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Affichage des articles du janvier, 2016

Retour à Ithaque : La Terrasse

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Méconnu (des critiques hexagonaux) et primé (au Brésil, en Italie), tourné en quinze jours et sorti en catimini, ce voyage immobile mérite largement le détour et recule afin d’aller de l’avant … Une invitation imprévue, une séance d’après-midi, une petite salle clairsemée : nous voici en train de découvrir le nouveau film de Laurent Cantet, dont nous appréciâmes jadis beaucoup Les Sanguinaires (téléfilm atmosphérique sis dans un cadre familier), Ressources humaines (l’un des meilleurs titres « sociaux » du cinéma français au tournant du siècle) et L’Emploi du temps (œuvre mystérieuse magnifiquement portée par Aurélien Recoing, qui laissait loin derrière elle L’Adversaire , adaptation auteuriste et poseuse de Nicole Garcia du remarquable récit d’Emmanuel Carrère, d’après « l’affaire Jean-Claude Romand »), bien moins Vers le sud (pas vu en entier, malgré Charlotte Rampling) ou Entre les murs (subi jusqu’au bout ce pensum frisant la démagogie). En « exil » à Cuba, le réali

Mia madre : La Mort en direct

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Dernier film, ou film de la fin ? Prenons quatre chemins dans ce territoire des morts… « Sono stanco » Nanni Moretti ne se remit jamais de La Chambre du fils (nous non plus), sismographie précise et précieuse d’un tremblement de terre domestique, la mort d’un adolescent comme la relecture solaire et musicale (évocatrice berceuse désincarnée signée Brian Eno) de l’acte insensé d’Alain Cuny dans La dolce vita , ogre philosophe (ou l’inverse), damné du désespoir, qui finissait par dévorer ses enfants dans le linceul de leurs draps blancs ( Suspiria  ?). Le Caïman manquait de mordant – comment faire la satire réflexive d’un homme politique, Silvio Berlusconi, pour ne pas le nommer, par essence (médiatique) caricatural ? Avec Scarlet Diva , Asia Argento se trouva confrontée au même problème, son autofiction succombant à l’effet boomerang d’une époque (berlusconienne) et d’un milieu (le cinéma) capturés dans leur vulgarité –, tandis que Habemus papam , pas encore vu, semblai

Non-Stop : U.S. Marshals

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Suite à sa diffusion par TF1, retour sur le titre de Jaume Collet-Serra. Premier plan : un pare-brise perlé de pluie. Dans l’habitacle, Liam Neeson boit de l’alcool avec dégoût et caresse du pouce le portrait photographié d’une enfant. La carlingue dupliquera bientôt l’espace réduit et fermé, le flic des airs hissé contre son gré vers un huis clos agité de turbulences dans le sillage dépressif, paranoïaque et revanchard du 11-Septembre. Les serviteurs de l’ordre arborent des gueules de taulards et les musulmans (barbe drue et signe religieux ostentatoire sur le crâne, un croyant d’Orient perçu par Hollywood, donc) se révèlent (fi aux préjugés) des scientifiques puis des médecins improvisés. Les « textos » donnent le tournis à la caméra, viennent s’incruster sur l’écran, dialogue silencieux, respectueux et menaçant. L’instituteur à lunettes, qui demandait du feu (toujours se méfier des inconnus, surtout au bord d’un aéroport), voulait venger son père disparu dans l’effondremen

Girl in the Park : La Cité des enfants perdus

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Comment réapprendre à vivre après l’indicible ? Le « drame domestique » tourne vite à la redite convenue et aseptisée, mais l’unique survivante du Nostromo lui confère heureusement un « cachet » particulier…   Méfions-nous des enseignants qui écrivent (Mallarmé en suprême exception) et des dramaturges qui réalisent (leur désir inavoué ?) des films : David Auburn, détenteur d’un Pulitzer, élabore en trois actes – séparés par seize ans, une année, deux fondus au noir – un récit de résilience et de renaissance après la perte d’une enfant (sujet scandaleux propice à tous les traitements obscènes, ceux, par exemple, des téléfilms pour ménagères dépressives diffusés l’après-midi à la TV française, à des années-lumière du Lang de M le maudit ). Le parc homonyme possède une aura sinistre, ciel gris, vent d’automne, solitude après les jeux des gosses et la surveillance papoteuse des mères. Il suffit de quelques secondes à peine à Sigourney, détournée afin de ranger ses affaires, pour

La Vénus à la fourrure : Un poisson nommé Wanda

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Des corps, un fouet, le décor et le cadre d’un désaccord recadré : osons la génuflexion entre l’ombre et la lumière… Un couple en filme un autre, énième variation autour d’un texte assez terne devenu à son corps défendant un étalon de psychopathologie sexuelle, avant l’avatar récent et désolant des rances nuances pour adolescentes béotiennes et mères ménopausées. Esclave obsédé par la signature d’un contrat commercial (études en droit du réalisateur/directeur de la photographie/producteur), maîtresse amoureuse réticente, vite lassée, elle-même soumise à un  «  blouson noir  »  d’opérette – l’histoire de désamour, constamment privée de sexe, ne peut que mal finir, avant même d’avoir commencé pour de vrai. Facticité des situations, théâtralité (formation de la cinéaste/scénariste/monteuse) assumée, inoffensif jeu de rôle amorcé par un prénom kafkaïen (Gregor) et bercé par un lyrisme d’emprunt (Tchaïkovski, Mahler, Grieg), l’adaptation très libre frise le redouta