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Affichage des articles du janvier, 2017

L’Arche russe : La Maison Russie

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre d’Alexandre Sokourov. Dans un entretien (disponible sur le site supra ) avec Michèle Levieux à l’occasion du Soleil , Sokourov se remémore : « Avec la vieille dame d’une vie humble, j’ai vécu le Japon de l’intérieur. Et en même temps, je consultais des archives. J’ai écouté les gens attentivement, observé leur comportement, comment ils pensent et comment ils rient. Lorsque j’étais dans la foule, j’essayais d’être invisible comme eux. Je leur montrais que je voulais recevoir d’eux ce qu’ils voulaient bien me donner. » Trois ans plus tôt, le voici en voix off dans les ténèbres, parlant d’un « grand malheur » obscur, se retrouvant illico dans les couloirs de l’Ermitage, à la suite d’un avatar de Virgile démarqué du marquis de Custine, ironique explorateur livresque de la Russie au dix-neuvième siècle. Boulevard du crépuscule meets Le Syndrome de Stendhal  ? Un peu, oui, et cette improbable renco

Mon cher petit village : Partie de campagne

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Jiří Menzel. Une comédie tchèque ? Cela sonne comme un oxymoron, non ? Prague, son printemps, ses chars, ses performeuses de pornographie (que devient Silvia Saint ?), Kafka, De Palma (le début de Mission impossible ), voilà, voilà (qui guère n’incite à se gondoler, pas vrai, même si les aventures de Gregor Samsa ne manquent pas d’humour, certes aussi noir qu’un cafard). Mais la Bohème – tout un imaginaire surgit de ce seul mot, en écho à la madeleine proustienne sensorielle – sut sourire, pas seulement dans les années 60, quand l’Ouest découvrit, assez ébahi, ce qu’il qualifia, paresseusement, d’après le sursaut de Truffaut and Co ., de « Nouvelle Vague » venue de l’Est (Věra Chytilová, Miloš Forman, Jaromil Jireš, Jan Němec ou Ivan Passer, et j’en passe, notamment Jan Švankmajer, Jiří Trnka & Karel Zeman dans l’animation ou Gustav Machatý en pionnier polisson, cf. son Extase avec Hedy

Accident : Le Cerveau

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Soi Cheang. Le cerveau, on le sait, crée la réalité à partir de l’œil, des informations que le second transmet, que le premier interprète, de façon plus ou moins correcte. L’essentiel invisible aux yeux, seulement accessible au cœur, comme le prétendait un fameux petit prince de désert imaginaire ? Accident , faux polar et vrai mélodrame méta – un film de et sur le cinéma, donc – tendrait à le faire croire (voir équivaut à croire, paraît-il). Le bien nommé Cerveau s’avère un réalisateur qui s’ignore, puisqu’il dirige une équipe (de tueurs), élabore avec eux des scénarios d’assassinats (sans commettre la moindre faute, affirme avec orgueil la femme du groupe intergénérationnel, probablement amoureuse du mauvais homme), réalise des fictions pour le compte (en banque) d’autrui. Tout ceci rappelle ou renvoie vers le cinéma, le processus de création filmique, de la production en amont à la distribu

L’Anglais : Blessures et Rires de John Hurt

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Police de la pensée en Espagne dans le film-réalité de nos années. Le fils du vicaire ne semble avoir jamais connu la jeunesse – et cependant ce gamin-là, interdit par son père de cinéma, dut la rencontrer, la conserver en lui tout au long de ces longues années, qu’il honora, « acteur à louer », selon ses propres dires modestes, de plus d’une centaine de films, sans compter ses nombreuses apparitions à la TV ou le prêt (rémunéré) de sa voix pour des jeux vidéo. Soixante ans de carrière permettent certes cela, avant qu’un cancer du pancréas ne vous emporte en compagnie de notre Emmanuelle Riva. Sur la scène shakespearienne du monde, chacun tire sa révérence, en fin, milieu ou début d’année, ouais. Hurt, se foutant carrément des blessures classées narcissiques causées par son métier d’exhibitionniste, joua souvent des seconds rôles bien plus intéressants que les premiers, réussissant cet exploit d’acquérir la gloire et l’immortalité provisoire de la cinéphilie via un masque mo

C’est la vie : Visions et Dérives d’Emmanuelle Riva

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Soixante ans d’amour distant. Elle vient donc d’atteindre le dernier rivage, où tous nous aborderons, vaincue par le Crabe qui se contrefout des César, des Oscars et autres piètres récompenses (pléonasme). D’Emmanuelle Riva, à Hiroshima – que vit-elle de l’horreur américaine, sinon la peau semblée irradiée, si brillante dans le noir et blanc contrasté osé par Resnais, de son amant japonais – ou ailleurs, on vit le visage sage, aux traits réguliers, à la beauté stylée, élégamment datée, d’une femme des années 60. On entendit sa voix précise, précieuse, à la délicieuse préciosité d’une fille enfuie de sa province vosgienne, venue à Paris exercer l’incertaine activité de comédienne (la couture mène à tout, à condition d’en sortir). Elle ne venait pas d’un milieu privilégié, elle possédait, à l’instar de millions de Français, des origines étrangères, ici du côté de l’Italie par son père, et quelque chose de sudiste, disons de viscontien, reposait sur son visage, sur son sourire o

Saya Zamuraï : Les Rois du gag

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Hitoshi Matsumoto. Au départ, dans une forêt, un homme s’arrête de courir, à bout de souffle ; plus tard, il fera tourner un rosé moulin à vent, son souffle défaillant bientôt supplanté par une bourrasque : cette belle idée visuelle et existentielle, physique et symbolique, paraphe le style comportementaliste et le talent poétique du réalisateur. Saya Zamuraï , comédie dramatique intrinsèquement japonaise, immédiatement accessible à n’importe quel gaijin, surtout cinéphile, débute en pastiche doloriste de la saga Baby Cart  : le samouraï sans épée (au fourreau vide, donc) du titre échappe de très peu à trois tentatives d’assassinats commises par des chasseurs de primes stylisés de BD nippone, un ersatz de Bowie muni de revolvers (d’une seyante combinaison rouge assortie à un air morriconien de guimbarde), une femme fatale joueuse de shamisen, un « chiroprac’tueur » pratiquant l’étranglement tê

Brigitte Lahaie : Les Films de culte : L’Étalon noir

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Elle s’immobilise, elle se démultiplie, elle se souvient puis s’enfuit dans tes nuits. Quarante-cinq euros, écot de « financement participatif » en ligne – appel pour autorisation exceptionnelle de la banque : voici ce qu’il faut faire, quand tu ne possèdes pas de cellulaire – et, plus d’une année après, réception en Colissimo à domicile. Un livre d’environ deux kilos, aux extrémités du dos tassées (on imagine la délicatesse proverbiale du traitement postal) ; trois DVD avec boîtier (duo de documentaires redondants associé à Ta gueule, je t’aime ! de Serge Korber, réalisateur « traditionnel » et « spécialisé ») + deux doublons dans des pochettes en plastique ; des reproductions de planches-contacts explicites ; une image de bain botticellien au mauvais goût très années 80 ; l’inventive typographie rougie de Je brûle de partout  ; un projet de couverture synthétique, tel un manifeste d’art « naïf » en partie inspiré par le clairement mauvais Dark Mission, les fleurs du mal d