Pétrole

 

Roman de gare et de grand désespoir ? Récit de vie et vue d’ici… 

Premier essai, au prix biarrot, Chroniques d’une station-service s’avère vite un petit livre cinéphile, divertissement de ce temps, amusant et inconsistant. Avant de partir de Pantin, rendu parano ou peu s’en faut, d’aller dans les Landes dépanner un papounet dévalisé, moralité : se méfier des amoureuses merveilleuses, en réalité numériques, machiavéliques et tatouées, de succomber, qui sait, à la question, sinon à l’invitation, d’une accorte homologue en uniforme, car les stations d’autoroute ne connaissent la déroute, aristocrates de l’asphalte, Beauvoire, il ne se prénomme Simone, glandouille davantage qu’il ne dérouille, malgré la perte presque prétexte d’une clé USB, sur laquelle s’accumulent des documents administratifs nominatifs, du porno japonais téléchargé, un premier roman à plaire, assuré best-seller, recherchée selon une annonce de Libération, lectorat notamment de mendiants, tu m’en diras tant. Puisque, dès le début, la poésie paraît disparue, les poètes idem, l’horizon, celui d’une enseigne, de ses néons, gare au hangar, dissous à l’unisson, demeurent le matérialiste mystère, la proximité de l’imaginaire, l’effet d’effroi du fait divers, immolation féminine sur Facebook en prime. Sises sous le signe guère égrillard de Baudrillard, citations essaimées dare-dare, à côté des titres humoristiques de Frédéric Dard, les chroniques drolatiques se soucient cependant de la mélancolie de Superman, adoubé naguère par Dick Donner, Orphée stellaire à faire tourner la tête et la Terre à l’envers, n’oublient pas l’inoubliable Seiza, Nippone pas à la gomme, ou alors un peu, de pneu, adepte du bondage tout sauf sacrilège, de l’humiliation en réunion tissée à la ritualisation. Un soir, l’aviné Beauvoire se fait avoir, copule avec la sœur déprimée, enrobée, retournée, sperme sur ses fesses, d’un ami au terme d’une slave et sudiste soirée. Sa propre sœur, photographe romantique pragmatique addict aux ruines, se contente dixit d’un plan cul baveux et bienvenu, pas uniquement au barbecue. Son microcosme de société condamnée, à la mobile immobilité, espace des possibles ouvert en définitive sur le passé pour l’instant encore approvisionné en énergie fossile, notre anti-héros philo et rigolo le scrute en type invisible attristé, ethnologue improvisé. Les films de Miller, Fleischer, Leone, Emmerich, Honda, Demy, Godard ; les dames à jouer, rejeter, désirer, recadrer ; Poe & Pessoa, Houellebecq & Baudelaire, Sade & Fitzgerald, le Camus de La Chute ou du ballon rond ; Nietzland & Ray, l’idolâtre Jean Pol et le redoutable boss ; lui aussi en limite du périph, un hôtel Campanile propice aux colère et réconciliation clandestines, une maison pas si inhabitée, aux jumelles miroitées ; un prêtre patibulaire en étonnantes rangers ; une culotte culottée au creux d’un tiroir trouvée, en dentelle ébène ; la présente impasse et le rêve du Texas ; le super et l’ordinaire, ceux de la pompe, du coup de pompe ; la valeureuse vidéosurveillance et l’arrivée des vacances ; des langoustes vivantes endormies au durian ; un vernissage de vrai-faux mariage ; une lesbienne malicieuse, une suspecte tronçonneuse ; un mobil-home et un homme anonyme ; une grève again de conducteurs routiers, donc des raffineries à l’arrêt, des clients aux aguets, excités ; un écran de TV soudain éteint, après les informations en continu, aux sons et aux images discontinus, voici sur le béton un docte docu, le pompiste parfois lucide et souvent translucide attaché, alité, volontiers asservi, averti, fi du fluide de l’inertie, étalon, tiens bon, enfin le lendemain, motorisé mais incertain – novice cosmopolite, Alexandre Labruffe le lecteur ne brusque, la lectrice déride, ne leur lâche la bride, tandis que l’opus pointilliste esquisse en sourdine un spleen empathique et eschatologique, la jolie élégie ralentie, laconique et tragi-comique, d’une absurdité d’actualité, de  diesel délestée…            

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