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Affichage des articles du mars, 2015

Le Policier : Brève rencontre

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Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre de Nadav Lapid. Après un carton de générique laconique – le titre en hébreu et en anglais, lettres blanches sur fond noir, dualité linguistique et chromatique reprise plus tard par les uniformes et la robe de mariée (celle, aussi, noire comme la nuit ou le deuil, de la révolutionnaire) –, le film s’ouvre sur une route sinueuse dans un paysage désertique, où des hommes en short et lunettes de soleil font du vélo : cette route, sise dans « le plus beau pays du monde » gouverné par « un État abject », ne se trouve pas à Los Angeles et les membres de l’unité spéciale antiterroriste qui la parcourent, un rite parmi plusieurs, ne rêvent pas de faire du cinéma (même s’il succombent volontiers, à l’unisson de leurs adversaires, au narcissisme musclé/armé du miroir), mais Le Policier « suce la roue », comme disent les cyclistes, de Mulholland Drive , lui-même dans le sillage cinéphile et scindé de L’avventura ou Psychose . Pas de pet

Season of the Witch : Ma femme est une sorcière

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Une housewife très desperate se perd volontiers au pays de ses songes surnaturels : bienvenue dans le « cauchemar climatisé » de Henry Miller vu par George A. Romero… Comme l’héroïne de Bashung, Madame Joan Mitchell – notez la ressemblance avec Joni Mitchell, chanteuse folk canadienne (seconde nationalité du cinéaste) et fine observatrice des affres féminins dans la société US des années 70 – rêve, non seulement « De formes oblongues/Et de totems qui la punissent » mais aussi de branches d’arbre égratignant son visage, d’un chenil pour l’accueillir, d’un nouveau-né braillard : l’ouverture solaire et onirique du film reprend la promenade inaugurale de Belle de jour , sans la calèche ni les clochettes (partition électronique de Steven Gorn, spécialisé dans la musique indienne), entre douceur de la lumière et violence du fantasme, réalisme bucolique du cadre et ambiguïté de la représentation. Nous voici projetés dans une psyché particulière, selon le sillage d’illustres pionn

Classe tous risques : Le Fugitif

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Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre de Claude Sautet. Comme L’Impasse , l’œuvre débute dans une gare et chronique une mort annoncée ; comme L’Œuf du serpent , elle s’achève dans la rue par l’errance d’un protagoniste lesté du même prénom biblique : Abel ; entre ces deux stations – au sens spatial et religieux du terme –, on suit l’itinéraire vers (le grand) nulle part d’un homme coup sur coup dépouillé de tous ses biens. Davos perd ainsi son exil, son ami, sa femme (baptisée Thérèse), ses anciens compagnons, sa liberté, ses dernières illusions (amicales ou amoureuses). Criminel mis à nu, sans nom puis sans visage, il devient l’homme des foules qu’attend la guillotine laconique, à l’instar d’Alain Delon pour Deux hommes dans la ville , signé aussi Giovanni. Les incises littéraires de présentation en voix off pourraient évoquer Marguerite Duras, mais l’on pense surtout à La Nuit du chasseur devant ces enfants témoins du jeu (tragique) des gendarmes et du voleur

La dolce vita : Au hasard Balthazar

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Via Veneto, l’envie vous vient de vomir votre vie… En 1960, le cinéma dit moderne naît avec trois films : La dolce vita , L’avventura , Psychose (double accessit pour À bout de souffle et Le Masque du démon , brillants exercices de style galvanisant deux genres séculaires – le polar et l’horreur – par leur inscription dans l’air du temps et l’ironie méta). Pour l’instant, évoquons brièvement ici, à la façon d ’ une cérémonie secrète, le chef-d’œuvre au titre antinomique de Federico Fellini, œuvre ouverte et mystérieuse irréductible à tous ses commentaires savants, ses lectures innombrables. Dans cette chronique d’une mort annoncée (la sienne, la nôtre, celle du cinéma et de la société occidentale), nous suivons durant trois heures, escortés/guidés par une caméra suprême, gracieuse et cruelle, l’errance romaine, nocturne et solaire, du « journaliste » Marcello Rubini (incarné avec brio par Marcello Mastroianni, l’identité du prénom en reflet existentiel, comme pour l

Le Cochon de Gaza : Martyrs

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Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre de Sylvain Estibal.    Si le « conflit israélo-palestinien » peut se lire politiquement de plusieurs manières, il donne aussi lieu à des traitements cinématographiques divers : bien loin du formalisme keatonien d’Elia Suleiman pour Intervention divine , Sylvain Estibal, écrivain-voyageur amoureux du désert ( Le Dernier Vol de Lancaster , adapté à l’écran par Karim Dridi) et journaliste (l’idée provient d’ailleurs d’un reportage photographique pour l’AFP mené en Cisjordanie), propose la (trop) sage mise en images, primée par un César du meilleur premier film, d’un conte moral pour adultes, davantage dans la lignée lucide mais en apparence naïve de Robert Guédiguian, que dans celle de la cruauté tragique – et parfois volontiers mélodramatique, comme chez le Dino Risi du Fanfaron ou des Monstres – naguère représentée par la « comédie à l’italienne », comparaison critique un peu facile, assortie du fameux et péjoratif « sans pr

L’Hystérique aux cheveux d’or : Jeune et Jolie

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L’affreux destin d’Ingrid parmi les loups romains (et auparavant finlandais)…    Une jeune femme blonde en manteau d’hermine parcourt de plates étendues enneigées, accompagnée par un thème musical très sentimental signé Carlo Savina et un générique de mauvais augure aux lettres rouge sang. À une toute petite gare de province italienne, elle monte dans un train – le prend avant de s’y faire prendre – et pénètre dans les toilettes. Face au miroir, elle ôte sa culotte noire surplombant ses bas blancs, affirme d’un ton résolu : « Jamais plus je ne la remettrai » puis s’offre à un inconnu de passage, ravi de l’aubaine mais qui devra se contenter d’un ersatz réifié de rapport (main et vagin, cela et rien de plus) très cher payé . En retour, il l’affuble d’un ironique titre de noblesse quand elle lui reproche son tutoiement familier, sans porter crédit à son aveu de virginité « commerciale ». La première femme et le premier homme, Adam et Ève anonymes de la fiction, se parlent tr