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Affichage des articles du août, 2016

In Tranzit : Drôle d’endroit pour une rencontre

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Fleur et fumier, mourir d’aimer puis vivre sans amour et revisiter à nouveau la matrice meurtrière du cinéma dit moderne… Au tovarich Gérard Jamais assez on ne soulignera la cinégénie de la neige et du froid. Tourné en Russie, In Tranzit séduit d’emblée par cette éphémère virginité, ces haleines visualisées, ce poids du monde et du réel qui fait en partie la beauté du cinématographe, grâce auquel on les perçoit différemment, on les ressent de façon plus intense, médiatisés par un regard particulier, collectif, telle une philosophie esthétique en mouvement dans le temps. Documentariste (et co-scénariste), Tom Roberts raconte avec un classicisme précis, attentif, à contre-courant, une (double) histoire (d’amour) étonnamment émouvante, hautement improbable, véridiquement (?) avérée, la réalité, comme on le sait, ne s’embarrassant guère des préventions de la bienséance (cf. Portier de nuit ). En 1946, des soldats allemands se retrouvent dans un camp de passage (d’où le titre) russe

Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes

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À la mémoire de Marilyn Chambers, Karen Lancaume, Linda Lovelace, Savannah Hommage choral, vivant, ni salace ni sentimental, à des « femmes de l’ombre » surexposées… Nous n’exerçons pas un métier (mais le cinéma traditionnel ou mainstream peut-il être considéré comme tel ?). Nous travaillons « dans le plus simple appareil » devant un appareil de prise de vues impitoyable, qui nous sublime et nous malmène (plutôt celui, rarement celle, placé derrière). Dans notre mise à nu (mal) rémunérée, notre nudité nous sert de masque, nos toisons, nos épilations, nos décolorations, nos tatouages, nos piercings nous vêtent d’une posture conformiste et superficielle. Notre langage, réduit de façon racinienne à une dizaine de mots, à l’impératif, à la prière profane, à l’insulte inoffensive, n’exprime rien de personnel. Alors que nos anatomies, réunies en une mosaïque démocratique et mercantile, s’offrent à vous (presque gratuitement en ligne), à votre regard surtout masculin, solitair

Sukkwan Island : La Classe de neige

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Qui se souvient du beau Limbo de John Sayles, survival surprenant, émouvant, impressionnant dans sa fin suspendue ? Similaire et différent, voici son pendant littéraire… Novella ( memento Différentes Saisons ) autobiographique vite écrite (deux semaines) et vite lue (un couple d’heures, disons), longtemps refusée puis primée, devenue roman international à succès, critique et public, à récompenses (dont le Médicis étranger), via sa publication en français chez Gallmeister ( Nature Writing , collection adéquate), Sukkwan Island séduit dès son incipit élargi aux dimensions d’un paragraphe paranoïaque, cosmogonie miniature et misanthrope, première et meurtrière « leçon de vie » adressée par un père à son fils (« Ainsi commence ton éducation à domicile »). David Vann, « grand gaillard » souriant, universitaire ponctuel, exilé volontaire (bravo) qui ne supportait plus la « culture des armes » de son pays (parallèle au mépris de la culture des livres, y compris à la surfaite

Innocent : L’Outremangeur

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Ne pas nuire mais construire, aimer plutôt que pleurnicher, durer puis savoir s’en aller… Dans une sorte de conversation (alerte, lue d’une traite) par procuration avec le lecteur, l’auteur ne signe ni une autobiographie (cf. Ça s’est fait comme ça ) ni une défense (s’excuser, se justifier, se lamenter, symptômes contemporains). On pense ce que l’on veut de Gérard Depardieu, homme attachant et clivant, acteur-comédien incontournable depuis une cinquantaine d’années (sa filmographie parle suffisamment pour lui, contrairement à celle de Philippe Torreton, anecdotique petit jésuite judicieusement et lapidairement « recadré » par l’amicale Catherine Deneuve), désormais persona ponctuelle aux sorties « scandaleuses ». Son livre, spontané, léger, colérique et pudique, souvent juste et parfois scolaire (même s’il ne fréquenta guère l’école et s’en réjouit), ne vise pas à conserver un parcours dans le formol de la Littérature (écrirait Barthes) mais à le transmettre dans son intensi

La Dernière Mise : La Nouvelle Ève

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Kailey correspond avec son fiston par l’intermédiaire du paternel Rip Torn ; le spectateur, pris dans un insondable ennui, ne désire qu’écrire sur/à l’actrice principale…    Doté d’un titre original technique et poétique ( Turn the River ), ce téléfilm cacochyme caricature les travers du cinéma dit indépendant via la langue poussive de parvenu du mainstream des studios (champs-contrechamps, petites saccades en porté, glissements circulaires de steadicam ). On ignore si l’acteur Chris Eigeman connaît L’Arnaqueur , le beau film désespéré de Robert Rossen, indépassable sommet d’un « sous-genre » dédié à tous les magnifiques perdants de la vie, au billard et ailleurs, mais il ne sait assurément ni écrire un scénario ni se servir d’une caméra. Le drame maternel, de l’épaisseur d’un billet d’autocar (pour le Canada, éden frontalier jamais atteint), aux allures de conte de fées transposé dans le réalisme dépressif de l’époque, avec sa fin faussement ouverte en signe arrogant et pa

L’Incompris : L’Innocent

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Luigi Comencini. Dans sa maison-tombeau (toscan, pas hindou), Anthony Quayle (aussi excellent que ses enfants à l’écran, revu bien plus tard à Paris en Bon Samaritain de Rutger Hauer pour La Légende du saint buveur , 1988, d’Ermanno Olmi), consul britannique à Florence, nous évoque un diplomate américain en poste à Rome, bientôt ambassadeur des USA au Royaume-Uni : Gregory Peck dans La Malédiction (1976) de Richard Donner, bien sûr, tandis que l’agonie de son gamin (mauvaise chute d’un arbre) nous rappelle celle du fiston (mauvaise chute de cheval) de Barry Lyndon chez Stanley Kubrick (1975). Et l’ensemble du film de Luigi Comencini s’apparente à un portrait de famille en intérieur , pour traduire littéralement le titre original du Violence et Passion (1976) de Luchino Visconti. La balustrade intérieure par-dessus laquelle le diablotin italien balance d’un « accident » de tricycle sa chère maman adoptive (inc