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Affichage des articles du mai, 2022

Le Livre du rire et de l’oubli

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  Compatriotes et collègues, monologue et méthode… Ultime livre et livre ultime, car Camus accidenté à la Duvivier ? « À peu près », en effet, puisque parution autonome, écartée du recueil L’Exil et le Royaume , manuscrit non terminé du Premier Homme coincé au creux de l’habitacle de l’épave. Les platanes ne pensent ni ne se déplacent, hélas, alors que le roman testament de l’auteur majeur gamberge le long des berges d’une Amsterdam aux dames rémunérées, aux âmes damnées, à Brel & Maas ( Amsterdamned , 1988) mes amitiés. Relecture renversée de L’Étranger , La Chute n’en possède l’opacité, carbure à la confession alcoolisée comme contamination de culpabilité, substitue le suicide à l’homicide, salut au mythique Sisyphe. Le Caligula du cher Albert, que celui de Brass plus austère, davantage adepte de la « débauche » que du « malconfort », à raison, à tort, adoubait le désordre, révolté d’absurdité désireux d’ordre. Le Jan malvenu du Malentendu , idem à identité dédoublée, dissi

Husbands + Stand by Me

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  Deux métrages, deux images : Le Plein de super (1976) + Un étrange voyage (1981) Cavalier au carré, un cadavre au départ, un autre à l’arrivée. Huit années après le dispensable La Chamade (1968), repêché par Deneuve & Piccoli, le revoici, sur la route et surtout la déroute. Item d’autoroute et film de voie ferrée, leur générique remercie les sociétés concernées, bien sûr la SNCF, Le Plein de super + Un étrange voyage bénéficient de financiers célèbres et désargentés, à savoir Danièle Delorme & Yves Robert, d’un dirlo photo de valeur et parfois acteur, cf. son commissaire, Jean-François Robin ( Les Bronzés , Leconte, 1978 ou L’Amour braque , Żuławski, 1985) le valait bien, de scénarios signés à huit ou quatre mains, la création donc à l’unisson de la fiction. S’ils frisent l’autobiographie, le vécu revisité, voire fantasmé, les métrages d’un autre âge, moitié d’une décennie censée être libérée, en réalité déjà libéralisée, pas seulement en matière de sexualité, premie

Alphabet City

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  Un métrage, une image : Le Cavalier noir (1961) Dans Le Petit Monde de don Camillo (Duvivier, 1952), Fernandel affrontait Cervi, maire communiste et meilleur ennemi. Dans The Singer Not the Song , Mills ne désarme devant Dirk Bogarde, vaurien luciférien à fin félin. Classer Le Cavalier noir en vrai-faux western homo vers Mexico relève de l’évidence – une imagerie dédiée à l’homosexualité, comme dirait Brigitte Lahaie – mais cette dimension d’attraction/répulsion masculine, dommage pour la mimi Mylène Demongeot, mise disons KO, sortie du trio, esseulée va-t’en, châle rouge sang, qui en conclusion culmine, tandem de mecs mortellement touchés, tendrement enlacés, salut au SM de Duel au soleil (Vidor, 1946), ne saurait dissimuler la dynamique de la moralité. Plus près du contemporain Léon Morin, prêtre (Melville, 1961), idem mélodrame adapté d’un bouquin écrit au féminin, Béatrix Beck substituée à Audrey Erskine Lindop, sinon de Sous le soleil de Satan (Pialat, 1987), Mouche

Les Granges brûlées

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  Un métrage, une image : Les Folies fermières (2022) Chronique hétéroclite, quasi sympathique, au sein jamais malsain, puisque coproduit TF1, de laquelle la « sévère » et souriante et sculpturale Sabrina (Ouazani) ressemble un brin à l’Elektra de Frank Miller, ma chère ? Certes, cependant, en sourdine, contre la déprime, un poil davantage, car ce métrage filme sans façon, sans contrefaçon, en dépit des dépressions, une France en souffrance, de seconde chance, de rêve adulte et d’enfance, c’est-à-dire, donc, ni la nation selon Macron & Mélenchon, ni celle de Le Pen. On pourrait reprocher à la comédie dramatique d’Améris de manquer d’originalité, de style, de s’inscrire, ainsi, aussi, parmi le sillon cynique du fameux et fallacieux feel good movie , tel le cabaret, cet endroit où « s’abriter », où ses soucis et soi-même (s’)oublier, comme l’affirme le Monsieur Loyal déloyal, à moumoute monumentale, venu déverser sa bile débile devant l’ ex -athlète de pole dance et escort à

Le Choix des armes

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  Un métrage, une image : Section de choc (1976) À Jacqueline « Le Marseillais, rends-toi ! » crie le flic de Bozzuffi, mais moi je ne démissionne, je visionne. De l’action, encore de l’action, toujours de l’action dirait Danton, alors Dallamano n’y vas pas mollo, il décèdera d’ailleurs bientôt, dans un accident d’auto. Pour l’instant, en été, sort en salle une sorte d’instantané, une photographie remplie d’énergie d’une certaine et turinoise Italie. Les années plombées, à main armée, connaîtront un tournant illico , avec l’assassinat d’Aldo Moro, lui-même devenu cadavre retrouvé à Rome au creux du coffre d’une Renault, décroîtront ipso facto , la Démocratie chrétienne, au régime déjà malsain, idem sur le déclin, remplacée par le capitalisme spectaculaire, sens duel, berlusconien, parce qu’il(s) le valai(en)t bien. Pourtant, deux ans auparavant, le spectateur perçoit un changement, comme un renversement, dont témoigne le métrage de son âge. L’idéologie se dissout ainsi, le poli

Opération Crossbow

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  Un métrage, une image : L’Arbalète (1984) À Jacqueline Voici disons quatre décennies, le Front national n’atteignait le haut niveau du Rassemblement homonyme, synonyme, les migrants de maintenant demeuraient des immigrés, le sida sévissait déjà, se dénonçait du côté du Bois, la guerre d’Algérie ne paraissait pas finie, en tout cas pour le fonctionnaire Falco, rapace froidement furax, émule de Machiavel, aux sympathies néo-nazies. Parmi Paname en pleine pénurie de came, leçon du Capital appliquée à la Capitale, les amitiés marseillaises suscitent le malaise, l’opposition des policiers, cynisme versus moralité, rappelle un peu celle au cœur du Tueur (de La Patellière, 1972), pareil la prostituée symbole de lucidité, de pureté. Tandis que les indics se recrutent puis se culbutent au sein d’une scène style Cruising (Friedkin, 1980), la France s’affirme ainsi, par métonymie, fébrile et fracturée, découpée en quartiers, en bandes, en gangs , en catégories désormais classées ethniqu

Du rififi chez les hommes

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  Un métrage, une image : Sacrifice (2016) L’accoucheuse fait une fausse couche : talons ou non, ceci s’appelle de l’ironie cruelle. Le couple en déroute quitte vite la ville, au bout du monde mais en famille s’exile. Les Shetland ne manquent de charme ni, hélas, de cadavre. Notre obstétricienne guère sereine s’improvise détective, fait presque coéquipe avec une fliquette peu suspecte, qu’elle sauvera in extremis d’un machiste sacrifice. Si son mec ne s’injecte de l’insuline, puisque contraceptif, il faut se méfier des autres apparences, des parents, partout, tout le temps. Runes et ruines, paganisme et eugénisme, mères porteuses et victimes malheureuses, autant d’émotions et de stations sur le chemin de croix de Tora, fossoyeuse audacieuse, courageuse, qui ne sait peut-être pas planter un clou, plaisante l’époux, cependant décide de déterrer, au propre, au figuré, les multiples squelettes d’une masculinité obsolète. Contre le clan, contre le courant, la collusion des condés, le p

Dans la maison

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  Un métrage, une image : Parasite (2019) La représentation de la pauvreté peut beaucoup rapporter – voici, en définitive, la moralité du métrage mondialement acclamé, primé. Succès critique et public, Parasite s’avère vite cependant bien moins amusant, émouvant, que les films précédents, c’est-à-dire Memories of Murder (2003), The Host (2006), Mother (2009) et Snowpiercer, le Transperceneige (2013). N’en déplaise aux experts du commentaire, il ne s’agit jamais de la lutte des classes mise en images, car le combat implique une conscience politique, non une simili sociologie. Pas même prolétaire, le père méconnaît Marx, pratique un pragmatisme teinté de cynisme, délesté de patriotisme, tuer quelqu’un ou trahir son pays, quelle importance, seule importe la survivance, la crédulité en l’occurrence, surtout celle de la maîtresse de maison young and simple , riche et gentille, gentille puisque riche, persifle sa femme, qui s’imagine déjà belle-mère de la lycéenne aussitôt éprise de

La Maison aux esprits

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  Un métrage, une image : Downton Abbey II : Une nouvelle ère (2022) Même muni d’une mise en abyme, même en mode méta, on ne décèle pas un seul instant de cinéma au sein de ce téléfilm de luxe, issu de la célèbre série télévisée à succès, sinon disons à l’occasion d’une surimpression de disparition, retrouvailles de retour au bercail substituées de façon feutrée à la foule des funérailles. Le mélodrame historique de Curtis ressuscite ainsi et aussi le tourisme sudiste du compatriote Hitchcock ( La Main au collet , 1955), mais l’œcuménisme assumé du scénario signé de l’incontournable et oscarisé Julian Fellowes ( Gosford Park , Altman, 2001) se situe en réalité du côté de E.T., l’extra-terrestre (Spielberg, 1982), autre récit de sociologie, de territorialisation des relations, L’Homme tranquille (Ford, 1952) à la place de Chantons sous la pluie (Donen & Kelly, idem ), pardi, dénoue tout, transforme in extremis la star insupportable en fragile orpheline, de sa sœur, malheur,

Le Maître de marionnettes

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  L’éclairante obscurité d’une délicate destinée… Mais un jour je vivrai mes chansons Poupée de cire poupée de son Sans craindre la chaleur des garçons Gall & Gainsbourg Quarante ans auparavant, les créatures de ciné décédaient, aussitôt ressuscitaient, surtout selon E.T. et ici. Spielberg pratique le pathétique, le chaud, le froid, le rouge, le blanc ; Henson & Oz optent pour autre chose, l’épique, l’héroïque, le tragique, puisque sacrifice offert au milieu d’une cérémonie d’éternité coordonnée, contrariée. À chacun son éclat coloré, de cœur déployé à l’intérieur de toute la petite poitrine, métaphore du film, de cristal malade, cassé, à surplomber, à compléter. Afin que la prophétie messianique s’accomplisse, il faut que s’effondre la gracieuse héroïne, que la claire lumière solaire, en trois exemplaires, traverse le triangle un brin utérin, alignement de renouvellement, magnifie et purifie le bloc à bloc phallique, sis à proximité d’un puits fatidique, dont l’anali

Love Story

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  Un métrage, une image : Le Tueur (1972) Échec critique et public, l’avant-dernier film de l’auteur des estimables Un taxi pour Tobrouk (1960), Le Bateau d’Émile (1961), Le Voyage du père (1966) ou Le Tatoué (1968), mérite d’être réexaminé, voire réévalué, car il donne à (re)voir, avec une livide lucidité, la France des années septante, glaçante, glacée, aussi son ciné. Coproduit entre ici, l’Allemagne et l’Italie – Éric Rochat reviendra via L’Affaire Dominici (Aubert, 1973), Histoire d’O (Jaeckin, 1975), scénarisera-réalisera sa vraie-fausse suite ( Histoire d’O, numéro 2 , 1984) –, coécrit par Pascal Jardin, parce que le dialoguiste fidèle le valait bien, éclairé en soft focus par Claude Renoir, bientôt au boulot à l’occasion d’une autre chasse à l’homme, pardon, à la dame ( La Traque , Leroy, 1975), les mecs abjects font des misères à Mimsy Farmer, musiqué par le Marseillais Hubert Giraud ( Sous le ciel de Paris , Duvivier, 1951), interprété par Blier & Gabin, Gl

De sang-froid

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  Un métrage, une image : Les Ailes de la nuit (1997) Toi, jeune homme, ne désespère point ; car, tu as un ami dans le vampire, malgré ton opinion contraire. Lautréamont, Les Chants de Maldoror S’il souffre d’une facture très TV, The Night Flier possède pourtant plusieurs qualités. Produit   par Richard Rubinstein, trésorier de Romero ( Martin , 1977, Zombie , 1978, Creepshow , 1982), fidèle financier de films ou téléfilms adaptés d’après Stephen King ( Simetierre , Lambert, 1989, Darkside : Les Contes de la nuit noire , Harrison, 1990, le longuet Les Langoliers ), tourné en un mois recta , diffusé sur le petit avant le grand écran, voilà le premier titre et presque l’unique du peu prolifique Pavia, ensuite signataire d’un obscur Fender Bender (2016), puis disparu des radars, routiers, clin d’œil à l’ item précité, en compagnie de son épouse Julie Entwisle, actrice tout aussi éphémère, ici castée en Katherine Blair, bientôt patronyme homonyme de sorcière forestière ( Le Projet

Adieu au langage

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  Adages, radotages, sabordages… Talk is cheap Dicton ricain D’abord je veux avec ma langue Natale deviner tes pensées Plus tu cries plus profond j’irai Dans tes sables émouvants sables Où m’enlisant je te dirai Les mots les plus abominables Serge Gainsbourg, Love on the Beat Dans Les Hommes le dimanche (Siodmak & Ulmer, 1930), du body language en mode Miss Minogue ; dans Permis de construire (Fraticelli, 2022), des onomatopées au café ; dans Les Sans-dents (Rabaté, 2022), de régressifs borborygmes contre la déprime et, tangente évidente, dans L’Homme au crâne rasé (Delvaux, 1966), une voix off fatiguée : à travers les décennies, les pays, les titres réunis ici, se pose ainsi la question de l’expression, de la langue, du langage, donc de l’identité, de l’individualité, de son dialogue et de sa dialectique avec la communauté. Face à la solitude infinie, faussée – je voudrais être au moins une fois enfin moi-même – de l’anti-héros de Delvaux, avocat pas sy