à Haddonfield, la ville de Laurie Strode, l’aida un peu, sans doute) et Dead Zone , deux sommets passés conservant une insolente jeunesse, deux mélodrames d’ Americana cristallisant brillamment le caractère anxiogène des banlieues résidentielles juvéniles (Tim Burton, adolescent, sculpte son gazon au coin de la rue) et la subjectivité métaphorique (Johnny Smith en voyant, en artiste, en martyr, en schizophrène) d’un Christ de mi