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Affichage des articles du février, 2020

Forget Me Not : Tu oublieras le cinéma

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  « Fondu au noir » ou « nouvel espoir », dernière esquive ou vertus du vide…  Je ne considère pas qu’un comédien puisse prendre la place d’un autre : on peut être oublié bien sûr mais c’est autre chose. Nous sommes tous condamnés à cela… C’est une question qui ne me hante pas, j’accepte cet ordre des choses. C’est tellement bon d’avoir déjà eu droit à un peu de lumière ! Omar Sy, dossier de presse du Prince oublié D’après Godard : grâce au ciné, les valeureux souvenirs, via la TV, surtout celle de Vidéodrome (David Cronenberg, 1983) et sa sommité homonyme, spécialiste cathodique pas très catholique, le vain oblivion ? Pas tant évident, moins manichéen, car le cinéma suscite aussi sa sienne amnésie. Dans Le Voyage , souviens-t’en, justement, un Baudelaire mortifère réclamait en coda du « nouveau » fiché « au fond de l’Inconnu », c’est-à-dire de l’autre côté du tombeau. Les distributeurs répondent en chœur, le public l’imite – chaque mercredi sortent ainsi de nom

Domino : Fatima

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Pire que Passion  : dispensable exploit, Brian De Palma… En tant que cinéphile, pas seulement, je dois tant au cinéma de Brian De Palma que je me devais donc de visionner le discret Domino (2019), en dépit d’une bande-annonce tout sauf excitante, malgré un mauvais pressentiment, « effet domino », en effet, en partie expliquant un tel retardement. Cependant, puisque je viens de gâcher une heure trente de ma courte existence devant cette abomination, je me dois aussi de ne pas perdre davantage de temps à son sujet, arènes presque ensanglantées, au drone d’Euménides et au ralenti rassis survolées, olé, à la clé, Rouben Mamoulian s’en amuse depuis 1941. Je me garde ici de décrire en détail le désastre total, formel, plutôt informe, insipide, du dérisoire Domino , le film indéfendable s’en charge hélas lui-même, à chaque instant, à chaque plan, du premier au dernier, je le descends aussitôt en raison de son odieuse idéologie, car tu sais désormais, lecteur de mon cœur, lecteur d

Jumanji: Next Level : Les Vieux de la vieille

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Grandir, mourir, avatars au bord du trop tard… Suite assez sympathique, discrètement mélancolique, Jumanji: Next Level  (Jake Kasdan, 2019) sortit en salles internationales à Noël et possède donc un caractère de conte, à la Dickens ou non. La même équipe fait retour, accompagnée par une conséquente basse-cour, composée d’autruches, de mandrills , d’un cheval, d’un rhinocéros et d’un boa , voilà, voilà, mais une nouvelle problématique apparaît, incarnée au moyen de deux personnages davantage âgés. En résumé, en définitive, les deux Danny, Glover & DeVito, presque « volent le show », en tout cas lui confèrent sa profondeur, certes superficielle, cependant existentielle, ave au David Cronenberg rural et virtuel de eXistenZ (1999), justement. Dans l’univers très vert de Jumanji, du jeu vidéo métonymie, personne ne décède, les aspirés atomisés sans cesse ressuscitent, au moins trois fois, Trinité chrétienne laïcisée. Dans la « vraie vie » nervalienne, au contraire, chacun p

Feedback : Radio Days

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Brexit  britannique ? Coup de Moscou. Citoyen à la Bourdin ? Sériel assassin. « Quand on n’a plus rien à perdre, on devient monstrueux » : premier long métrage rempli d’outrages, au propre, au figuré, au présent, au passé, Feedback (Pedro C. Alonso, 2019) démontre donc sa moralité de résumé, en plus d’illustrer un fameux aphorisme de Friedrich Nietzsche, au sujet d’un abîme intime, d’une monstruosité miroitée. De l’autre côté du verre blindé, insonorisé, à la radio, devant son micro, le londonien Jarvis voit ressurgir sa némésis, c’est-à-dire l’obscure Claire, déguisée en transparente et mésestimée stagiaire. Que fit d’affreux cette star du soir, animateur a priori dépourvu de peur, malgré des intimidations de saison, de La Triste Réalité – The Grim Reality en VO –, émission controversée, à succès, un certain soir de gloire, d’alcool, de drogue, de séduction à la con, mineures éméchées, vaine virilité, gare au bazar à Belfast, IRA ou pas, en compagnie de son compère Andr

Horse Girl : Elle s’appelait Sarah

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La famille, l’asile, la lumière, l’interstellaire… De façon formelle, sens duel, Horse Girl (Jeff Baena, 2020) s’affirme en effet un téléfilm Netflix, il faut toutefois dépasser sa stylistique impersonnalité, afin de l’apprécier à sa mesure modérée, puisque tu le sais, lecteur, téléspectateur, « la vérité est ailleurs », en l’occurrence, dans ces circonstances, du côté d’un portrait de femme ne manquant pas de flamme. Co-écrit et co-produit par Alison Brie , actrice convaincue, convaincante, illustration à base d’improvisation d’un scénario illico psycho, inspiré par la folie familiale de l’intéressée principale, Horse Girl associe solitude, somnambulisme, sentimentalisme, studio bousillé, singulière insanité, songes-mensonges (?) et ravissements extra -terrestres, peste. Certes, les   insectes de Bug (William Friedkin, 2006) constituaient un sommet de ciné cinglé, en partie porté par une Ashley Judd méconnaissable, enfin recommandable. Horse Girl , s’il ne saurait se sit

The Head Hunter : Father and Daughter

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Une profession, une obsession, une résurrection, une transplantation… En vérité subjective, voici une valeureuse vendetta béhavioriste, au final ironique, sinon inique. Un chasseur royal, ermite qui décapite, devient vite un père amputé, qui attend impatiemment le retour au long cours du maudit ennemi. On le sait depuis une éternité, la vengeance s’avale froide, quitte ensuite à vous étouffer. Ici, perdre sa fille équivaudra, en définitive, à perdre la tête, de façon littérale, à siéger en silence, en absence, parmi les chefs des trucidés fichés sur les pieux du tableau de chasse établi à domicile, sourire satisfait du propriétaire funéraire à la clé. Auparavant, le petit cadavre profané de l’enfant servira de véhicule à une tête obsolète, très dentée, munie d’une queue à la Alien (Scott, 1979). The Head Hunter (Jordan Downey, 2018) se situe par conséquent au croisement de Conan le Barbare (John Milius, 1982), de The Revenant (Alejandro González Iñárritu, 2015), de Predat

Underwater : Deepwater

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Pomper le pétrole ? Aliéner Alien … Cuz all I need is the love you breathe Put your lips on me And I can live underwater Mika Underwater (William Eubank, 2020) cite le classique « xénophobe » de Scott (1979) dès le générique, la typographie de son titre ; ensuite, une coda sacrificielle, superficielle, prévisible dès le début – l’héroïne esseulée, lunettée, cadrée en widescreen et en contre-plongée, bien éclairée par le brillant Bojan Bazelli, jadis complice de Ferrara, notamment sur Body Snatchers (1993), autre conte d’une autre trempe de féminité tourmentée par l’altérité, philosophe en voix off , se brosse les dents, épargne une égarée araignée, survit, en sursis, à un séisme, mince – nous ramène au terme maternel du volet mésestimé de Fincher ( Alien 3 , 1992), embrasement de monstrueux et tendre enfantement, voire l’inverse. Franchement, les mecs, les hécatombes en huis clos de caveau, parmi l’espace sépulcral ou au fond des eaux, on commence à (re)connaî

The Hitman : I Spit on Your Grave

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Lucien Lacombe ? Disons « Andre », délesté d’accent, doté d’un coup de sang… Pour mon père Dans ce (télé)film méconnu commis en pilotage automatique par son frère Aaron, remarquez in extremis trois autres homonymes, caméos à gogo, laissons-les aux généalogistes de générique, Chuck Norris, un chouïa relooké à la Jean-Claude Van Damme de Chasse à l’homme (John Woo, 1993), décède et ressuscite, assène des répliques sarcastiques, dont l’ultime, guère magnanime, « Il ne méritait pas de vivre », amen , côtoie sous couverture un beau trio d’ordures, accessoirement pratique hors-champ un cunnilingus étonnant, sur la personne d’Alberta Watson ( White of the Eye , Donald Cammell, 1987), désirable en dépit d’être depuis défunte, traîtresse maîtresse de son boss bientôt dessoudée en auto/caveau et, last but not least , retrace, transi, le passé d’un cétacé admiré. Tout cela, n’en doutons pas, déplaira aux féministes, surtout aux antiracistes, outrés par le traitement infamant rés

Le Petit Prince a dit : La Fugue

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Sa tumeur démontre que tu meurs et remet ta montre à l’heure, mon cœur… La scène la plus éprouvante de L’Exorciste (1973) ? Celle de l’ examen , bien sûr, car William Friedkin, formé au documentaire, sut conférer à cette angiographie de la carotide son authenticité caractéristique. Jadis, dans Les Yeux sans visage (1960), Georges Franju se servait d’un photo-montage, afin de retracer la chronologie guère jolie d’un greffon rejeté. Ainsi Le Petit Prince a dit (1992) s’insère à sa façon frontale au sein d’une sorte de trilogie d’imagerie médicale, où les clichés à distance deviennent radios rapprochées, rassemblées en planche, puis duplicata en direct, merci à l’IRM. À chaque fois, il s’agit de franchir un pas, de sonder en profondeur l’intérieur du cerveau, celui de jeunes filles en péril, observées par leurs papas de la partie ou leur maman rendue malade par la douleur, le maudit malheur. La séquence commence par un tête-à-tête oculaire, moment de proximité entre un adult