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Affichage des articles du juillet, 2020

Les Maîtres du temps : Une merveilleuse histoire du temps

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Assassiner le gosse en soi, le ressusciter grâce au cinéma… (Re)découvrant Les Maîtres du temps (Laloux, 1982), sa coda plutôt belle de « paradoxe spatio-temporel », on pense bien sûr à celle, assez similaire, de 2001, l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968). L’Orphelin de Perdide de Wul date de 1958, comporte pourtant une citation de Clarke, CQFD « au nez » des années. Cette fois-ci muni de Manchette & Moebius, d’animateurs hongrois, de chaînes européennes, d’une armada de doubleurs, dont Chaumette, voix française d’un certain « HAL 9000 », dont Cuny, reconnaissable, effroyable, en fasciste antimarcusien, le réalisateur prend plusieurs libertés avec le romancier, livre une œuvre de transition, qui relie La Planète sauvage (Laloux, 1973) à Gandahar (Laloux, 1987), en (re)travaille le matériau thématique, graphique, que le lecteur me (re)lise, please . Fable d’infanticide, au propre, au figuré, conte de maternité, sinon d’immortalité, l’émouvant Les Maîtres du t

Gervaise : Parasite

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de René Clément. Fracassés par Truffaut puis réhabilités par Tavernier, Aurenche & Bost zozotent Zola. Ce résumé pasteurisé, récompensé, d’un Assommoir à scandale, à succès, mériterait d’être « voué aux gémonies », puisque représentatif du « cinéma de papa », exemplaire de la fausse fidélité, de l’exécrable « qualité », des produits désincarnés, « bourgeois », de ce temps-là ? Pourquoi pas, position pleine de « passion », de « parti pris », admettait lui-même, in extremis d’un fameux article, le pas encore apôtre de Hitchcock, point de vue acceptable, discutable, pourtant incomplet, cependant insuffisant, qui renforcerait les faiblesses de Gervaise (René Clément, 1956), affaiblirait ses forces. Notre tandem de scénariste/dialoguiste assez stakhanoviste signera aussi, en simultané, La Traversée de Paris (Autant-Lara) + Notre-Dame de Paris (Delannoy) : comme chez Aymé, voici des « salauds de pauvres », com

Mon nom est Personne : Mondwest

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Traquenard pour « Beauregard » ? Moralité de voir, croire… Évacuons la question concon de l’attribution, de la (dé)possession : les styles (s’)identifient, ils se pastichent, se parodient aussi. Voici justement le sujet, l’énoncé, d’un item à double titre synthétique, au sens de somme, résumé, d’imitation, de simulacre. Presque pirandellien, Mon nom est Personne (Tonino Valerii, 1973) repose sur la permanence des apparences, sur une série d’illusions, donc de désillusions. Ici, une mine minable sert au blanchiment d’argent, pardon, d’or dérobé ; ici, la fraternité s’affiche en facticité, esquive la rance vengeance ; ici, le duel final ne s’affirme fatal, davantage arrangé, médiatisé, truqué, à l’instar de la fusillade finale du simultané L’Arnaque (George Roy Hill). Film de reflets, de plans surcadrés, de miroirs narcissiques, fatidiques, déformants, amusants, film où un photographe, aimable « mise en abyme », immortalise une mort simulée, efficace, film où un nain hautain

Où est la maison de mon ami ? : Adresse inconnue

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Abbas Kiarostami. Conte de cahier, histoire de société, fable d’enfance, parabole de pédagogie : « sur tous les tableaux » Kiarostami réussit, car il ne sacrifie au pictural, ne s’avère jamais scolaire. Opus majeur, tramé en mineur, consacré, pas seulement, à des mineurs, doté d’un regard, d’un cœur, davantage documenté que documentaire, Où est la maison de mon ami ? (1987) déploie durant quatre-vingts minutes épurées son suspense modeste, sincère, aspectaculaire, ses personnages, sinon ses paysages, d’un autre âge, sa sensorialité rude, tendre, d’un Iran advenu au présent, redevenu présent. La beauté de chaque plan, de chaque enfant, caractérise ce métrage acclamé, à succès, dont le réalisme s’autorise, pendant sa dernière partie, déroulée de nuit, un filigrane fantastique, qui renvoie d’évidence vers les récits d’ici, d’autrefois, puisque toutes les cultures, surtout au ciné, se réfléchissent en reflets fam

Ip Man 4 : Le Dernier Combat : Chinatown

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Symbolisme sportif versus « Crabe » increvable… Vu en VO dans une salle estivale, provinciale, hélas déserte, voici l’ultime item d’une tétralogie à succès, érigée-étirée sur une dizaine d’années. Tourné en Angleterre, en Chine, toujours signé Wilson Yip, qui dirigea entre deux chapitres le supérieur Paradox (2017), (re)lisez-moi ou pas, Ip Man 4 : Le Dernier Combat (2019) permet idem de retrouver le chorégraphe Yuen Woo-ping, le compositeur Kenji Kawai , le décorateur Kenneth Mak, le directeur de la photographie Cheng Siu Keung, le monteur Cheung Ka-fai, le producteur Raymond Wong, les scénaristes Chan Tai-li, Jill Leung, Edmond Wong, ici associés à Hiroshi Fukazawa. Devant la caméra, on revoit Scott Adkins, Danny Chan, Kent Cheng, Chris Collins, Yue Wu, Donnie Yen, on découvre Vanda Margraf, Simon Shiyamba, Vanness Wu. Dès le départ, on se croit fissa face à un mélodrame médical, familial, mais l’ouvrage vintage vire vite vers la démonstration didactique, la parabole

L’amour vient en chantant + Ô toi ma charmante : Austerlitz + L’Éducation de Rita

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Fred & Ginger ou Adele, Eleanor, Judy, Cyd ? Fred & Rita, voilà… Ce qui rend ces instants émouvants ? Sans doute la sincérité du simulacre. Du glamour au mensonge, il suffit d’un pas, bien sûr « de deux », mais l’imagerie de la « comédie musicale » ne relève de l’anecdotique, davantage de l’héroïque, chaque artiste une sorte de Sisyphe, qu’il faut en effet, comme chez Camus, imaginer heureux, ici, maintenant, sous nos yeux souvent si malheureux. La tristesse, Rita la connaissait, la vécut toute sa vie, en vérité, jusqu’à ne plus se souvenir de rien, maudite, magnanime décharge des chagrins. Cependant ce diptyque un peu exotique, au succès suranné, donne à (re)voir, sinon à saluer, une victime avérée, irréductible à sa douleur, moins encore à sa beauté brune de « bombe » anatomique puis atomique. Abusée dès l’enfance par son père (im)pitoyable, plusieurs fois mal mariée, Rita trouva néanmoins le moyen de se réinventer, d’afficher en filigrane de la facticité sa double

Soleil de nuit : Été 85

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Figures en effet imposées, rideau de fer in fine relevé… Foucault affirmait le corps politique, Hackford affiche le corps poétique, ce qui s’équivaut, surtout en deux beaux duos. Au sein de Soleil de nuit (1985), chorégraphié par Twyla Tharp ( Hair , Miloš Forman, 1978, Ragtime , Forman, 1980, Amadeus , Forman, 1984), co-écrit par James Goldman ( La Rose et la Flèche , Richard Lester, 1976), éclairé par David Watkin ( Les Diables , Ken Russell, 1971, Les Chariots de feu , Hugh Hudson, 1981, Yentl , Barbra Streisand, 1983, Out of Africa , Sydney Pollack, 1985), monté par les Steinkamp père & fils ( On achève bien les chevaux , Pollack, 1969, Fedora , Billy Wilder, 1978, Tootsie , Pollack, 1982 ou Contre toute attente , Hackford, 1984), Baryshnikov & Hines, confrères d’Astaire & Kelly, dansent sous la caméra de vidéo-surveillance du cinéaste-acteur Jerzy Skolimovski. Plus tard, la mise en abyme jouera sur la nostalgie, notre Icare exilé regardant son rajeuni refl

Rapa Nui

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Un métrage, une image : Les Soleils de l’île de Pâques (1972) SF sous LSD ? Western New Age  ? Home movie de vacances estivales ? « Conte cinématographique » dixit le générique. Métrage de géomancie « placée sous l’invocation de Jean Grémillon ». Pierre Kast remercie Mag Bodard, Philippe Dussart & Claude Lelouch. « Le droit au rêve est aussi important que le droit au pain », « Fin des technologies, fin des capitalistes, ou presque », « Tout le monde ment », « Tout tourne autour de la mort » : aimables mantras d’une époque morte, citations de saison d’une odyssée spirituelle, à base de « transes », de « plaques de nacre ». Au cœur du cercle rouge du destin peu melvillien, sept personnages font la rencontre d’une « ombre », rendez-vous régulier, tous les cinq cents ans fixé. Au creux d’une caverne à la Platon, spectateurs désormais à l’unisson, ils ne recevront aucune révélation, davantage « un bloc lourd et dense d’émotions, de sensations, d’impressions, de sentiment

Waterloo : Jusqu’à la garde

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Nostalgie nationale ? Fratricide infernal… Film funèbre, film pacifiste, Waterloo (Sergueï Bondartchouk, 1970) connut un échec économique, qui dut faire cogiter un certain Stanley Kubrick. Néanmoins il mérite d’être redécouvert, pas seulement grâce au tandem d’adversaires solidaires, solitaires, formé par les évocateurs Rod Steiger & Christopher Plummer. En le visionnant en VF, on se surprend presque à penser à Luchino Visconti, autre amateur de zooms émétiques, de bal symbolique, puisque cette superproduction de destruction évoque, dès le début, l’ambiance sinistre du dépressif Ludwig ou le Crépuscule des dieux (Visconti, 1973), dont le régulier Armando Nannuzzi dirigera idem la photographie. L’ opus cosmopolite, mélancolique, s’inscrit aussi au sein du western classé révisionniste des années 70, il ne manie le manichéisme, il préfère la défaite à la conquête, il déploie le désespoir au lieu de la gloire. Reconstitution artistique, authentique, disons donc fidèlem

Les assassins sont parmi nous : The Good Doctor

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Wolfgang Staudte. Hildegard Knef fréquenta un nazi à la tête de la Tobis, Wolfgang Staudte joua dans Le Juif Süss (Veit Harlan, 1940), d’ailleurs déjà décoré par le même Otto Hunte : par conséquent, on pourrait supposer que Les assassins sont parmi nous (Staudte, 1946), appréciez, au passage, la référence transparente à Fritz Lang, au titre d’origine, illico recalé, de M le maudit (1931), représenta pour les trois intéressés un sorte d’exorcisme intime, d’expiation de saison, à tout le moins d’ examen de mauvaise conscience transposé. Le mea culpa , l’URSS connaissait ça, très portée sur la dite autocritique, particulièrement celle de ses soi-disant opposants, du peuple déclarés ennemis, fissa déportés en Sibérie. Au lendemain de la débâcle d’un régime mortifère, censé être millénaire, il convenait donc d’éduquer, voire de rééduquer, la masse citoyenne, cinéphile, au mieux irresponsable, au pire coupable