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Affichage des articles du 2022

Têtes de pioche

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  Un métrage, une image : Le Récupérateur de cadavres (1945) Film horrifique ? Tandem de totems ? Stevenson selon Lewton ? Mélodrame domestique et marxiste, qui fait se confronter, s’affronter, l’idéalisme et le cynisme, le sentimentalisme et le pragmatisme. Au sortir d’une Seconde Guerre mondiale elle-même odieuse et généreuse en accumulés cadavres, notre trentenaire Robert, troisième essai à durée limitée, met en images, loin du moindre enfantillage, un conte pas con adapté de façon (in)fidèle par Philip MacDonald ( La Fiancée de Frankenstein , Whale, 1935 ou Rebecca , Hitchcock, 1940), corrigé, donc corédigé, sous pseudonyme selon le producteur majeur. Aimablement musiqué par Roy Webb ( La Féline , Tourneur, 1942), doctement éclairé par le DP Robert De Grasse ( L’Étrangleur , Wellman, 1943), servi via un casting choral impeccable, The Body Snatcher s’ouvre sur une street singer , à la complainte écossaise à vous crever le cœur, vingt avant La Mélodie du bonheur (1965).

Une nuit sur le mont Chauve

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  Bush & Björk ? Les Pyrénées, l’Empyrée… Pour Patrick Cette tristesse essentielle et existentielle, la littérature, même la plus impure, ne vous en sauvera, surtout pas le cinéma, ce que l’on désigne donc ainsi aujourd’hui, par habitude, par lassitude, mais la musique, immédiate et multiple, immatérielle et pragmatique, immortelle et programmatique, permet de respirer, de se reposer, peut-être d’espérer. Celle d’ Hélène Vogelsinger sait y faire, du lest se défaire, s’adresse avec adresse au corps et au cœur, s’installe in situ ou en studio. Dissimulée derrière ou dessous de chouettes pochettes, aux monolithes à la Kubrick, dotée de titres ésotériques, exfiltrés illico d’un dico de philo, voire d’un ouvrage de nouvel âge, gorgée d’énergies, sinon d’écologie, elle procède en définitive d’une forme féminine et intime de musicothérapie, de transe sonore créatrice de ses propres décors ou en accord selon ceux du dehors. Concentrée sur ses câbles colorés, la compositrice point pat

Pétrole

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  Roman de gare et de grand désespoir ? Récit de vie et vue d’ici…   Premier essai, au prix biarrot, Chroniques d’une station-service s’avère vite un petit livre cinéphile, divertissement de ce temps, amusant et inconsistant. Avant de partir de Pantin, rendu parano ou peu s’en faut, d’aller dans les Landes dépanner un papounet dévalisé, moralité : se méfier des amoureuses merveilleuses, en réalité numériques, machiavéliques et tatouées, de succomber, qui sait, à la question, sinon à l’invitation, d’une accorte homologue en uniforme, car les stations d’autoroute ne connaissent la déroute, aristocrates de l’asphalte, Beauvoire, il ne se prénomme Simone, glandouille davantage qu’il ne dérouille, malgré la perte presque prétexte d’une clé USB, sur laquelle s’accumulent des documents administratifs nominatifs, du porno japonais téléchargé, un premier roman à plaire, assuré best - seller , recherchée selon une annonce de Libération , lectorat notamment de mendiants, tu m’en diras tant. Pu

L’Année sainte

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  Un métrage, une image : Un flic voit rouge (1975) Un acteur et une actrice aux traits lisses, issus illico du roman-photo ; deux lignes narratives a priori indépendantes, en définitive réunies sous le signe de la dépendance ; du manichéisme à la place de l’anticapitalisme : le film de l’ancien directeur de la photographie affiche de factuels défauts, toutefois il affirme en sourdine un spleen spécifique au ciné des seventies , un lancinant désenchantement en signe des temps, une violence sèche qui le rachètent, le munissent d’une mélancolie made in Italy, non démunie d’amour ni d’humour, d’action ni de réaction, ainsi rétive à la stérile sociologie, que soulignent certaines notes habiles et ad hoc du second Stelvio, revoici Cipriani . Succès à sa sortie en salle, premier volet d’un diptyque, Mark il poliziotto portraiture durant quatre-vingt-dix minutes d’épure un policier singulier, désigné/défini selon l’exotisme d’Amérique de son prénom, le pragmatisme expéditif de sa f

MaXXXine

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  Un métrage, une image : Antrum (2018) La tente, l’attente, une forêt, des affolés, un opus posthume ou présumé « mortel » : moins malin que le tandem américain Myrick & Sánchez, le canadien Amito & Laicini séduit à demi. Plus méconnu, aussi indie , que le fameux et inoffensif Projet Blair Witch (1999), Antrum (re)connaît ses classiques, s’amorce selon un montage des ouvrages de Christensen, De Liguoro & Padovan, Méliès, démonologues du muet via votre serviteur ailleurs miroités. Encadré d’un documenteur dispensable et un peu racoleur, marketing malhabile muni d’une philosophie riquiqui sur le pouvoir mouroir de la peur, Antrum se met ainsi en abyme, associe sorcellerie et survie, trivial et fatal. S’il se situe au sein malsain du ciné spécialisé des seventies , en possède en partie le radical réalisme, l’essai réussi à moitié s’autorise à être réflexif, à carburer à la consolation et à la catharsis. Le conte pas con fait illico écho à Cujo (Teague, 1983), à Dé

The Woman King

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  Un métrage, une image : L’Odyssée de l’African Queen (1951) Le titre d’origine l’actrice désigne, qui conduit le film comme le rafiot homonyme. Munie d’une forme de féminisme soft , portée sur le patriotisme, la missionnaire faussement austère, vraiment active, ne condamne l’alcoolisme du capitaine altruiste, plutôt sa parole manquée, sa couardise présumée. « Old girl » guère bégueule, l’inflexible Rosie s’extasie aussi, surtout après le passage des premiers rapides, épiphanie semblable à un orgasme, humidité en prime. Jamais elle ne charrie Charlie, même si a priori plus intelligente ou maligne que lui. Au contraire, rusée, sincère, elle le soutient, parce qu’elle ne vaut point rien, parce qu’il le vaut bien, ce valeureux vaurien, en surface indifférent, en profondeur pas tant, à l’instar du Rick de Curtiz ( Casablanca , 1942), locutions d’occasion, arbre bienvenu, saleté de sangsues. Le couple dépourvu d’entourloupe partage un parcours puis l’amour, répare ensemble un bateau qu

Ordet

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  Un métrage, une image : Manon des sources (1952) Pagnol apôtre de la (bonne) parole : au-delà des dialogues, des monologues, Manon des sources , sous-titres en prime, se structure donc autour de dix (dits) gros blocs verbaux, une discussion, une « malédiction », un récit, un « procès », un « discours », un « rapport », un « sermon », un « conseil de guerre », un « testament », une réunion. Le verbe se met en scène, donne à dire et ressentir le passé, l’impensé, le non prononcé, tandis que la surimpression, à l’unisson, presque d’insolation, ranime la famille de Florette, ses quatre spectres. Mélodrame moral de « crime collectif », par conséquent de culpabilité partagée, y compris par les « victimes jamais complètement innocentes », le diptyque pragmatique, doté d’un instit ironique, de l’esprit et du style de son auteur majeur emblématique, (re)connaît ses classiques, d’Œdipe à Électre, de Judas aux Rois mages, la bosse du disparu elle-même en rime et reprise de celle du bossu de

Marry Me

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  Un métrage, une image : Les Fiancées en folie (1925) Keaton ne kiffait on le sait ce succès, projet de producteur d’après une pièce proposé, sinon imposé, au principal intéressé, déjà très endetté. Si soucieuse, au ciné, en société, de « minorités », surtout de médiocrité, notre modernité vomirait désormais son antisémitisme, son racisme, pas si en sourdine, sa misogynie moralisatrice, horde de harpies pécuniaires et lapidaires, en larmes et drôles, appâtées par le pactole, ersatz en masse des esseulés Rapaces (von Stroheim, 1924). Quant aux pierres qui roulent, à rendre fissa le fuyard maboule, rochers en carton-pâte ou papier mâché, à l’animisme de déprime, supposé clou du spectacle de l’agile acrobate, elles souffrent en fait de leur facticité, ne donnent à voir ni par procuration éprouver une once de danger. Tout ceci ne saurait appauvrir le plaisir permanent que procure sans usure l’ opus plein d’allant, le métrage d’un autre âge, illustration remplie d’action(s) du célèbre

L’Espoir

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  « La vie est autre que ce qu’on écrit » et l’avenir au Vieux-Port se retire…     Ampoulé dès l’orée, « avant-dire » de « dépêche retardée », de « Noël 1962 » datée, où décocher une flèche au révisionniste Valéry, expliquer une « édition entièrement revue par l’auteur », « adéquation » et « fluidité », allez, « patine » de « trente-cinq ans », tu m’en diras tant, Nadja ne ressemble à Aurélia , même si le bon Breton, sillage de Gérard, théorisa aussi au sujet du « Rêve » et de la « Vie ». Ce petit récit vite écrit, assez illustré, désormais très documenté, notre modernité en ligne, à domicile, permet en outre de retracer l’écourté CV de Léona Delcourt, assortit ses dessins, découpages, collages, de la grâce mylènefarmerienne d’un visage, associe ainsi « subjectivité », « objectivité », littéraire/pictural name-dropping et « neuropsychiatrie » de déprime. On se souvient du terme guère amène de Un amour de Swann , résumé dessillé pour rupture impure. Nadja idem « ne plaît » à André,

Volcano

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  Un métrage, une image : Stromboli (1950) Doté d’un sous-titre explicite, introduit selon une citation biblique, porté par la partition précieuse de Renzo Rossellini, presque celle d’un péplum sentimental, Stromboli constitue donc un conte molto catho, donne à (re)voir un chemin de croix laïc, tragi-comique, dont l’épilogue en forme d’impérative épiphanie bouleverse sans cesse, du haut inferno de ses soixante-douze années restaurées. Ingrid en espadrille vaut bien Empédocle et son (im)possible suicide, n’en déplaise aux adeptes des violences faites aux femmes, qui ne supporteront la rouste express , mâle malaise, aux énamourés des animaux, qui pleurnicheront à l’occasion d’une épique pêche au thon, après le trépas pas sympa d’un lapin fissa dessoudé à cause d’un furet. Film monde jamais immonde, plus immersif que les mers à millions de James Cameron,  Stromboli parvient à capturer la morsure du réel, la violence de la vie, l’ombre du jour et la clarté de la nuit. Roberto Rosselli

Attrape-moi si tu peux

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  Un métrage, une image : Le Chacal (1997) À la mémoire de Mylène Demongeot L’ultime film de Sidney Poitier ne remake celui de Zinnemann ( Chacal , 1973), ni ne réadapte le titre de Forsyth, en conserve cependant quelques éléments, par exemple identités démultipliées, fusil en kit , bar gay , tombe atone. Échec critique, succès public, donc économique, il déplut aux deux intéressés précités, au compositeur Carter (Burwell), il semble aussi aux meilleurs ennemis Gere & Willis, rôles nonobstant inversés selon leur souhait. Il s’agit en sus d’une coproduction cosmopolite, pourvue d’un script basique, chasse à l’homme, entre hommes, en somme, commis par Chuck Pfarrer, le scénariste de Chasse à l’homme (Woo, 1993), justement, de Darkman (Raimi, 1990) ou Barb Wire (Hogan, 1996), par ailleurs non crédité collaborateur sur Sudden Impact (Eastwood, 1983) et Arlington Road (Pellington, 1999). Quant à Caton-Jones, ex -banquier écossais reconverti réalisateur hollywoodien, parce

L’Enfer des armes

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  Un métrage, une image : Eastern Condors (1987) Un soupçon des Douze Salopards (Aldrich, 1967), une pincée de Portés disparus (Zito, 1984), un virage vers Voyage au bout de l’enfer (Cimino, 1978) : Sammo Hung (re)connaît ses classiques, cependant ne les duplique, pas davantage ne délivre la matrice apocryphe et obsolète de Une balle dans la tête (Woo, 1990). Doté d’un tandem d’incontournables homonymes du cinéma de HK de ce temps-là, à savoir le scénariste Barry Wong ( À toute épreuve , Woo, 1992), le directeur de la photographie Arthur Wong ( La 36e Chambre de Shaolin , Liu, 1978, Il était une fois en Chine , Tsui, 1991), le réalisateur de valeur de L’Exorciste chinois (1980) ou First Mission (1986) signe en résumé un cocktail guerrier aux tonalités mêlées, comme seul l’écran hongkongais savait les concocter, les doser. Véritable cinéaste, il soigne chaque cadre ; star pas uniquement locale, il possède assez de générosité pour ne limiter les membres des équipes artistiqu

Le Ventre de l’architecte

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  Un métrage, une image : Liebestraum (1991) L’ultime film de Kim Novak la portraiture en patiente très patraque, en gémissante génitrice, in fine en flingueuse au passé, à l’agonie aujourd’hui, tandis qu’elle expire, une jeune femme soupire, grande et petite morts encore mêlées, merci au montage alterné. En dépit de la présence de Pamela Gidley ( Twin Peaks: Fire Walk with Me , 1992) & Bill Pullman ( Lost Highway , 1997), d’une ambiance étrange, de mauvais rêves presque réels, voire l’inverse, d’une perversité secrète et souterraine, on songe davantage à quelques compatriotes de l’aussi scénariste et instrumentiste Figgis, aux claviers comme Badalamenti, eh oui, qu’au spécialiste David Lynch, par exemple à Peter Greenaway ( The Belly of an Architect , 1997), Alan Parler ( Angel Heart , 1987), Nicolas Roeg ( Bad Timing , 1980). Climatique ou léthargique, suivant l’adoptée perspective, moins estimé, à succès, que Stormy Monday (1988), Internal Affairs (1990), Leaving Las Vega

La Charrette fantôme

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  Un métrage, une image : Un carrosse pour Vienne (1966) Une forêt de conte de fées défait, à défaite (« Hitler fichu ») guillerette ; une paysanne pas bavarde, veuve guère joyeuse de guerre affreuse, décidée, Dieu merci, à « réparer l’injustice » d’un mari trop tôt parti, parce que pendu pour l’exemple après avoir volé du ciment, tu m’en diras tant ; deux chevaux « braves » au cœur et à l’écart du drame ; deux soldats à hue et à dia, le premier malade, pessimiste, lucide, le second assez bon, au fond, « bon à rien », il le vaut bien, avec ses photographies de famille, son sommeil d’épuisé, d’employé des pompes funèbres improvisé, où sa Mutter maternelle il appelle : immobile road movie, dont le révisionnisme sentimentaliste évidemment déplut en Tchéco coco, fable affable fournie en hommes mais flanquée d’une seule femme, Un carrosse pour Vienne ( aka le plus pragmatique et moins satirique Un chariot pour Vienne ) se fiche de l’Autriche de Sissi la pasteurisée impératrice, prophé