Entre les jambes

 

Un métrage, une image : Last Seduction (1994)

Qualifiée de « cathédrale sexuelle » par le spécialiste admiratif José Bénazéraf, Linda Fiorentino jubile à jouer (à) la « garce hypocrite », son avocat dixit : en train de s’éclater au creux de l’habitacle nocturne, chevauchant son amant à l’arrière, de derrière, elle se marre à lui répondre « Je suis la reine des salopes ! », réplique explicite de lucidité ad hoc. Dans Jade (Friedkin, 1995), elle rira bien moins, elle finira plus mal, prisonnière de l’enfer conjugal. Pour l’instant, trois ans avant le presque divertissant Men in Black (Sonnenfeld, 1997), au passage l’un de ses dernières apparitions, la voici en voleuse machiavélique et quasi en fuite, ancienne directrice sans merci d’une société de télémarketing reconvertie en nouvelle directrice des relations publiques d’une société d’assurés sise à « Ploucville ». Du côté de Buffalo, pas de machos ni d’amer mari démuni aux doigts démolis, juste un type gentil et stupide, traumatisé en raison de son mariage transgenre, excité par l’exil infantile. Il voudrait communiquer, comprendre, qu’elle lui fasse confiance, le laisse lui offrir des fleurs, elle séduit, c’est-à-dire, de manière étymologique, moralisatrice, elle détourne du droit chemin, notamment masculin, elle jouit, elle réfléchit, elle feint au téléphone de se faire violer, possible sodomie provoquée, enragée, mais in extremis elle baise les deux mecs, les défonce à fond et les enfonce profond, le premier attaché, asphyxié, le second en prison. Bridget devient donc Wendy, pas de Peter Pan la douce amie, pourtant elle punit deux grands « garçons perdus » de la modernité, de la virilité. Faux « film noir » et réussie comédie homonyme, Last Seduction s’avère vite l’ouvrage d’un scénariste, en l’occurrence le doué débutant Steve Barancik, d’une remarquable et remarquée actrice, soleil sombre auquel s’incendier « à l’insu de son plein gré ». Ensuite au service de la TV, cela ne surprend pas, Dahl se limite à illustrer une toujours stimulante, jamais surprenante, resucée de Assurance sur la mort (Wilder, 1944), où le féminisme fricote avec le capitalisme, où le libéralisme économique équivaut à son homologue orgasmique, où le provincialisme se colore de racisme. Menés par le bout de la bite, les hommes succombent en série, face à l’amazone supposée profiter du flouze des épouses trompées, frappées, des dames âgées escroquées. « Everything in the world is about sex, except sex. Sex is about power », cet aphorisme attribué à Oscar Wilde résume l’item, jeu de dupes masochiste dont le cynisme et l’immoralisme assumés font in fine souvent sourire à défaut de faire défaillir. Pendant l’épilogue, l’altière reine de New York vêtue de vert se casse en mouillé corbillard de richard.

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