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Affichage des articles du novembre, 2017

On murmure dans la ville : Loin de la foule déchaînée

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Consultation de communistes ? Parabole de la parole… En vérité, on murmura peu, on ne parla presque pas de ce métrage méconnu, via lequel Mankiewicz se moque de l’épidémie maccarthyste et de son meilleur ennemi Cecil B. DeMille. L’oubli d’aujourd’hui peut sembler injuste, il s’avère assez logique, tant le film paraît anecdotique, sinon inoffensif, surtout comparé à L’Aventure de Madame Muir , Ève , L’Affaire Cicéron , Jules César , La Comtesse aux pieds nus , Soudain l’été dernier , Cléopâtre , Le Limier ( Blanches Colombes et Vilains Messieurs n’intriguera que les curieux, tant pis et tant mieux). Quant à son humanisme assumé dans le sillage d’Auschwitz et Hiroshima – JLM adapte une pièce de Curt Goetz, scénariste de La Femme aux deux visages , co-réalisateur/acteur de Docteur Praetorius , première transposition à succès sortie un an plus tôt à Berlin –, il relève d’un idéalisme souligné dès les cartons d’introduction, tartines drolatiques donnant le ton et jetant le soup

Le Deuxième Souffle : Un flic

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Jean-Pierre Melville. Pas le meilleur du réalisateur, pour plusieurs raisons – cela débute pourtant magistralement, malgré un premier carton façon Ponce Pilate (« l’Auteur de ce film » rassure « la Morale » et ne remet point en cause la méthodologie policière à travers son imaginaire, amen ), un second qui se voudrait philosophique (dérision d’une vie suicidée par dépit), moins lapidaire que le vrai-faux extrait du bushido en exergue du Samouraï  : une évasion d’introduction à la Bresson ( Un condamné à mort s’est échappé , sorti une décennie plus tôt, poursuivi par Le Trou de Becker, déjà co-écrit par Giovanni), géométrie anguleuse et anxieuse, puis une course à travers une forêt, en bordure de voie ferrée, présage inversé de l’ incipit du Cercle rouge (il faut désormais monter à bord du train, non plus s’en extraire, même menotté). Durant sept minutes, pas de mots, pas de musique, un générique aux patronym

Michael : Je vais bien, ne t’en fais pas

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Markus Schleinzer. Reconfiguration du réel par le cinéma, en effet « art sonore » (affirme Michel Chion) : si plus personne ne fredonne innocemment Singin’ in the Rain de Gene Kelly depuis Orange mécanique , vous ne vous trémousserez pas sans arrière-pensée au Sunny de Boney M. après avoir vu Michael (précisons que la composition originale de Bobby Hebb, datée de 1963, s’inscrit dans le sillage de l’assassinat de JFK et répond à une mort de frérot par un optimisme intemporel). Épaulé par Kathrin Resetarits, actrice de courts au parcours universitaire, directrice de casting sur Funny Games , ici créditée conseillère artistique et co-réalisatrice, Markus Schleinzer, la trentaine, lui-même directeur de casting , notamment d’un autre Michael, Haneke, remercié au générique, sur La Pianiste , Le Temps du loup et Le Ruban blanc , signe-scénarise un conte de fées réaliste, comportementaliste, ca

Arsenal : La Grève

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Alexandre Dovjenko. Film de révolution ? Film de sidération, cinéma éminemment poétique et politique, comme si l’on pouvait jamais les dissocier. Arsenal suit deux lignes de récit et de rythme, à la fois anti-militariste (en mode Kubrick, reprenez Les Sentiers de la gloire ) et anti-bourgeois (oui-da de Pravda ). Une image cristallise la démarche du cinéaste, celle des soldats endormis sur le pont du train, le paysage pris en plongée défilant vivement derrière eux. Une réplique la résume mieux qu’une autre : « Nous avons avancé, avancé, et nous n’avançons plus » dit l’ouvrier gréviste retranché à proximité des obus. Dovjenko filme cette immobilité en mouvement, cette Histoire en marche qui trébuche et s’achève sur un torse nu, offert aux fusils, d’emblème immortel, car son métrage, non seulement ne brosse pas la propagande soviétique dans le sens du poil (ou du plan), davantage défaitiste que triomphaliste, mais

Doodlebug : L’Homme qui rétrécit

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Aplatis-moi si tu peux, pourtant prends garde au regard dans ton dos, mon beau… En 1997, Christopher Nolan, âgé de vingt-sept ans, diplômé de UCL casé dans le « film industriel », portraiture un type au bord de la rupture. En bon étudiant en littérature (anglaise), il se souvient de La Métamorphose de Kafka et de William Wilson d’Edgar Allan Poe. En bon cinéaste futur, il soigne ses cadres, son rythme, son argument inquiétant et marrant, au coup de théâtre doublé d’un coup de talon. Cerné par un noir et blanc de petit appartement, dû à ses soins d’artiste polyvalent ( written , directed , shot , edited by Mister Nolan, précise le générique lapidaire), le mec en marcel, en sueur, possède une grâce de danseur, et il se débat avec lui-même, comme le « raseur » de Scorsese trente ans plus tôt (« Tout s’harmonise » affirme le Stephen King de 22/11/63 ). Chez Chris, ou son vrai-faux alter ego , pas de miroir méta, pas de rage martiale mais bel et bien une autre forme de guerr

The Big Shave : Razorback

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Admirer sa mort miroitée, s’imaginer rasé de trop près… En 1967, Martin Scorsese, âgé de vingt-cinq ans, encore à NYU, filme un type en train de se raser, d’abord innocemment puis jusqu’au sang. L’automutilation s’accompagne en contraste d’une chanson d’amour, écrite trente ans plus tôt (les paroles mentionnent Greta Garbo) par Ira Gershwin (pour les fameuses Ziegfield Follies de Broadway), ensuite « standardisée » par le trompettiste Bunny Berigan (version utilisée ici). Cela dure environ cinq minutes et se signale par son rythme déjà très scorsesien, rempli d’énergie, de précision, de vitesse, voire de surcharge baroque (le mec se désape de son tricot de peau sous trois axes différents, s’égorge idem , tandem en replay de trinité pour grenouille de bénitier un peu énervée). Tandis que le miroir, à la fois narcissique et suicidaire, annonce le dédoublement aliéné de Taxi Driver , le contexte et le titre alternatif ( Viet '67 ) orientent la lecture vers l’allégorie pol

Les Amants de demain : Nouvelle Vague

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Chômeur « de couleur », murs malheureux… L’ultime métrage de Marcel Blistène, soixante-dix-sept brèves minutes au compteur du lecteur en ligne, débute en POV de polar, sur la route, de nuit, autour de Paris, aux alentours de Noël, chants  ad hoc  sur l’autoradio de la Cadillac (le premier parle de « tache originelle »). L’ancien journaliste à  Cinémonde  et  Pour vous  retrouve Édith Piaf (sortie de Guitry à Versailles, de Renoir au French Cancan), treize ans après son liminaire  Étoile sans lumière  (1946). Le scénario de Pierre Brasseur se voit co-adapté par Jacques Sigurd, familier d’Yves Allégret ou Marcel Carné, mis en lumière (noir et blanc pertinent) par Marc Frossard (plusieurs Duvivier, deux ou trois Le Chanois,  Les Enfants du paradis  puis…  Le Gendarme de Saint-Tropez ), mis en musique par la compositrice de la « Môme », l’estimable Marguerite Monnot, interprété par une flopée de célébrités (Robert Castel, Robert Dalban, Armand Mestral, Raymond Souplex, pardon pou

Vampire, vous avez dit vampire ? 2 : Mauvais Sang

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Quoi, un soir d’effroi ? Une resucée guère inspirée… « Je ne veux pas croire aux vampires » : en 1988, personne n’y croit plus, aux canines trop pointues, mais tout le monde croit au SIDA, oui-da, qui tuera d’ailleurs l’interprète de l’ami du protagoniste (Merritt Butrick, inhumé à vingt-neuf ans). Tommy Lee Wallace, co-scénariste et réalisateur, pouvait faire de cette suite anecdotique, presque agréable, très dispensable, une métaphore de l’épidémie, conférer au mythe anémié un sang neuf de contexte, disons en mode La Mouche . Il opte a contrario pour une comédie horrifique à la SOS Fantômes , il annonce même le campus mortel de Scream . Le prologue résume en accéléré le volet précédent – l’adulescent se confie à son psy et semble guéri, revenu à la raison. Hélas, quatre caisses font leur apparition, illico suivies de leurs propriétaires patibulaires. Le chorégraphe Russell Clark incarne un skateur de malheur muet, au bord du transgenre ; Brian Thompson, mémorable « Équar

Le Temple du lotus rouge : La Forteresse noire

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Abysses d’abîme, remontée de destinée…  Quand Ringo Lam s’attaque au wu xia pian, cela donne Burning Paradise (1994), sidérant sommet de sadisme assumé. En fait de « paradis brûlant », nous voici enfouis sous terre dans un enfer en effet promis à l’incendie. Un général dégénéré, avatar hilare du colonel Kurtz de Conrad, du Caligula de Camus, y règne à la mode sadienne, prisonnier de ses propres plaisirs. Auparavant, au milieu d’un désert, espace abstrait, aride, sans soleil, proche du western , un novice de Shaolin se voyait traqué avec son oncle par une armée enténébrée. Les cartons du générique, aux lettres rouges comme le sang, résumaient le contexte historique sur un fond de destruction de religion (le bouddha reviendra, armé, les enterrés finiront par le faire sauter, au lieu de le prier, afin de regagner la lumière). Le prologue évoquait des images d’actualité, au bord du snuff movie  ; la poursuite et la bataille donnent le ton : cavalier sectionné au niveau du tron