L’Africain

 

Un métrage, une image : Condemned to Live (1935)

Derrière le titre un brin sartrien, comme en écho aux travaux de Cyril Collard (Condamné Amour) ou Emil Cioran (De l’inconvénient d’être né), réside une relecture du L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson. La scénariste Karen De Wolf revisite le vampirisme de Tod Browning (Dracula, 1931) et le délocalise au cours du prologue exotique, au creux et au cœur de ténèbres à la Joseph Conrad et au son de tams-tams à rendre l’âme. Racisme de contexte colonialiste, après la xénophobie jolie du père Bram Stoker ? Disons davantage la géographie fantasmatique d’une intérieure Afrique, en effet. Sa mère jadis mordue par une maousse chauve-souris, eh voui, le bon professeur Kristan, sans doute en sus un bon chrétien, en tout cas une type impeccable, un modèle indispensable, un (futur) mari admirable, se révèle vite et en série un meurtrier maladif et amnésique. S’il n’investigue sur lui-même, tels Gian Maria Volonté (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, Elio Petri, 1970) & Mickey Rourke (Angel Heart, Alan Parker, 1987), le descendant d’Œdipe ne peut supporter sa sinistre identité, in fine conscientisée, avouée, en dépit du déni de son fidèle bossu d’assistant reconnaissant. Personne n’échappe à son destin, de près ou de loin, donc à la malédiction de l’héritage génétique, à l’appel irrépressible de l’obscurité fatidique. Présage de la « porphyrie » sociologique de Martin (George A. Romero, 1977), la pathologie (re)présentée ici permet de (dé)trousser une moralité autour de la dualité, assortie de sentiments et de superstitions. Statique et cependant sympathique, bavard et nonobstant à voir, Condemned to Live se termine via un double suicide, boucle bouclée d’originelle génitalité, la grotte des hommes substituée à la caverne/matrice de la femme, fichtre. Et Bizet, délesté de Carmen, adoube le couple, amen.             

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir