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Affichage des articles du janvier, 2020

Short Cuts : Remarques sur cinq courts métrages

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Miss Dombasle bis , à nouveau Michel Fau, Bach & Bizet, Élodie éblouit… À la mémoire de Laure Killing (1959-2019) Viens voir les comédiens invite le titre programmatique, détour par Aznavour, et Amor Maman (Roland Menou, 2018), Le Coup des larmes (Clémence Poésy, 2019), Même pas mal, petit animal (Juliette Kempf, 2017), Ordalie (Sacha Barbin, 2017), Roberto le canari (Nathalie Saugeon, 2018) en effet séduisent via leurs actrices, méritent d’être mis à l’honneur pour leurs acteurs – pas seulement, puisqu’ils permettent de découvrir de vrais regards de cinéastes sans fard, dignes de tous nos égards. Films féminins, sur/avec/de femmes, malgré un tête-à-tête entre mecs, à peine dérangé par Claude Perron ( Cortex , Nicolas Boukhrief, 2008) sur le palier, ce quintette comique et dramatique confirme la force du « deuxième sexe » et la faiblesse du « premier ». Dans le lucide et longuet Cat’s Eye , récemment terminé, la romancière canadienne Margaret Atwood parle avec

Alien Crystal Palace : Le Jour et la Nuit

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Sybille de beaujolais, écume de Cumes, artisanat assez sympa… Dark comédie érotique, ésotérique, touristique, commise de manière économique, filmée sans façon et à la façon d’un bad trip , Alien Crystal Palace (Arielle Dombasle, 2018) ne laisse perplexe que les paresseux, essaie de faire frissonner les facétieux. Certes, car casting trop amical, puisque misère musicale, Nicolas Ker indiffère, dérisoire ersatz du très regretté Daniel Darc, aussi le film souffre de ce défaut rédhibitoire, de la pénible présence de l’inaudible type en noir. Mais l’humour le rédime, mais l’énergie l’anime, la monteuse Coralie Rubio dut s’amuser en assemblant le puzzle faussement dément, par nature immanent, malgré le transcendant argument. Sur fond de philosophie, pas celle de Bernard-Henri Lévy, ouf, d’androgynie joueuse, tueuse, de festivités funèbres, cliques lubriques à la Kubrick, de rencontres alcoolisées, de flics friands de torture, d’herméneutique, Alien Crystal Palace  entraîne le s

Les Parapluies de Cherbourg : Avoir vingt ans dans les Aurès

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Une séparation, une supplication, un mélodrame étymologique et mémorable… À la mémoire de Mag Bodard (1916-2019) Geneviève retrouve Guy au garage, les voici vite attablés, atterrés, lassés, enlacés. La caméra s’avance en travelling guère magnanime, remarquez dès maintenant l’accord des couleurs entre le miroir et le verre, le blouson et le meuble, la glace et l’imperméable, le foulard et la chemise. Le couple chante son déchirement, se sépare à l’unisson, Castelnuovo, quasi sosie de Demy, occupe l’écran, regarde hors-champ. Le dédoublement de l’aria à deux voix duplique le tandem des acteurs, des chanteurs, Catherine Deneuve & Nino Castelnuovo « ventriloqués » par les valeureux, invisibles, Danielle Licari & José Bartel, appréciez le play-back parfaitement répété, placé. Puis panoramique sur la pleureuse délicieuse, précédant un rapprochement et un travelling arrière qui tout sauf indiffère, aère le cadrage serré des amants secrets, désapprouvés, encore en lib

La Fureur du dragon : Les Félins

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Bruce Lee by Bruce Lee + l’excellent complice Chuck Norris… Deux hommes à Hong Kong, deux combattants au Colisée, deux façons de s’affronter, une nouvelle manière de filmer – un chat au milieu, comme un modèle, comme un écho. Si le duel légendaire de La Fureur du dragon (Bruce Lee, 1972) persiste à séduire presque cinquante ans après, il le doit à sa beauté, à sa moralité. Lee, polyvalent, puisque acteur, auteur, réalisateur, producteur, doubleur et en plus percussionniste, ne se contente pas de concocter une castagne anthologique, sociologique, où l’Orient dérouille l’Occident, où les « Jaunes » mettent à genoux les « Blancs », en correspondance contextuelle, colorée, avec les Black Panthers simiesques de La Planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968). Il cogite, dirige puis participe à une chorégraphie de nécrologie, irriguée de respect, de gravité, de dignité : sa fureur affirme sa grandeur, son corps en accord avec son cœur. La baston sado-maso se déploie par consé

Thanatos : L’Ultime passage : Nous irons tous au paradis

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EMI mon amie, NDE fastidieux…   « La mort n’existe pas », on ne le savait pas, aux incrédules décédés on le dira, alors viva le cinéma sympa, qui nous place à deux pas de l’au-delà, qui témoigne de tout cela, paraît-il pour la première fois. Thanatos : L’Ultime passage  (Pierre Barnérias, 2019), appréciez au passage la délicatesse du titre, annonçant la finesse du traitement, débute de façon fœtale, affirme in fine les foutaises du fatal, sur fond d’horizon breton, de statues à l’unisson, d’une chanson d’un sosie vocal de Céline Dion, d’une citation de Mère Teresa, oui-da. Le spectateur, en l’occurrence la spectatrice, majorité sexuée de salle provinciale très clairsemée, malgré ce samedi soir, allez savoir, peut par conséquent rentrer chez lui rassuré, rasséréné, il ne mourra pas, au sein de la lumière suprême il s’élèvera, quitte, ensuite, à redescendre fissa, encore au creux du corps, histoire d’accomplir sa « mission », encouragé par ses proches posthumes, amen . André B

L’Atalante : Underwater

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Ses chats, sa chatte, un voyage, des visages… On peut, certes, se désoler du triste sort réservé par les épiciers à ce film « unique », en effet, sens duel, monté, démonté, remonté à satiété depuis l’insuccès de sa sortie en 1934 ; on peut, aussi, non pas s’en réjouir mais y lire une sorte de cohérence, de raccord ironique entre le devenir de l’œuvre et celui de la vie : le vivant, surtout chez Jean Vigo, se valide via le mouvement, le changement, la somme de moments immanents, leur absurde, désordonné, enchaînement, alors laissons aux artistes, aux aveugles, aux paresseux, aux religieux, la nécessité d’une causalité, d’un rigoureux-rassurant tracé, d’une quelconque signification, souvent à la con. Le sens, assumons de ne pas/plus nous en soucier. Les sens, essayons de les préserver, de sonder leur intensité. Face au naufrage du misérable et risible « message », le cinéma, pratique par définition fantomatique, mécanique, nous ramène au monde, à sa matérialité, à son opacité,

L’Adieu : Menteur, menteur

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Leurs épousailles pour repousser ses funérailles… Mélodrame drolatique au happy ending vidéographique, L’Adieu (Lulu Wang, 2019) se caractérise par son sens de la composition, sa maîtrise des émotions. A priori lacrymal, l’argument familial s’illustre heureusement par un traitement stimulant, dépourvu du pénible pathos. Mieux, cette chronique d’une mort annoncée, programmée, en tout cas par la médecine, se voit vaccinée contre l’angélisme, le révisionnisme. Naguère belle-mère autoritaire, désormais grand-mère atteinte d’un cancer pulmonaire, Nai Nai livre sans le savoir (?) une belle bataille, la seule qui vaille, qui déraille, ou, surprise, connaît un sursis, un répit, merci à « l’évacuation des toxines », à la gymnastique acoustique en pleine ville, au cri de sa petite-fille, faisant s’envoler à distance des oiseaux en CGI. Dans L’Adieu , tout le monde (se) ment, omet la vérité, essaie de protéger l’aînée, elle-même capable/coupable de pieux mensonge envers son mari ent

Peur sur la ville : Le Dernier Métro

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Giallo de guignolo ? Thriller pas d’amateur…. Pour mon père Dans Le Dernier Tango à Paris (Bernardo Bertolucci, 1972), Marlon Brando ne supportait point le métro parisien, aérien, se bouchait les oreilles afin de ne plus l’entendre, surtout d’en dessous. Dans Peur sur la ville (Henri Verneuil, 1975), Jean-Paul Belmondo monte dessus, s’y accroche, y court, s’y couche, se glisse parmi un compartiment, évidemment tueur(s), salut au ferroviaire Costa-Gavras (1967). Sorte d’aimable docteur Mabuse en voix off , maître du mur des petits écrans filmé par le grand, (re)matez le testament médiatique, prophétique, du « diabolique » intéressé (1960), (re)pensez à la mosaïque idem , inutile, de Tony Montana plongé dans sa paranoïa, sa coca ( Scarface , Brian De Palma, 1983), le cinéaste dirige la rame doublement infernale, Denfer + Divine Comédie , oh oui, en sus de son acteur cascadeur, cauchemar d’assureur, flic amer muté à la Criminelle, policier en train de pister un suspect f

Rocky + Rocky II : La Solitude du coureur de fond

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La force de Forrest ? Les cris de Rocky… En 1976, Rocky court en solo et s’entraîne en trio, en montage alterné, signé des oscarisés Scott Conrad & Richard Halsey, soutenu par un assistant, encouragé par l’incontournable Mickey. Sur une Philadelphie industrielle, en effet « fraternelle », devise de la ville, notez le fruit lancé à la volée, en plan rapproché, durant la traversée du marché, le jour se lève et la séquence s’achève à l’unisson, par une ascension, celle des marches d’un musée d’art, Sylvester Stallone escorté par le steadicam en apesanteur du quasiment débutant Garrett Brown. Auparavant, en compagnie du réalisme idoine du directeur de la photographie James Crabe, notre boxeur au grand cœur parcourt en panoramique un paysage de terrain vague, d’urbain métro aérien, se muscle avec des briques, suit une voie ferrée sur fond   d’usine. En travelling arrière, il ne s’attarde point entre les poubelles, afin de se réchauffer aux braseros, de saluer les passants su

Le Masque du démon : La Sorcellerie à travers les âges

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Woman of steel , « sorcière » vénère, gang bang au bord de la transe… En 1960, le cinéma change, à l’image du monde : en France ( À bout de souffle , Jean-Luc Godard), aux États-Unis ( Psychose , Alfred Hitchcock), au Royaume-Uni ( Le Voyeur , Michael Powell), et surtout en Italie ( L’avventura , Michelangelo Antonioni + La dolce vita , Federico Fellini), de nouvelles formes s’affirment, des sensibilités différenciées s’affichent, l’errance et la violence de l’existence prennent possession/prennent position dorénavant des/sur les écrans. Néanmoins, rien ne naît ex nihilo , en tout cas pas tout cela, et Belmondo semble un écho sartrien de Bogart, le motel  de Norman   Bates appartient au « gothique américain », l’extrémisme maladif de Mark Lewis, assassin sentimental, suicidaire, développe le perfectionnisme épuisant, déchirant, de la chère Moira Shearer, chaussée par les Archers ( Les Chaussons rouges , Emeric Pressburger & Michael Powell, 1948), tandis que la dispariti