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Affichage des articles du septembre, 2017

Traque sur Internet : Impressions sur une dématérialisation

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Archéologie et technologie, errance et substance, esthétique et politique…   À l’heure où Jacques Aumont loue les bienfaits de l’interprétation, envisageons Internet comme une immense cinémathèque. Il s’agit, littéralement, d’une utopie, d’un lieu qui n’existe pas, hors l’hébergement physique et géographique des serveurs, les éventuelles redirections par des pays de transition. Dans ce territoire désincarné accessible via un clavier, à peine quelques clics et, bien sûr, un fournisseur d’accès, un navigateur de virtualité(s), des milliards d’images animées nous attendent, avec une patience supérieure à celle des filles en vitrine d’Amsterdam (ou Amsterdamned , corrige Dick Maas, écumeur de canaux utérins et réparateur de cabines d’ascenseur propices à la copulation, à la terreur [1] ). La linéarité reste en retrait, au profit de la mosaïque ; l’espace-temps émergent se joue des paramètres euclidiens ; le hasard n’existe qu’en surface, orienté par d’intéressées recommandations

À vif : Mourir d’aimer

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Guillaume Foresti. Le désamour (vous) tue : pourrir d’aimer (Cayatte à la trappe), de ne plus l’être, jusqu’à vouloir disparaître, s’ensevelir encore vive dans un silencieux caisson de morgue, refermé tel un glas. L’héroïne quasiment anonyme nous rappelle Seth Brundle, le scientifique insectoïde de La Mouche de David Cronenberg, métrage davantage préoccupé par la maladie, la vieillesse, la contamination (SIDA ou non) que par la rupture d’un couple, sa cassure dissimulée-démontrée dans une caresse perplexe inaugurale. Comme le chercheur doué pour son malheur du don d’ubiquité, variation de téléportation, elle se détruit de l’intérieur, elle tombe en ruines à l’extérieur. Pas de musée mélancolique dressé à son humanité enfuie ici, à peine deux doigts infectés, un ongle arraché, un reliquat de pourquoi enroulé dans un mouchoir immaculé, jeté à la dérobée dans l’interstice complice de la bouche

Solitudes : L’Interprète

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Liova Jedlicki. Les films didactiques nous intéressent autant que le cinéma de Luc Besson et la France d’Emmanuel Macron, mais Solitudes s’extraie sans effort de sa dimension disons éducative. Il s’agit d’un petit film comportementaliste dont la teneur documentaire se voit équilibrée, sinon corrigée, par une évidente élégance formelle. D’une certaine manière, il débute où finissait (c’est-à-dire commençait) Irréversible . L’argument se résume ainsi : une prostituée roumaine vient de se faire violer par sept compatriotes munis d’une perceuse, outil domestique molto phallique déjà usité par Abel Ferrara & Brian De Palma dans Driller Killer et Body Double (les Italo-Américains cathos et provocateurs paraissent apprécier l’équivalent local de notre Mr Bricolage). Un locuteur natal l’accompagne à l’hôpital puis au poste de police, passage d’un endroit à l’autre via un panier à salade où u

Vacances à Venise : La Vieille Fille

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de David Lean. Jane Hudson (Kate Hepburn, à contre-emploi, en robe) tient la même caméra (à trois objectifs) que Mark Lewis dans Le Voyeur et comme lui elle s’en sert à la manière d’un bouclier entre elle et le monde. Mais la secrétaire (économe) finira par s’en défaire, par l’abandonner dans sa pension échangiste. Plus courageuse que le cinéaste amateur (de femmes immortalisées dans la peur, à mater en s’astiquant devant un snuff movie implicite), probablement moins tourmentée par son papa, l’Américaine (se) guérit de son bovarysme affectif et touristique. Elle s’en sort beaucoup mieux que les héroïnes blessées de Brève rencontre et La Fille de Ryan , qu’elle relie dans sa maturité entre deux eaux (de la lagune). Si Lean ne nous montre jamais les images qu’elle filme, il fait de son film un rêve éveillé, il pratique le POV pour ainsi dire au style indirect, il cartographie un ensemble de stéréotypes (esthéti

Barbara : Métamorphoses du cinéma méta

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Méta quoi ? Mettons-nous au parfum métaphysique… À Michel Feur et tant pis pour le maestro Federico Le cinéma aime le cinéma et sans doute s’aime-t-il davantage que le monde alentour puisqu’il ne cesse de lui substituer le sien. Franchement, le cinéma méta en soi, cela nous passionne autant que les suppléments souvent navrants de DVD, que les doctes discours des critiques, des spécialistes, des exégètes, plus pitoyables que les proverbiaux « professionnels de la professions » ( copyright à JLG, on le sait), durant leur exercice de dérisoire délivrance du « sens », du « message », de la valeur et de la genèse des œuvres, ou que les risibles selfies d’adulescents sur liste d’attente (Emmanuelle Béart, missionnaire impossible, se prend dorénavant pour Sharon Stone, la pauvre). Le narcissisme du nombril en gros plan, contrepartie narrative des minables cérémonies onanistes et incestueuses du type Oscars ou César, laissons-le bien volontiers à ceux qui s’astiquent avec, en V

Terminus : Divagations à propos d’un évanouissement

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The End, Ende, Fine, Fin, enfin… Puis la mention polyglotte disparut, suivie bientôt par le générique d’ouverture et/ou de fermeture. Comme si le mot de la fin littéralement ne revenait plus à l’écran. Comme si la tautologie lexicale s’ouvrait sur un infini au-delà de la salle. Comme si la liste des artisans, pas encore intermittents, n’intéressait personne si pressé de sortir du mausolée. Le rite funéraire du cinéma se passerait donc désormais d’épitaphe. La fin, a fortiori définitive, il fallait la chercher ailleurs, par exemple à Auschwitz ou à Hiroshima. Ici et là l’Histoire mit fin à toutes les histoires. Le traumatisme insurpassable mit un terme à toutes les formes d’humanisme et démontra à l’humanité sa malédiction, sinon sa disparition. Le cinéma sismographe ne pouvait pas ne pas enregistrer cette césure du siècle, abjecte, inédite et vertigineuse. Gardons-nous cependant de l’identifier en naissance de sa modernité, rappelons-nous des prouesses et des promesses du m