Olivier, Olivier

 

Un métrage, une image : Maldone (1928)

Entre la « romani » et le « roulier », le canal et le courant passent. Mais une mort dans la famille, amitiés à James Agee, redistribue la donne et renverse les rôles. Doté d’un patronyme explicite, Olivier Maldone se voit vite ainsi asservi aux « servitudes de la richesse », piégé par la « prison du bonheur ». L’héréditaire propriétaire terrien pour rien recroise sa belle Bohémienne transformée de facto en danseuse de casino, « étoile » éteinte, presto éclipsée, dépassons le passé, mon ami ne m’en voulez. Puisque le divisé destin se lit parmi les lignes de la main, Maldone au programme de la parole se conforme, massacre le miroir, se sépare des apparences, élit l’errance. Il ouvre itou le flacon d’un papillon, symbolisme de bestiole, son oncle à la Nabokov s’en désole, sa frêle Flora il affole, par écrit demande le pardon de sa démission. La coda à dada s’ouvre sur l’avenir, voire le vertige d’une liberté retrouvée, ivre de son propre vide. Grémillon signe donc son premier long, sorte de vrai-faux western à la morale sociale et à la sensualité des paysages puis des visages. Même si Maldone se situe sous l’égide de Dullin, auparavant à l’écran adoubé par Bernard (Le Miracle des loups, 1924, Le Joueur d’échecs, 1927), caméo de Marcelle sa dame en diseuse de bonne ou davantage mauvaise aventure en sus, le cinéaste ne sert la soupe à personne, associe réalisme et lyrisme, paires d’oppositions et unisson de l’accordéon. Bruel aux oubliettes, pas d’amant durant la Saint-Jean, juste des plongées à pic sur la folle farandole de la festive clique. Bien éclairé par deux déjà maestros de la direction de la photo nommés Matras & Périnal, notre réalisateur jamais amateur magnifie Génica Athanasiou, aperçue chez Germaine Dullac (La Coquille et le Clergyman, 1928) & Pabst (Don Quichotte, 1933), comédienne du mentor Dullin encore, qui fit aussi tourner la tête d’Antonin Artaud, on (le) comprend illico, n’oublie pas la bienveillante Annabella, compose quelques morceaux exécutés au côté d’extraits de Debussy, Honegger, Jaubert, Milhaud, Satie et le renfort du cinéphile Richard Galliano. La maîtrise de la caméra ne trompe pas : Grémillon n’expérimente, il (s’)exprime, plus proche de Renoir que de L’Herbier, sa chevauchée fantastique aux limites de l’asile, du suicide, se déroulant une dizaine d’années avant celle de Ford. D’un Maupassant au suivant, possible parallèle avec Partie de campagne (Renoir, 1946), le documentariste franchit la frontière de la fiction, escorté du scénariste/dialoguiste Alexandre Arnoux (La Charrette fantôme de Duvivier, 1939, d’après Selma Lagerlöf), réussit le pari, livre une œuvre vive, un mélodrame aéré, le récit d’une erreur toujours prometteur.

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