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Affichage des articles du août, 2018

Le Sel de la Terre : Regain

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Wim Wenders & Juliano Ribeiro Salgado. Gardons-nous de nous gausser de l’ancien économiste brésilien, au père propriétaire, transformé à la trentaine en témoin citoyen et cosmopolite des misères du monde : la puissance et la beauté des photographies de Sebastião Salgado demeurent irréfutables, sa parole concise, juste et sincère, mérite d’être écoutée, a fortiori en français, souvenir de séjour parisien où la passion professionnelle se précisa, guidée par l’irremplaçable Lélia, avec ou sans Leica, co-productrice du documentaire sis en partie à domicile, accessoirement mère aimable d’enfant dit différent et muse de reforestation tendue vers l’horizon. Comme un héritier modéré, minoré, du compatriote Herzog et du franco Clouzot, Wenders, ici épaulé par le propre fils de l’artiste et sa sienne épouse Donata, vadrouille un brin, s’en tient au visage de l’homme en train de commenter son travail, parfois rapproc

Alouettes, le fil à la patte : Papa est en voyage d’affaires

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Jiří Menzel. Drôle et tendre, cette satire disons sidérurgique entrecroise ersatz de STO et love stories . Elle remémore Affreux, sales et méchants (Scola, 1976) ou Street Trash (Munro, 1987), mais bye-bye au bidonville excessif, exit la casse auto scato : Alouettes, le fil à la patte (1969) se déroule sur une petite partie tristounette, dédiée au tri métallique, d’un complexe industriel parcouru en incipit , à cartons contextuels, par un panoramique gauche-droite puis un travelling avant surplombant, la caméra imaginée suspendue à la manière d’une berline usitée aussi, registre certes différencié, par le guilleret Damnation (1988) de Béla Tarr. Ici bossent des bourgeois et travaillent des fugitives, séparation des sexes guère inflexible, merci au gardien prénommé Ange, ange gardien mari d’une Gitane amusée par le cadeau du confort moderne d’un appartement, lui préférant le sommet d’une armoire avec ore

Dans ses yeux : Le Juge et l’Assassin

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Juan José Campanella. Trois faux départs – le premier pathétique, le deuxième sentimental, le troisième horrifique – puis trois fins disons heureuses, secret assourdi, fleurs funèbres, aveu radieux – avec une césure médiane et une scène de rail retravaillée : Dans ses yeux (2009) aime la symétrie, pratique le parallélisme, se penche sur les correspondances à distance. Si la structure schizophrène tresse le roman à la réalité, précisons celle du récit, donnée pour telle, il ne s’agit pas, contrairement au Festin nu (Cronenberg,   1991), de présenter une réflexion en action(s) sur la création parmi une perspective existentielle, sinon existentialiste, plutôt de refléter le passé au miroir du présent, lui-même déjà daté, et inversement, seconde chance en latence, bouilloire de liaison incluse. Obsédé par une affaire sordide, le greffier Espósito s’improvise donc romancier, auteur de polars sur le tard. Obsédé pa

Becoming Elsa: A Coming of Age Story : Elsa, Elsa

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Partir, (se) découvrir, grandir. « Deviens qui tu es ! » Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra En country girl esseulée, en étudiante boursière à UCLA, en vierge réservée, Elsa Jean séduit assez. Certes, tout ceci, étiré autour de deux heures vingt, découpé en épisodes à la fois prospectifs et récapitulatifs, s’avère trop long, manque d’émotion, ce « passage à l’âge adulte » – notez le jeu de mots inclus sur come – ne déploie pas de passion, et le twist vite deviné, in extremis dévoilé, d’une amie imaginaire, dédoublement d’audace explicité par l’intéressée, à l’attention des étourdis, ne saurait suffire à rivaliser avec les fantasmes méta de Naomi Watts selon Mulholland Drive (Lynch, 2001), qui lui-même, d’ailleurs, comporte une mémorable scène d’onanisme dépressif, passons. Le scénariste/réalisateur/monteur Rick Greenwood se conforme pour sa part, en professionnel anonyme, au cahier des charges de l’estimable studio spécialisé, co-créé par Nica Noelle, le bi

L’Heure du loup : Sept ans de réflexion

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Une âme en peine ? Une œuvre salvatrice. Après les cartons subjectifs, le clin d’œil nominatif d’Alma à Persona (1966) et la bande-son méta du générique de tournage, le début de L’Heure du loup (1968) renverse et retravaille l’orée de La Prisonnière du désert (Ford, 1956) : Liv Ullmann ouvre une porte, sort dehors. Sur l’arrière-plan de la maison rurale, du vent à la Victor Sjöström, elle s’assoit, regarde la caméra, elle se fiche des pommes à éplucher, des fraises sauvages invisibles à savourer, elle traverse vaillamment son dense et cependant concis monologue d’exposition au passé, à base de récit terminé, de bébé programmé, d’insularité désargentée, de compagnon apeuré. Un fondu au noir efface le témoin guère serein, qui tripatouille son alliance, avant que le couple ne débarque à bord d’un canot à moteur, à la Charon, que Max von Sydow ne transfère à terre son matériel de peintre, ne repousse vite l’esquif mutique. Ils arrivent au sommet d’une colline ensoleillée, dépo

The Intruder : Do the Right Thing

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On abolit le Missouri de Minnelli, on révère ce nouveau Cramer contre Cramer. Adam Cramer maudit les Noirs, les Juifs, les communistes, a fortiori moscovites. Ce VRP en costume immaculé de la haine colorée, orientée, se déteste surtout lui-même et un second camelot, spécialiste des stylos exagéré, cocufié, cru armé, finira par le démasquer, le confronter à sa lâcheté, à son vide intime. Venu seul au sein du Sud, notre étrange étranger guère camusien, quoique, en repartira idem , esseulé en plongé à l’ultime plan. Porté par un William Shatner presque débutant, à la fois réjouissant et impressionnant, détestable et pitoyable, à des années-lumière du capitaine xénophile de l’Enterprise, The Intruder (1962) relève autant de l’étude de caractère que de mœurs, dépeint un individu et cartographie un pays, évacue la sociologie en surplomb au profit d’une philosophie en action(s). Flanqué de son frère Gene à la production, Roger Corman ne dénonce pas, il accompagne, ne désespère poi