Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de William
A. Seiter.
Stanley Kubrick connaissait-il Sons of the Desert (1933) ? La première scène domestique surprend, présage
presque Shining (1980) : Oliver énonce le dicton de Nicholson sur le
travail, le jeu, l’ennui de Jack et Lolly, sa compagne tout sauf à la Wendy, le
menace d’une lame maousse, énamourée de dépaysement montagnard. Ainsi va le
cinéma, ainsi la cinéphilie établit des correspondances amusantes,
inquiétantes, la transposition du roman de Stephen King elle-même à savourer en
comédie noire, marque de fabrique du cinéaste sarcastique et sentimental. Formé
par Mack Sennett, ensuite employé productif chez Universal & RKO, Seiter ne
possède point le formalisme de son compatriote, sa mise en forme fonctionnelle
ne comporte qu’un plan bienvenu à la grue, lorsqu’un représentant de la
compagnie maritime s’adresse aux proches des victimes. Sinon, l’action se situe
in situ, entre les trois murs de deux maisons mitoyennes, le quatrième
aussi invisible que sur une scène. Assorti de Lloyd French en associate director, Seiter et son fameux tandem,
escortés par les fidèles mais non crédités Jack Barty, Glenn Tyron, Eddie
Welch, adaptent d’ailleurs une histoire du dramaturge Frank Craven, dont l’argument
miroite en partie les propres problèmes maritaux des intéressés, en sus de s’inspirer
du On
a gaffé (1928) de Leo McCarey, la pluie substituée à l’incendie. Sous l’égide
du producteur patriote, du scénariste stakhanoviste Hal Roach, Laurel & Hardy affrontent leurs épouses respectives, notez la significative orientation
des noms près des sonnettes, bien portées par les précises Mae Busch & Dorothy Christy. Laissons les universitaires US s’astiquer avec la supposée
homosexualité des duellistes, cédons aux lobbyistes théoriciens du genre la
guéguerre des sexes ici décrite, reconduite.
À tout prendre, l’interprétation psy
paraît plus jolie, nos menteurs innocents, no
sex please, pas même au cours de leur convention à la con, souhaitée
secrète, de société maçonnique relookée par l’orientalisme californien, d’abord
maternés puis réprimandés par des mamans d’un autre temps, cependant très
américaines, puisque les femmes manient aussi le fusil, Charlton Heston ne s’en
étonne, la NRA fait sa part, en tout cas celle de Roosevelt, sigle ésotérique idem
au générique de L’Impératrice rouge (Josef von Sternberg, 1934). Tandis qu’en
Allemagne un peintre recalé, semblable moustachu, s’empare du pouvoir, que Fay
Wray s’époumone auprès de son prétendant préféré (King Kong, Merian C.
Cooper & Ernest B. Schoedsack, 1933), nos lascars respectables, confortables, décident d’aller sous
serment s’encanailler du côté de Chicago, y croisent un Charley Chase hilare, frère
aux farces et attrapes patraques, font fissa de la figuration le long d’une
parade de saison. Les dignes dames indigènes, restées en arrière, les croyant
en villégiature médicale à Honolulu, docte recommandation de vétérinaire, les
reconnaissent aussitôt au cinéma, moment méta gentiment heuristique, preuve par
l’image du « subterfuge » emprunté au français, du vrai-faux naufrage
par la presse relayé. De la fidélité des hommes au home invasion, il s’agit
toujours, mon amour, d’une lutte de territoire, tropisme de l’imagerie
étasunienne, sinon de sa psyché de pionniers occupés à spolier les terres
originelles. Le western dépassé, pas
seulement celui du muet, la querelle se règle à coup de vaisselle cassée, non plus d’Indien
descendu. L’honnêteté de Stan Laurel in
fine récompensée, honesty is the best
policy, indeed, boucle bouclée
sucrée avec la pomme en cire liminaire, Oliver Hardy survit à l’avalanche de la
revanche.
En 2019, en ligne, l’ensemble
divertit sans passionner, pratique le comique dit de situation avec
détermination, en écho au slogan de
la confrérie, aux dépens d’un slapstick
davantage physique, même si le corps d’Ollie subit des avanies, s’ébouillante,
se violente. L’acteur tendre et protecteur, cf. le décalogue du prologue,
serrons-nous les coudes, les mains, adressons-nous un regard serein, de copain
à copain, fixe à plusieurs reprises l’objectif, à l’instar de son comparse, aux
lamentations lacrymales marrantes. Le comique cinématographique affiche par
conséquent sa limite, cherche la complicité du spectateur placé derrière/devant
l’écran, à jamais inaccessible, se contente et se stimule du public disponible
sur le set, on se souvient de Louis
de Funès évaluant ses performances sur pellicule à leur impact en petit comité
spécialisé, par exemple sur un Édouard Molinaro (Oscar, 1967). L’absence
de musique diégétique, intra ou extra, hors un numéro chanté, dansé,
exotique, les minorités ethniques et les féministes mélomanes se récrient,
renforce ce sentiment de vide, cette mélancolie implicite. Malgré ses réussites
en conserve commode, écrirait Marcel Pagnol, l’humour s’exprime pleinement
pendant le spectacle vivant, nécessite un dialogue d’énergies, un ping-pong sur le vif. Les Compagnons de la nouba, métrage sage, agréable, anecdotique, ressuscite les rires d’hier,
certes un brin rassis, affaiblis, toutefois préférables aux plaisanteries
sinistres proposées par les clowns
inconsistants du présent, en politique et au ciné, CQFD.
Dans Way Out West,Laurel est enfermé dans un placard, Hardy le cherche partout, ne le trouve pas. Il finit par ouvrir la porte, il lui dit : “Mais pourquoi tu n’as pas appelé ?” Laurel lui répond : “Il faisait tellement noir que j’ai pensé que tu ne m’entendrais pas.”
RépondreSupprimerHitchcock et son film jamais tourné au sujet d'une chaîne d'usine de montage automobile, où le dernier plan de la voiture désormais construite comporte une portière ouverte sur... un cadavre !
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