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Affichage des articles du mars, 2016

La Femme du policier : 71 fragments d'une chronologie du hasard

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Philip Gröning. On garde un bon souvenir du Grand Silence (pas celui de Sergio Corbucci !), documentaire austère et mystérieux de 2005 dédié aux moines de la Grande Chartreuse, déniché (en bon athée) une matinée de grisaille, dans la salle silencieuse et quasi déserte d’un petit cinéma de province, sis au sein d’une ville française réputée pour ses basses températures. Sur la foi de cette réminiscence, nous décidons de nous risquer aux déboires (primés à Venise) de la femme (et mère) au foyer battue par son policier allemand de mari, étalés sur cent-soixante-douze minutes et cinquante-neuf brefs « chapitres » numérotés (en lieu et place des extraits bibliques d’autrefois), chacun introduit et conclu par le rite lancinant des Anfgang et Ende , chacun clos sur la nuit lente du fondu au noir. « L’exosquelette » structurel (Michel Chion à propos de Shining dans son essai exhaustif sur Kubrick), le proc

Jean Rollin, le rêveur égaré : Nekromantik

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Souvenirs (les siens, les nôtres) d’un cinéaste aimable, au présent et à contre-courant… Un rêveur, Rollin ? Assurément, mais surtout quelqu’un qui fit de son mieux (jusqu’au pire) pour concrétiser ses rêves, les matérialiser au contact du cinéma (art mécanique et fantomatique) puis de la littérature (liberté d’expression payée au prix de la solitude). Un égaré (loin de Téchiné) ? Un démiurge parfois perdu dans son univers, certes, mais aussi un homme (populaire et cultivé, son cœur politique battant à gauche) de son temps, sensible aux désastres du siècle (la Shoah, explicitement citée dans La Nuit des traquées , la dictature de Franco, abordée brièvement dans Vivre en Espagne ) et à ses mouvements esthétiques (collaboration avec Marguerite Duras sur L’Itinéraire marin inachevé, passage « alimentaire » par le X « ludique » des années 70).   Le principal atout de ce documentaire (un peu) scolaire, (pas assez) imaginaire et (toujours) sincère réside dans la ju

Bad Guy : Les Amants criminels

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Ravissement à double sens, passion à sens unique – et si l’issue de secours résidait en soi-même ?...  À Audrey Jeamart L’écrivain selon Poe, le dernier mot trouvé avant même de poser le premier : magma de la foule urbaine au plan liminaire, camionnette s’éloignant sur une route en bordure de mer durant l’ultime plan (d’ensemble), bientôt réduite à un point rouge sur fond noir et hymne suédois religieux dédié au Père qui accompagne, jour après jour, avec en point commun les protagonistes inconnus/reconnus. Tout le film de Kim Ki-duk, cinéaste formé aux Beaux-Arts parisiens, se tient entre ces deux motifs graphiques et métaphoriques – vivre comme les autres/vivre en marge, épouser le courant/remonter à contre-courant, se fondre dans l’anonymat rassurant de la masse ou suivre un chemin singulier, inconfortable, accidenté. Ce long métrage de peintre jamais pittoresque se place sous le signe émouvant et convulsif d’Egon Schiele, la reproduction de l’un de ses tableau

The Revenant : Only God Forgives

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Tout ça pour ça, ironisait Lelouch ; idem avec cette vanité d’enfant gâté à l’itinéraire balisé, surproduite et survendue.  Printemps du Cinéma, séance à quatre euros, « De Grands espaces, de Grands acteurs, de Grandes histoires, de Grandes émotions... pour de Grands moments forcément sur Grand écran ! » comme fanfaronne la FNCF (Fédération Nationale des Cinémas Français), un gris dimanche après-midi, une salle provinciale remplie d’un public hétérogène et clairsemé, une recommandation familiale, un réalisateur pourtant guère apprécié naguère, dans son insipide et prétentieuse pesée des âmes – nous voici à proximité de l’issue de secours (funeste présage). Bandes-annonces bruyantes et insultantes dans leur puérilité US, leurs bons sentiments dégoulinants, leur morale manichéenne de malbouffe imagière, assorties d’un avertissement anti-piraterie (ah, les déboires de la propriété moderne).   Puis le piège à Oscars et dollars lui-même, en VF, on s’en fout, dans sa maje