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Affichage des articles du mai, 2021

L’Image de pierre : La Forteresse vide

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  La chair et le sang, l’essence et l’instant… En sus d’annoncer le célèbre Solaris de Stanislas Lem, d’anticiper le fameux Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, d’adresser un double clin d’œil au précédent et désespérant Désert des Tartares , car architecture à l’usure, militaires à ne rien faire, L’Image de pierre présage le couple en déroute de Un amour , comporte une coda à la Caligula de l’amical Albert Camus, métamorphose Orphée à la sauce SF. Si tout cela ne vous suffit pas, si vous lisez de musique accompagné, on propose en playlist Build Me a Woman des Doors, Forteresse de Fugain, Utopia de Goldfrapp. Journaliste et artiste, conteur et dramaturge, peintre et poète, Dino Buzzati signe ici un livre assez unique, pas seulement parmi une bibliographie à tendance dite « fantastique ». En VO, ce roman stimulant, amusant, émouvant, s’intitule Il grande ritratto , par conséquent « le grand portrait », au sens pictural du terme. Moins d’une t

Tom et Jerry

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  Un métrage, une image : Fair Game (1986) Exercice de style habile, jadis jugé misogyne, aujourd’hui félicité féministe, Fair Game s’avère vite un ouvrage toujours divertissant, un opus jamais complaisant. S’il bénéficie du beau boulot du directeur photo Andrew Lesnie, ici à ses débuts, ensuite partenaire de George Miller ( Babe, le cochon dans la ville , 1998) et surtout de Peter Jackson, éclairant son épuisante pentalogie de tolkienneries, son remake à la con de King Kong (2005), son adaptation du bouquin à succès d’Alice Sebold ( Lovely Bones , 2009), Fair Game vaut avant tout pour la découverte de la svelte Cassandra Delaney, actrice furtive dont la performance physique suffit à lui assurer une méritée renommée, pas qu’auprès du guignolo Quentin Tarantino. Traquée par trois connards guère queutards, plutôt portés sur le massacre motorisé de kangourous nocturnes, équipée bleutée, patraque, très à la Razorback (Russell Mulcahy, 1984), notre soigneuse de sanctuaire se t

Mirror, Mirror : The Serpent and the Rainbow

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  Blanche-Neige et ses sept nains ? Des femmes réfléchissant (à) leur destin… Sur la surface de la glace, un duplicata de Carrie (Brian De Palma, 1976) ; en profondeur de la peur, le reflet d’une féminité. Avec ses équipes dites « artistique » et « technique » à dominante du « deuxième sexe », notre époque de quotas au cinéma admirera, avec son script co-écrit par des sœurs spécialisées dans la livresque horreur, avec ses personnages d’hommages et d’outrages de protectrices et de prédatrices Mirror, Mirror (Marina Sargenti, 1990) dépoussière – au propre et au figuré – un accessoire dérisoire, un motif majeur, une image « magique » et méta. Au-delà, il adresse des clins d’œil aux jumelles « mortelles » de Sisters (De Palma, 1972), à la piscine de La Féline (Jacques Tourneur, 1942), sinon à celle de Suspiria (Dario Argento, 1977), au torrent de sang de Shining (Stanley Kubrick, 1980), en sus d’annoncer le cannibalisme sentimental de Trouble Every Day (Claire Denis, 2001). Aprè

De bruit et de fureur : Mon poussin

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  Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Jean-Claude Brisseau. C’était une douce habitude jadis que de revoir des films, elle se perd. Baudrillard, Amérique En 1986, après cinq ans de mitterrandisme, les flics français ne manifestaient pas déjà devant l’Assemblée, mais ils se faisaient fissa « caillasser », une assistante sociale aussitôt démissionnait, menacée à domicile au flingue in fine rigolo, puisque pistolet à eau, fi du sentimentalisme dépressif de la pionnière série Pause café . Chaque plan impeccable, implacable, le « débutant » Brisseau cadre au cordeau un mélodrame familial très vite (dé)tourné vers l’antique, le mythe, la tragédie-pédagogie triviale, spectrale. Incarnée par « l’accoucheuse », c’est-à-dire la monteuse (et costumière et décoratrice) María Luisa García, aka Lisa Hérédia, actrice moins mutique et assembleuse aussi chez le cher Rohmer ( Le Rayon vert , 1986 ou Conte de printemps , 1990), par ailleurs producteur, « l’Appar

Moi, Daniel Blake : Un monde sans pitié

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  Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Ken Loach. Dès le début, un modèle de dialogue dérisoire et drolatique, la voix du survivant s’élève d’entre les ténèbres et donc d’outre-tombe : Moi, Daniel Blake (2016) ou la « chronique d’une mort annoncée », durant un instant de ciné, de solidarité(s) dissipée, in extremis , sur le seuil de la justice, vite définitive, au miroir mouroir, aux toilettes suspectes. Blake ne se prénomme William et ne cède au Ciel, se fiche de l’Enfer, de leur mariage, le sien, tout sauf parfait, fi d’enfant, démoli par la cyclothymie, la maladie, puis par un deuil le laissant « perdu », démuni. Ce charpentier ne s’appelle pas non plus Joseph et sa Marie Madeleine à lui répond au nom de Katie, elle fera in fine la putain afin d’alimenter, de réchauffer ses attachants gamins. Tandis que le pharisaïsme du capitalisme étudie son dossier, que Cameron mime Caïphe, Daniel, peste d’ancêtre prophète, ne fuit des fauves, Suzanne ne sauve,

La Chasse : Les Prédateurs

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  Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Carlos Saura. On peut penser bien sûr à une scène célèbre de La Règle du jeu (Renoir, 1939), néanmoins La Chasse (1966) remémore et annonce le cinéma de Sam Peckinpah, surtout celui de La Horde sauvage (1969) et des Chiens de paille (1971). Quatre types pas très catholiques se retrouvent vite au milieu d’un territoire martien, inclément et malsain, un « endroit parfait pour tuer », en effet, in extremis et en accéléré s’entretuer. Ouvrage sur le « naufrage » de la vieillesse, la virile détresse, l’amitié à ne pas « souiller », la vie décevante impossible à recommencer, La Chasse possède une violence évidente et latente avérée, à faire passer celle, tout autant réelle, non simulée, du classé scandaleux Cannibal Holocaust (Deodato, 1980), pour un divertissement innocent. Saura n’épargne personne et donne à dessein mal au cœur au spectateur. Sa leçon de réalisation, a fortiori à la suite des « informes » Une v

Chemtrails over the Country Club : Comme un avion sans aile

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  Traces aériennes, transe sereine… Revoilà la cara Lana où l’on ne l’attend pas, délocalisée du côté ad hoc de la folk , reprise comprise du For Free joli de Joni (Mitchell) et en beau trio, car Zella Day & Weyes Blood s’y collent. Escortée de son compositeur et producteur préféré, le point rosse Jack Antonoff, Mademoiselle Del Rey signe une réussite située au sein du sillage de Born to Die , Ultraviolence , Honeymoon , Lust for Life et Norman Fucking Rockwell! . La chanteuse chaleureuse, audacieuse, malicieuse, sait à l’instar de Lynch & Minnelli, clin d’œil inclus au titre d’origine de La Vie passionnée de Vincent van Gogh (1956), ou alors du Cronenberg rockwellesque de Dead Zone (1983), que le royaume d’Amérique nordiste possède aussi quelque chose de pourri, que le « rêve américain » dissimule et produit un cauchemar malsain, « climatisé » à la Miller, coloré à la Sirk. Les onze titres de Chemtrails over the Country Club , appréciez l’allitération en réunion, c

Pop Paradjanov

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  Katie & Stefani, Sergueï & Tarsem… Deux chanteuses valeureuses, deux clips inventifs, un même hommage pourvu de dépoussiérage, à un cinéaste assez insaisissable : (re)voilà Katie Melua & Lady Gaga, femmes fréquentables et artistes cinéphiles, très bien inspirées par la poésie du pionnier Paradjanov, c’est-à-dire, en définitive, en partie par celle d’une troisième consœur du classé « deuxième sexe », à savoir une muse mutique et magnétique nommée Sofiko Tchiaoureli, l’actrice transgenre et polyvalente de La Couleur de la grenade (1969). Si Ketevan ne se voit, donne à entendre sa voix, Mademoiselle Germanotta se met en scène et se souvient aussi d’une certaine Frida. Si Katie partage avec Sofiko la Géorgie, Stefani en tandem avec Tarsem ( The Cell , 2000 ou The Fall , 2006) frise la folie, l’increvable Le Magicien d’Oz (Fleming, 1939) relit ou revit, au passage déjà revisité par le sieur Singh durant les dix épisodes de sa série Emerald City (on aperçoit une second

Un film, une ligne

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  Cinoche moche, vie brève, texte « in progress »…   Une vie violente (Thierry de Peretti, 2017) Auteurisme théâtral, in extremis psychologique, dont la facticité des flammes n’enflamme… Double Take (Johan Grimonprez, 2010) Interminable et muséal salmigondis, commis par un « artiste multimédia » multimédiocre… Mandibules (Quentin Dupieux, 2021) Téléfilmée moralité d’amitié anémiée, où Exarchopoulos s’époumone ; Cronenberg ricane… The Rider (Chloé Zhao, 2017) Interminable mélodrame œdipien-équin : garder le bagarreur Bonner, bazarder à Bartabas… El Presidente (Santiago Mitre, 2017) La baudruche politique puis psychologique (se dé) gonfle vite, l’irrésolution assure la vanité… Le Sel de Svanétie (Mikhaïl Kalatozov, 1930) Du docudrama de propagande qui cependant déplut, dommage pour l’admiratif Tarkovski… Adieu les cons (Albert Dupontel, 2020) Mélo démago d’ opus anti-police, éclairé comme une publicité, rempli de spéci(a)eux effets… Caramel (N