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Affichage des articles du janvier, 2021

Mort à Venise : La Dernière Séance

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  Une chaise longue au goût de tombe et le grand air d’un cimetière à ciel ouvert… Spielberg versus Visconti, voire l’inverse : de Mort à Venise (1971) aux Dents de la mer (1975), la plage se peuple, le gosse régresse, le sort se renverse – et pourtant Spielberg en parallèle à Visconti, car il s’agit aussi, déjà, d’un homme immobile, d’un (a)mateur de malheur/Mahler, d’une histoire de regard, d’un jeu dangereux au bord de la mer et donc de la mort, identité différenciée de mélodrames maritimes. Désormais impossible à (re)produire aujourd’hui, en raison de sa problématique pédérastie, de son homosexualité pas assez gay , en effet, en tout cas selon les critères du lobby LGBT, Mort à Venise se focalise sur une fascination, carbure à l’obsession, affiche la fin d’un monde en fable funeste, disons de double autofiction, celle de l’auteur, celle du réalisateur, sise au sein molto malsain d’une cité mausolée, puisque par le choléra contaminée, ensuite explorée via le beau trio de Qui

Les Dents de la mer : Le Fils du requin

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  La baleine divine de Moby Dick  ? Un gros ogre de blockbuster horrifique… Avant le gosse à vélo ( E.T., l’extra-terrestre , 1982), les gosses et les dingos ( Indiana Jones   et le Temple maudit , 1984), le gosse et les fachos ( Empire du Soleil , 1987), les gosses et les dinos ( Jurassic Park , 1993), la gosse du ghetto ( La Liste de Schindler , idem ), le gosse et le robot ( A.I. intelligence artificielle , 2001), les gosses d’apocalypto ( La Guerre des mondes , 2005), le gosse de Morpurgo ( Cheval de guerre , 2011), voici le gosse à l’eau ( Les Dents de la mer , 1975). En moins de cinq minutes, le spécialiste à succès de la souffrance de l’enfance, de sa résistante résilience, réussit une remarquable et remarquée d’infanticide séquence. Pour la première fois, l’enfant ne survit pas, présage du Petit Chaperon rouge vite évanoui(e) de Varsovie. Bien servi par le savoir-faire du directeur de la photographie Bill Butler, sorti de Conversation secrète (Coppola, 1974) et bientôt au

Atlantique, latitude 41° : Les Femmes… ou les enfants d’abord…

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  Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Roy Ward Baker. On le sait, le ciné anglais excelle à esquisser les classes, héritage artistique et bien sûr sociologique. Aussi insulaire, il peut a priori dépeindre la mer amère. À raison renommé, le métrage remarquable et remarqué de Baker ( The Vampire Lovers , 1970 + La Légende des sept vampires d’or , 1974) cristallise ces deux courants stimulants, les appareille, sens duel, en plein océan. Si La Règle du jeu (Renoir, 1939), autre opus d’une société en train de sombrer, certes moins au propre qu’au figuré, s’avère un (s)avant-(dé)goût de la guerre, Atlantique, latitude 41°  (1958) se souvient à l’évidence du Blitz, tout en anticipant, au passé, la Grande Guerre, déjà (dé)passée. Délesté de sentimentalité, évidé de vains CV, écueils récurrents de l’imagerie catastrophique, cf. par exemple l’ idem maritime L’Aventure du Poséidon (Neame, 1972), doté d’un titre d’avertissement un brin moralisateur, A Night to

Catwoman

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  Un métrage, une image : Monstrosity (1963) L’estimable Monstrosity semble de manière directe s’adresser, depuis son paupérisé passé, à notre modernité tourmentée, trafiquée, sens duel, car il carbure à l’usure, à l’imposture, à la transplantation et au pognon, à la première apparence et à la seconde chance, au cynisme et à l’eugénisme, au racisme et au féminisme. Focalisé sur le corps, machine animée promise à la ruine et à la mort, d’accord, l’ item concerne la riche Madame March et propose son projet d’impasse, de jeunesse atomique et surtout chimérique. Escortée du docteur Otto, sorte de Mengele au petit pied, à créature d’écervelée féminité ou de masculine bestialité, l’ermite neurasthénique, en fauteuil pas électrique, sélectionne trois étrangères, afin de satisfaire son désir d’une chère nouvelle chair, amitiés télévisées au Max Renn de Vidéodrome (Cronenberg, 1983). La Mexicaine recalée à cause d’une déplaisante marque de naissance sert aussitôt de Catwoman d’occasion, p

L’Africain

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  Un métrage, une image : Condemned to Live (1935) Derrière le titre un brin sartrien, comme en écho aux travaux de Cyril Collard ( Condamné Amour ) ou Emil Cioran ( De l’inconvénient d’être né ), réside une relecture du L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson. La scénariste Karen De Wolf revisite le vampirisme de Tod Browning ( Dracula , 1931) et le délocalise au cours du prologue exotique, au creux et au cœur de ténèbres à la Joseph Conrad et au son de tams-tams à rendre l’âme. Racisme de contexte colonialiste, après la xénophobie jolie du père Bram Stoker ? Disons davantage la géographie fantasmatique d’une intérieure Afrique, en effet. Sa mère jadis mordue par une maousse chauve-souris, eh voui, le bon professeur Kristan, sans doute en sus un bon chrétien, en tout cas une type impeccable, un modèle indispensable, un (futur) mari admirable, se révèle vite et en série un meurtrier maladif et amnésique. S’il n’investigue sur lui-même, tels Gian Mar

The Parasite Murders

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  Un métrage, une image : The Brain Eaters (1958) L’adversaire donc un cerveau posséderait, puisque s’en prenant au principal représentant de la municipalité ? La causalité fera sourire tout électeur, d’ici ou d’ailleurs, et l’on sourit souvent à ce vrai-faux ersatz a priori raccourci de L’Invasion des profanateurs de sépultures (Siegel, 1956), à cette supposée adaptation pirate d’un roman de Heinlein, que le co-coproducteur Corman méconnaissait par cœur, malentendu réglé à l’amiable de justicière erreur. Néanmoins l’ item tourné sur moins d’une semaine, doté d’un budget très serré, ne manque ni de charme ni de qualités, car filmé par un vrai réalisateur, c’est-à-dire de sa caméra sachant se servir, car éclairé, jusque dans son obscurité, avec une éclairante lucidité, car muni, surprise, du tendu lyrisme de l’annexé Chostakovitch. Moins préoccupé de menace communiste, évidemment venue de l’Est, que ses deux prédécesseurs à tort ou raison estimés droitistes, ce mélodrame sentiment

Les nains aussi ont commencé petits

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  Un métrage, une image : The Terror of Tiny Town (1938) On se souvient que le fabuleux Freaks (Browning, 1932) connut quelques tracas de réception, de remontage, pour la MGM, dommage, tandis que le The Terror of Tiny Town de Newfield & Buell se vit distribué sans souci et en sus avec un certain succès par la Columbia, bravo, les gars ; autres temps, autres mœurs, cependant tandem sorti à la veille d’un double malheur, celui de la prise de pouvoir par Hitler, celui de la mondiale Seconde Guerre. Impossible à (re)produire aujourd’hui, en pleine période du politiquement correct abject, du communautarisme à tout crin (de poney ), de la vaseuse victimisation, ce titre s’avère assez sympathique, voire curieusement émouvant. Parler à son sujet de « cinéma d’exploitation » relève du truisme à la con, surtout en système capitaliste, au vampirisme cynique de « ressources humaines » et naturelles, car le cinéma qui n’exploite pas n’existe simplement pas. Il demeure toutefois une diffé

À l’Ouest, rien de nouveau

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  Un métrage, une image : Outlaws 1 (1998) + Outlaws 2 (1999) « Surprise is the key », en effet, surtout au sein (surexposé) de ce style de ciné ; hélas, le réalisateur des estimables Blue Holocaust (1979) et Anthropophagous (1980) n’en réserve aucune au spectateur sans peur, aussi personne ne rapprochera son supposé, dispensable et anecdotique diptyque du mémorable Impitoyable (Clint Eastwood, 1992), malgré un argument presque similaire de vengeance – ou justice, suivant la perspective adoptée – « genrée ». Transposition transgenre des Sept Mercenaires (1960) de John Sturges, donc, déjà, des Sept Samouraïs (1954) d’Akira Kurosawa, tandem renommé, auquel le titre français du DVD, Rocco et les « Sex » Mercenaires , adresse un clin d’œil circonstanciel, Outlaws de Joe D’Amato pouvait pourtant participer, sinon d’un féminisme soft (ou hard ), au moins d’un révisionnisme orienté vers l’onanisme. En réalité, en dépit d’une direction de la photographie assez soignée, signée d

État de siège

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  Un métrage, une image : Judith de Béthulie (1914) Deux ans avant la grosse Babylone de Intolérance (1916), voici disons la modestie de Béthulie. Plaisant péplum presque pionnier, puisque précédé en France par Feuillade ( Judith et Holopherne , 1909), le film de Griffith affiche son biblique féminisme. En ce temps-là, celui de l’Antiquité, celui du ciné muet, les professeurs de collège encore on ne décapitait pas, cependant on décollait les envahisseurs assyriens, rien de malséant ni de malsain, parce qu’ils le valaient bien. Pourtant la veuve intrépide et déguisée se voit vite aux prises avec un dilemme idoine. Entre la passion et la patrie, son cœur et son esprit hésitent, point sa main. Holopherne, affalé sur son lit magistral, blasé par des bacchanales, spectateur à la Sardanapale, en tout cas en écho de Delacroix, à Ninive se projette, au propre puis au figuré y perd la tête. Rentrée au bercail à muraille assiégé, Judith aussitôt devient une héroïne, sinon une sainte laïque

Messiah of Evil : Kiss Tomorrow Goodbye

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  Ulysse & Télémaque ? Eurydice en Amérique… Un mec court, une porte apparaît, une piscine scintille, la fille l’assassine : après un prologue inspirant et inspiré, nocturne et coloré, la suite ne démérite. Item littéraire et d’atmosphère, film cinéphile tout sauf futile, opus poétique et politique, Messiah of Evil (William Huyck & Gloria Katz, 1973) associe deux récits, retravaille Lovecraft, s’approprie Shakespeare, se souvient de L’Invasion des profanateurs de sépultures (Siegel, 1956) et cite Sueurs froides (Hitchcock, 1958), développe et démultiplie la subjectivité tourmentée de Carnival of Souls (Harvey, 1962), s’inscrit au sein du sillage insensé de Shock Corridor (Fuller, 1963) et Sœurs de sang (De Palma, 1972), repeint Pierrot le Fou (Godard, 1965) puis prépeint Suspiria (Argento, 1977), verrière vénère brisée en sus, présage Zombie (Romero, 1978), devine Démons (Bava, 1985), revisite le western et remont(r)e le mélodrame paternel. Fissa transformée

Dangereusement vôtre : Rémy et le Réel

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  En mémoire de Rémy Julienne (1930-2021) et en adieu à Nathalie Delon (1941-2021)... Transporteur puis pilote, champion récompensé en sus de cascadeur adoubé par Bond & Disney, (anti-)héros malgré lui d’un dramatique et judiciaire feuilleton dû à une dispensable (pléonasme) production Besson ( Taxi 2 , Krawczyk, 2000), désormais décédé des suites de la pénible pandémie, deuil discret, moins médiatique que celui de son mentor Gil Delamare, Rémy Julienne sut exercer ses « scientifiques » et savants talents pendant plus de quarante ans, sa filmographie conséquente, débutée via Fantômas (Hunebelle, 1964), associant cinéma estampillé populaire, classé d’auteur, d’ici et d’Italie ou d’ailleurs. Ainsi Rémy se mit au service, souvent complice, de Gérard Oury ( La Grande Vadrouille , 1966) & Jacques Besnard ( Le Grand Restaurant , idem ), de Jean Girault ( Les Grandes Vacances , 1967) & Georges Lautner ( Le Pacha , 1968), de Peter Collinson ( L’or se barre , 1969) &

Des femmes disparaissent

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  Un métrage, une image : Mars Needs Women (1967) Pourvu d’un titre programmatique, presque poétique, a fortiori euphonique, Mars Needs Women s’apprécie en raison de sa dimension satirique, de sa mélancolie implicite. Pragmatique plutôt que cosmique, l’argument se résume à la survie d’une civilisation, au ravissement in situ puis à la congélation d’occasion de spécimens terrestres, afin d’infléchir une fatidique déficience génétique. On le voit vite, ce film inédit en salles, assez paupérisé, donc d’images d’archives parsemé, trame une moralité sexuée, renforce in fine son féminisme soft , se focalise sur de fortes figures d’américaine culture, artiste en plein air, hôtesse de l’air, reine universitaire, strip-teaseuse le dos à l’air et, last but not least , scientifique qui connaît son affaire. Rendu maître de la mission et de la situation, l’amour « interracial », comme on ose dire outre-Atlantique, mène in extremis la danse, esquive la souffrance, le viol d’envahisseurs à l

The Master

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  Un métrage, une image : Manos: The Hands of Fate (1966) Item méconnu et néanmoins documenté, dont la « culte » notoriété repose sur une reconnaissance amusée, Manos et ses mains du destin méritent mieux que des ricanements mesquins. Comme avec les ouvrages d’Ed Wood idem désargentés, par mes soins célébrés, il convient d’y croire, de savoir voir. Infusé d’un sens du funeste inaccessible à une pelletée d’ opus plus friqués, étoffés, il s’agit d’un voyage vers le vide, de vacances définitives, de la faillite d’une famille qui, à sa façon, par sa production, sa déréliction, retravaille 2000 Maniaques (Lewis, 1964) et annonce La Nuits des morts-vivants (Romero, 1968). Il s’agit, aussi, d’une fable affable, à base de féminisme opposé au paganisme, de discrète pédophilie, d’infanticide en suspens, en dispute, en catfight , fichtre. Le Maître manuel, immortel, accessoirement moustachu, malvenu, doit donc mater la mutinerie de son guère amène harem. Il sacrifiera fissa son assistan

J’ai faim !!!

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  Un métrage, une image : The Forest (1982) Enfin un film différent du côté de Friday ( the 13th , Cunningham, 1980), puisqu’ici le survival forestier s’avère in fine un antidote au divorce, inclut du cannibalisme et affiche des enfants défunts, donc doublement fantomatiques. Opus de couples sur la route, en déroute, The Forest prend acte de l’indépendance des femmes des années 80, Sardou le savait bien, montre un homme au tibia cassé en train de désespérer, de pleurer, décrit une infidélité répétée, en partie productrice d’insanité. Mais comme le dit à juste titre l’ermite troglodyte, presque Norman Bates dixit , « Nous sommes tous cinglés », yes indeed . Alors l’ogre à barbe blanche et casquette rouge, à gros couteau de giallo, nous parait familier, sa monstruosité miséricordieuse ; il n’assassine par sadisme, à seule fin d’assouvir sa faim. La quasi capitale irrespirable, immobilisée, enfin quittée, Charlie & Teddi, Steve & Sharon, l’affrontent fissa, parmi les som

Dolls

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  Un métrage, une image : Barbe-Bleue (1944) Perrault & Dmytryk ( Barbe-Bleue , 1972) ? Plutôt le Poe du Portrait ovale , voire le Powell du Voyeur (1960). Les « féminicides » à profusion a fortiori les féministes effaroucheront, mais jamais de misogynie ici, au contraire, car le cher Ulmer ne magnifie ni n’absout son assassin artiste, n’esquive la terreur des victimes, cf. la scène du supplice de Francine, femme flic en costume (d’époque) miroitée, fissa étranglée par une cravate identifiée en français, retrouvée sur le lieu du crime et bien sûr ensuite dans Frenzy (Hitchcock, 1972). Cependant nulle trace de sadisme sexuel chez le marionnettiste triste, meurtrier rancunier incapable de dépasser un trauma sentimental de jadis paupérisé altruiste, pardon du pléonasme. Tournée en moins d’une semaine, avec des bouts de ficelles (de pantins faustiens), des toiles peintes, une modeste maestria du maniement de la caméra, bénéficiant de la double présence experte d’Eugen Schüffta