Happy Birthdead

 

Un métrage, une image : Sœurs de sang (1972)

D’une fausse aveugle à une véritable amnésique, voici un instantané de l’Amérique, celle, divisée, dépressive, des années soixante-dix. Sur l’insulaire et mortifère Staten Island, un asile sert de domicile, s’y affaire Arlene, la trop propre, d’abord marrante et menaçante puis poignante patiente, rétive à utiliser le téléphone, car mural il contamine, il incommode, noir nid à microbes, sans doute sur écoute, Nixon ne nie. Dedans, à la TV vietnamisée, ou dehors, d’autres folies s’affichent et s’affirment encore : racisme festif de récompense pseudo-africaine, putatif d’inertie porcine, pardon, policière. Une journaliste toujours célibataire, sa mère s’en désespère, s’avère vite intrusive, dommage pour les droits civiques, vive le scoop évacuant du provincialisme. Elle croit ce qu’elle voit, elle enquête aussi sec sur sa voisine suspecte et l’assassinat à distance, de démence. Française du Canada, une pensée pour les jumeaux gynécos, accros et dingos, du compatriote Cronenberg (Faux-semblants, 1988), la douce Danielle, guère adepte du MLF, ainsi s’éclipse, pécule de pilules, au profit de la furie de la neurasthénique Dominique. Le gâteau d’anniversaire hélas passe de travers, la démunie Dany, devenue ici Domi, manie un gros couteau de giallo, haine à l’aine. Pas de promotion du même nom, plutôt un cadavre dissimulé en plan non truqué au creux d’un grand canapé, convertible et immaculé. Placard ou pas, le sanglant secret, même subito nettoyé, ne saurait tromper la sagacité du détective employé, aux couvertures de véhicule drolatiques, quête jusqu’au Québec, mazette. La disgracieuse Grace découvre et visionne le pedigree des sœurs par le sort séparées, cicatrice peu lisse. Elle suppose que savoir équivaut à pouvoir. Pourtant, hypnotisée par le docteur divorcé, amant émouvant, la voilà carrément conditionnée, a contrario d’Alex in extremis victorieux du traitement Ludovico (Orange mécanique, Kubrick, 1971). Endormie, elle revit un passé de couperet, d’identité endossée. Son cri sur le tard ne suffit à lui rendre la mémoire, voire l’esprit, elle se répète, elle régresse, adulescente désarmante. Arrêtée sur le seuil de l’établissement et surtout de sa lucidité, Danielle dénie le nouveau décès, dit le deuil d’une année en adieu, quelle mélancolie, baby

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