Les Bonnes Manières : Les Nuits de la pleine lune
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Marco
Dutra et Juliana Rojas.
Pour commencer, comment entrer ;
pour finir, comment (s’en) sortir : le mélodrame maternel brésilien et
lesbien repose donc sur la clôture, l’imposture, les corps, leurs accords puis
désaccords. Prison dorée de l’appartement à payer, modeste meublé de banlieue
paupérisée, chambre forte calendaire aux grosses chaînes en fer, centre
commercial glacial baptisé Bois de cristal – autant d’espaces autarciques qui
dupliquent une fermeture d’un autre type, anatomique, amniotique,
lycanthropique. En dépit de l’épouvante de la parturiente, malgré l’amour de la
mère guère intérimaire, voire élveuse volontaire, la chair du cher (se) déchire
la chère, envahit le nid rebondi, s’en extrait sans pitié, innocente s’endort,
dévore en carnivore. Il ne suffit d’aspirer sa soupe en silence, marcher un
livre sur la tête posé, avoir recours au végétarisme, à l’amnésie jolie, afin
de s’affranchir in fine de sa nature, nocturne, obscure,
qui revient au galop, avec les crocs, ainsi se résumerait la morale déterministe
d’un métrage placé sous le signe du métissage, des images, des imageries, des statuts,
des ethnies. Mélange pas si ingénu des productions spécialisées du studio
Sweetheart Video, de (la grossesse de) Grace (Solet, 2009), I Was
a Teenage Werewolf (Fowler Jr., 1957) et L’Enfant sauvage
(Truffaut, 1970), Les Bonnes Manières (Dutra & Rojas, 2017) bénéficie de
l’expertise ès factice du directeur de la photographie Rui Poças (O
Fantasma, Rodrigues, 2000 ou Tabou, Gomes, 2012), s’avère bien
servi par deux actrices (Marjorie Estiano & Isabél Zuaa) un brin
desservies, bravo aussi au petit et bien nommé Miguel Lobo, se soucie par
conséquent de civilisation, de sauvagerie, en réunion ou entre ami(e)s.
Opus de
solitude(s), d’adultère, d’absence de père(s), plutôt que de repères, il remémore
en sus le sauvetage de Moïse, affiche les feux d’artifice et de maléfice de la
fête de la Saint-Jean, au paganisme christianisé, chacun le sait, s’assortit
d’une musicienne chrétienne, aux bonnes intentions de damnation, en plus
comporte un prêtre porté sur le théâtre (et la pietà) en classe. Conte de fées
défait, doté d’un bestiaire de souvenir, à détruire, caticide compris, d’une
berceuse du passé, essaie à présent le dangereux présent d’apprivoiser, sombre
Clara, oui-da, Les Bonnes Manières à la moitié de sa durée se divise, pratique
de sept ans (de malheur) une ellipse, se transforme à l’unisson de la
métamorphose du garçon. Film misandre, cruauté des mecs versus tendresse des femelles ? Pas une seconde, puisque, frigidaire
ouvert, laisse-toi faire, la maman déjà montrait les dents, appréciait les
pâtes assaisonnées au (stigmate) sang. Certes, tout ceci, soigné, précis,
séduit et divertit, à la fois drolatique et horrifique, émouvant et amusant.
Mais l’estimable item, co-produit par
ici, montre également ses limites, pas seulement de rythme, souffre de son symbolisme, de son manichéisme, foule
furieuse finale à la Frankenstein (Whale, 1931), fichre.
Surtout, l’ensemble reste superficiel, la grâce de sa surface préfère à une
complexe profondeur. Roman doublement familial et infernal, primé un peu vite
des deux côtés de l’Atlantique, Les Bonnes Manières rien ne
révolutionne et néanmoins n’indiffère, fait fi de la philosophie, marxiste ou
non, adoube davantage une infirmière pharmacienne, inclut un coussin lynchien,
bien, bien, quand même meilleur que l’anémié Amer (Cattet &
Forzani, 2009), Ana, te revoilà…
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