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Affichage des articles du octobre, 2022

Chasseur blanc, cœur noir

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  Un métrage, une image : Bacurau (2019) Comédie macabre scandée de cercueils, salut subito à Django (Corbucci, 1966), Bacurau ne vole haut, en dépit de son titre métaphorique et programmatique de local et nocturne volatile. Quant aux clins d’œil adressés à Carpenter, Terre stellaire, morceau en stéréo, nom de l’école, ils ne font jamais sens en soi, loin de là. Pas davantage élève d’Anthony Mann, Mendonça Filho ne dispose hélas ni du sens de l’espace ni de celui de la menace de ses célèbres prédécesseurs. Il ne suffit en résumé d’un objectif anamorphique afin de faire (l’) américain, d’utiliser des volets pour ressusciter le ciné des seventies , d’adopter une dioptrie pour adouber le split screen optique typique d’un De Palma, oui-da. Tourné in situ sans steadicam mais avec un budget à moitié français, créateur de « huit cents emplois », tant tu m’en diras, car la culture comme « identité et industrie », eh oui, dixit le générique ; coproduit par le redoutable Saïd Ben S

La Défaite de la pensée

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  « Évolution » ? Évaluation. Magritte ? Ma trique...   Fi de la difficile philosophie, du plébiscite surprise du narratif, à défaut de festif, Le Monde de Sophie , en sus de tous vos soucis, ennuis, maladies : voici l’ami des fourmis dans les pas de Paulo Coelho illico . Le Livre du Voyage , en vérité subjective digne d’être réintitulé Le Vide du viandage , (r)appelle à l’impitoyable parallèle : d’un côté l’admirable montagne de Ainsi parlait Zarathoustra , de l’autre la colline collective de L’Alchimiste , itou best-seller de naguère. Le bréviaire scolaire de Werber s’inscrit au sein malsain de ces ersatz de masse et d’impasse, dont la dimension de sagesse existentielle ne dépasse les concons conseils d’un pensum de développement personnel. Si le tracé du lecteur mis en abyme, qui ne souhaite surtout pas susciter sa déprime, déconseillé pour les ventes, tu penses, ou plutôt tu t’en abstiens, moyen de rester serein, évoque le CV en accéléré, un brin pseudo-tibétain, de Enter the

Shanghai Kid

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  Un métrage, une image : Shanghaï Joe (1973) Ce western antiraciste moins humoristique et plus individualiste que celui de Chan et compagnie – Shanghai Noon , Dey, 2000, jeu de mots rigolo décalqué du High Noon , aka Le train sifflera trois fois , de Fred Zinnemann, 1952 – adresse lui-même un clin d’œil d’intitulé italien au contemporain Mon nom est Personne (1973) de Valerii & Leone, cependant il s’agit en définitive d’un film hybride, inspiré à la fois par la célèbre série Kung Fu et les éclats de Peckinpah. Caiano signa aussi Un train pour Durango (1968) et L’Œil du labyrinthe (1972), sur lesquels je ne reviens point, en sus de l’estimable Les Amants d’outre-tombe (1966), avec l’immarcescible Barbara Steele, avant de finir sa filmographie de manière amère, très agitée, au côté de l’incorrigible Klaus Kinski ( Nosferatu à Venise , 1988), ici irrésistible fétichiste de chevelure pas un brin baudelairien. Si la trilogie des Dollars + Il était une fois dans l’Ouest

La Tour Montparnasse infernale

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  Un métrage, une image : L’Imprécateur (1977) Comédie assombrie aux étoiles locales et construite en boucle bouclée, c’est-à-dire en accident dédoublé, anticipé, en replay , pas celui des Choses de la vie (Sautet, 1970), avec déjà Piccoli, plutôt du nouveau Boîte noire (Gozlan, 2021), autre item de corporatisme et de conspirationnisme, ce métrage méconnu mérite à moitié d’être vu. Coadaptateur de Buzzati, ( Le   Désert des Tartares , Zurlini, 1976), au fantastique plus existentialiste, Bertuccelli commit aussi, deux ans auparavant, Docteur Françoise Gailland (1975), médiocre mélo médico-onco qui permit à Annie Girardot de décrocher un César illico . Avocat de la vraisemblance, adepte de la monstration et non de la démonstration, l’idéologie, au tapis, le filmeur éphémère transpose ici un bouquin à succès, dû à un romancier divisé, puisque René-Victor Pilhes, je schématise à dessein, homme de gauche aux activités de droite, passé par l’Algérie et Air France, la CGT puis Publici

La Dernière Chevalerie

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  Un métrage, une image : Les Chevaliers de la Table ronde (1953) Le style statique et impersonnel de Thorpe subit ici une sorte de transfiguration, à l’unisson de la dimension mystique de la narration : on s’attendait à un sommet d’académisme hollywoodien, nous séduit une démonstration de classicisme serein. Certes certains cinéphiles, cyniques ou lucides, se gausseront de (re)découvrir l’aventurière Ava Gardner en nonne immaculée déguisée, cette balance maccarthyste de Robert Taylor en étalon de vraie-fausse trahison, donc adoubé modèle de fidélité. Cependant ceci ne saurait suffire à réduire à l’égard du film habile la fameuse suspension d’incrédulité, ni amoindrir ses trop peu remarquées qualités. Premier métrage de la MGM en Scope et stéréo, in situ tourné, par une grève – de mécontents figurants, fi des fournisseurs de carburant – à peine dérangé, retardé, Les Chevaliers de la Table ronde bénéficie ainsi d’une convergence de gens de talent(s), qu’il s’agisse du compositeur

Les Gens de Mogador

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  Dur à cuire ? Pas dur à (d)écrire… Orpheline « émotive », « forêt enchantée », prince charmant au rêve « inconvenant » : davantage qu’au roman noir à la Dashiell, on songe à l’homonyme de Radcliffe, d’ailleurs mis en abyme en sourdine et mode moqueur. Si la juvénile Janine, pensionnaire émancipée, rapatriée, d’établissement forcément suisse, de dévergondage ou de subversion hexagonales, aucun risque, vive la neutralité rémunérée, souffre d’une forme de funèbre bovarysme, puisque lectrice avouée, assumée, d’ouvrages « tendancieux », mon Dieu, occultisme de gros sous, de filous, notre Nestor donc croque-mort connaît ses classiques et méconnaît le « nouveau-roman » du temps, réduit à une occupation à la con dépourvue de ponctuation, passons (la gomme m’ordonne Robbe-Grillet, olé). Le détective s’avère aussi, en catimini, cinéphile, c’est-à-dire au courant des alcoolisés agissements d’Orson Welles & Alexandre Astruc, tandem culte. Paru en 1969, érotique année, of course , cf. Gai

Bastille Day

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  Un métrage, une image : Le Chevalier à la rose rouge (1966) Si le hasard ne saurait exister, surtout au ciné, s’il n’existe en substance que des correspondances, plus ou moins pertinentes, la prise de conscience sociale de Rose rosse per Angelica précède celle de Uomini contro (Rosi, 1970). On connaissait le cavalier coloré de Richard Strauss, homonyme allemand ( Der Rosenkavalier ) ; on se souvient bien sûr aussi du guère révolutionnaire La Tulipe noire (Christian-Jaque, 1964), déjà adaptation davantage qu’infidèle d’Alexandre Dumas, déjà coproduction européenne en costumes entre l’Espagne, la France et l’Italie. Ici, la communiste Raffaella Carrà ( La Longue Nuit de 43 , Vancini, 1960) se substitue à Virna Lisi, voui, tandis que Jacques Perrin, parce qu’il le valait bien, remplace donc le dédoublé Alain Delon. Plus politique que Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), Le Chevalier à la rose rouge décrit en définitive non la « fin du monde » mais la « fin de la tyrann

Le Cerveau

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  Un métrage, une image : Le Quatrième Homme (1952) L’intitulé français évoque Verhoeven ( Le Quatrième homme , 1983), toutefois Kansas City Confidential ne comporte aucun écrivain crucifié en culotte écarlate, même s’il s’agit aussi d’un récit de rédemption. Produit par Edward Small ( Marché de brutes , Mann, 1948), réalisé par Phil Karlson ( tandem de Matt Helm , en 1966 et 1968 puis Ben , 1972), cinéaste estimé d’un certain Scorsese, coécrit par Harry Essex ( Le Météore de la nuit , L’Étrange Créature du lac noir , Arnold, 1953, 1954), éclairé par le DP George E. Diskant ( The Bigamist , Lupino, 1953), pourvu d’un casting choral irréprochable, flanqué d’un Mexique fictif, matrice apocryphe de L’Affaire Thomas Crown (Jewison, 1968), voire de Reservoir Dogs (Tarantino, 1992), tombé dans le domaine public, disponible en ligne en VF vintage , ce métrage dégraissé, pas désossé, carbure au braquage d’entrée, fi du fleuriste floué, aux masqués le million en billets, le macadam

La Colline des hommes perdus

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  Un métrage, une image : Les Hommes contre (Francesco Rosi, 1970) Plus méconnu et moins bien-aimé que d’autres titres avec à nouveau Volonté, ici pour l’instant en retrait militant d’un socialisme à main armée, citons la trilogie que constitue L’Affaire Mattei (1972), Lucky Luciano (1974), Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), biopics en triptyque, Les Hommes contre , tourné parmi un pays alors encore appelé Yougoslavie, irrita l’Italie, où certains se soucièrent de sa dimension antimilitariste, ou estimèrent sa manière mélodramatique. Ecrit en compagnie de Rosi par le fidèle tandem Tonino Guerra & Raffaele La Capria, basé sur les impressions en situation et  in situ  d’Emilio Lussu adaptées de façon presque infidèle, porté par un trio de mecs remarquables, l’incontournable Cuny, l’éphémère Frechette, le valeureux Volonté, éclairé ad hoc par Pasqualino De Santis entre les idem crépusculaires et non sereins mais viscontiens Les Damnés (1969) et Mort à Venise (197

La Folie des grandeurs

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  Un métrage, une image : L’Argent (1928) Comme Germinal (Berri, 1993), s’agit-il en définitive, d’après déjà le zélé Zola, défenseur dreyfusard, que certes d’antisémitisme personne ne soupçonne, en dépit du « Salomon » d’introduction/conclusion, d’un cas d’anticapitalisme capitaliste ? Conscient de la contradiction, L’Herbier l’écrivait, au creux de sa tête tournée : « filmer à tout prix, même (quel paradoxe) à grand prix, un fougueux réquisitoire contre l’argent », mais son mélodrame drolatique et moral, coûteux insuccès, à l’instar d’un certain Stavisky (Resnais, 1974), eh voui, descendu, réévalué, s’indispose surtout d’une spéculation de déraison, cède à notre modernité de clivantes « inégalités », de « crise » sélective, ses jérémiades pseudo-humanistes, « moralisation du capital » selon Sarkozy, « ennemie finance » de Hollande, « visage de l’obscénité » de Patrick Pouyanné s’offusque enfin Ruffin. Structurellement et spirituellement bourgeois, les moins indulgents corrigent

Que Marianne était jolie

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  Mitan émouvant, cadeau tombeau… À Lorea qui ne le lira Entre un « prologue » dantesque et un « épilogue » shakespearien, parce qu’elle le valait bien, Marianne Faithfull ne s’avère en vitesse – trente-cinq minutes au compteur, mon cœur – ni faithless ni sado-masochiste, en dépit de ses maternelles origines Sa vie secrète écrite et orchestrée au cordeau, selon ses propres mots, ceux de l’amical McGuinness, du tandem Foreman & Levine, on le sait ne connut aucun succès, économique ou critique. Précédé puis suivi par une paire d’ opus de reprises, le sevrage de Strange Weather , le cabaret à la Brecht & Weill de 20th Century Blues , sorti assorti de sa traduite autobiographie, c’est-à-dire de sa vie retracée, révélée, A Secret Life constitue cependant un chef-d’œuvre de poche, un classique instantané, un (mélo)drame de chambre à coucher. Certes moins narratif que l’ idem mal-aimé Berlin de Lou Reed, guitariste sur deux titres de l’allitératif Horses and High Heels , i

Quelques mots d’amour

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  Da ba da ba da ? Dabadie, pardi… Comme Houellebecq, Poe se pensait poète ; la postérité, on le sait, ne le suivit ici. De Dabadie , décédé voici deux années, demeurent donc des mots, ceux d’un parolier, doté d’un spécialisé pedigree , plutôt que d’un aède, ne lui en déplaise. Romancier contrarié, « à l’abri du succès », dramaturge par intermittence, point trop n’en faut, par exemple pour Annie Girardot, bien sûr scénariste, sinon dialoguiste, citons un paquet de collaborations avec Robert, Sautet, de Broca, Pinoteau ou Jean Becker, jusqu’au récent Les Volets verts (2022), transposition de Simenon, quelques tandems, au côté de Delannoy, Nadine Trintignant, Truffaut, Rouffio, Lautner, Girod ou Lelouch, ce modèle d’élégance, pas seulement vestimentaire, surtout littéraire, de modestie aussi, décoré, récompensé, académicien, rien de moins, commit en sus, alors soldat du mercredi, des sketches de Bedos, deux ou trois autres choses, retracées selon ses soins sereins, d’entretiens crois

L’Italien

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  Baryton de bon ton, anthologie jolie… À ma mère Ce soir-là on sortait d’un cinéma La Chanson de Paul En 1922, Reggiani naquit. En 2022, que reste-t-il de lui ? D’abord des rôles, surtout ceux au ciné, qui s’étendent sur une cinquantaine d’années. On vit ainsi Sergio chez Ophuls ( La Ronde , 1950), Jacques Becker ( Casque d’or , 1952), Le Chanois ( Les Misérables , 1958), Duvivier ( Marie-Octobre , idem ), Comencini ( La Grande Pagaille , aka Tutti a casa , 1960), Visconti ( Le Guépard , 1961), Melville ( Le Doulos , idem + L’Armée des ombres , 1969), Clouzot ( L’Enfer , 1964), Enrico ( Les Aventuriers , 1965 + Les Caïds , 1972), Sautet ( Vincent, François, Paul... et les autres , 1974), Ferreri ( Touche pas à la femme blanche , idem ), Carax ( Mauvais sang , 1986), liste subjective non exhaustive. On l’entendit aussi, puisqu’il se piqua, au mitan de son temps, d’un second type d’interprétation, à l’écart de l’écran choral, au creux de l’écrin vocal. Reggiani chanta Vian